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L'expert-comptable collaborateur libéral

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Catégorie : Actualité des métiers du chiffre
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L'expert-comptable collaborateur libéral

Le statut de collaborateur libéral, qui permet à un expert-comptable d'exercer son activité pour le compte d'un autre expert-comptable, tout en conservant son statut social et fiscal de professionnel indépendant, est encore assez peu répandu dans la profession. Il présente pourtant de nombreux avantages pour le collaborateur comme pour les cabinets, à condition de respecter certains garde-fous.

Prévu à l'origine pour la profession d'avocat, le statut de collaborateur a été étendu en 2005 (Loi n° 2005 -882 du 2 août 2005, article 18) aux membres des professions soumis à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, à l'exception des professions d'officiers publics ou ministériels, des commissaires aux comptes et des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises.

La collaboration libérale est un mode d'exercice professionnel exclusif de tout lien de subordination comme le précise la loi du 2 août 2005 : « le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et se constituer une clientèle personnelle » (Loi n° 2005-882 du 2 août 2005, article 2, alinéa 2).

Le collaborateur libéral assume, par ailleurs, l'entière responsabilité de ses actes professionnels.

Dix ans après l'adoption de la loi de 2005, le statut de collaborateur libéral expert-comptable n'est pas très répandu dans la profession. D'une façon plus générale, force de constater qu'il est surtout utilisé par les avocats qui représentent les 2/3 des collaborateurs libéraux [1].

 

Un statut attractif pour démarrer une collaboration

Pourtant, ce statut présente des avantages en pratique aussi bien pour le collaborateur libéral que pour le cabinet signataire du contrat de collaboration libéral.

Pour le collaborateur, il lui permet d'acquérir très souvent dans le prolongement de son stage une expérience auprès de confrères expérimentés et de mutualiser des dépenses communes.

Les charges sociales sont par ailleurs moins élevées qu'avec un statut salarié, à coût égal pour le cabinet.

Cette attractivité liée au mode de rémunération peut constituer une motivation permettant de fidéliser le collaborateur et préparer ainsi éventuellement à terme une association future ou une cession de sa clientèle à un expert-comptable formé au sein de la structure et connaissant la clientèle.

 

Des garde-fous pour protéger les deux parties

Ces avantages ne semblent pas être assez attractifs pour contrebalancer les craintes empêchant le recours à ce type de collaboration.

Ces craintes peuvent être liées aux risques pouvant naitre à l'occasion de cette collaboration libérale, tout particulièrement ceux liés à la requalification ou les difficultés liées au non-respect de la clientèle.

Plusieurs garde-fous législatifs, contractuels et déontologiques permettent d'anticiper ou de limiter ces risques.

Outre le respect des règles régissant la profession concernée, le contrat écrit doit à peine de nullité préciser :

1- Sa durée, indéterminée ou déterminée, en mentionnant dans ce cas son terme et, le cas échéant, les conditions de son renouvellement ;

2- Les modalités de la rémunération ;

3- Les conditions d'exercice de l'activité, et notamment les conditions dans lesquelles le collaborateur libéral peut satisfaire les besoins de sa clientèle personnelle ;

4- Les conditions et les modalités de sa rupture, dont un délai de préavis ;

5- Les modalités de sa suspension afin de permettre au collaborateur de bénéficier des indemnisations prévues par la législation de la sécurité sociale en matière d'assurance maladie, de maternité, de congé d'adoption et de congé de paternité et d'accueil de l'enfant (Loi n° 2014-873 du 4 août 2014).

Le contrat type en ligne sur le site du conseil régional outre ces mentions obligatoires comprend des clauses visant à prévenir les difficultés pouvant survenir.

Un des risques majeurs est la requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de travail, si les conditions de travail ne permettent pas de garantir l'exercice de la profession par le collaborateur en toute indépendance.

L'article 3 du contrat-type précise que le cabinet garantit au collaborateur libéral la possibilité pour l'expert-comptable collaborateur de constituer et développer une clientèle personnelle sans contrepartie financière et que le cabinet s'engage à lui mettre, pour ce faire, à disposition l'ensemble des moyens nécessaires sans aucune restriction et dans des conditions normales d'utilisation.

Les juges requalifient systématiquement le contrat de collaboration dès lors que la faiblesse ou l'absence de clientèle personnelle résulte des conditions d'exercice de l'activité du collaborateur libéral et non du fait de ce dernier.

Ainsi, a été requalifié en contrat de travail, le contrat de collaboration contracté par un collaborateur libéral qui n'avait pu traiter que cinq dossiers personnels en cinq ans compte-tenu des faits suivants :

  • La plupart des rendez-vous et appels téléphoniques, nécessaires au traitement des dossiers personnels, se tenaient hors du cabinet, après 20 heures ou le weekend.
  • Le collaborateur ne disposait pas d'un local lui permettant de recevoir ses propres clients,
  • Les témoignages recueillis faisaient état de l'attitude générale du cabinet tendant à dissuader les collaborateurs à développer une clientèle personnelle.

À partir de ces éléments de faits relevés par les juges du fond, le première chambre civile de la Cour de cassation a constaté que le collaborateur était privé de l'indépendance technique propre au collaborateur libéral et qu'il y avait donc lieu de requalifier le contrat de collaboration libérale en contrat de travail.

Pour éviter une telle requalification, il faut donc que le collaborateur conserve la faculté de se constituer une clientèle personnelle, faculté constituant l'un des gages essentiels de son indépendance.

Cependant, cela ne signifie pas que le développement de la clientèle peut se faire au détriment de la clientèle préexistante du cabinet.

Là encore, le contrat de collaboration type anticipe le risque par son article 7 sur le respect de la clientèle, en stipulant que le collaborateur s'interdit de solliciter directement ou par personne interposée les clients du cabinet.

Cette interdiction est valable durant toute la durée du contrat de collaboration et durant les deux années suivant la rupture du contrat.

Par ailleurs, le contrat type définit précisément la clientèle du cabinet en indiquant que

sont considérés comme clients du cabinet toute personne physique ou morale ayantun lien d'affaire avec le cabinet et l'ensemble des personnes physiques ou morales liéesau client (filiale, société mère, société s½ur, famille de l'entrepreneur, etc...).

Le détournement massif et caractérisé de clientèle pourrait être poursuivi devant les tribunaux judiciaires sur le fondement notamment de la concurrence déloyale ou sur la base d'une clause de non-concurrence insérée dans le contrat de collaboration.

La dernière jurisprudence de la Cour de cassation en la matière et appliquée au contrat de travail est cependant particulièrement restrictive.

Dans un arrêt du 31 octobre 2012 (C.Cass, soc 31 octobre 2012 N 11-16.988), la chambre sociale a ainsi considéré qu'un expert-comptable ne commet pas d'agissements déloyaux à l'égard de son ancien cabinet en contactant des clients pendant le préavis de rupture de son contrat de travail avec le téléphone de l'employeur, même si de nombreux clients ont résilié le contrat pour le suivre.

Des agissements qui ne seraient pas retenus par des juges comme des faits constitutifs d'une concurrence déloyale ou d'un détournement de clientèle pourraient en revanche constituer des pratiques contraires aux règles déontologiques et être sanctionnés à ce titre.

L'impact des règles déontologiques est d'ailleurs essentiel dans la collaboration libérale. Elles permettent de maintenir l'équilibre contractuel entre le cabinet et le collaborateur libéral, tous deux membres d'une même profession.

Le respect de l'éthique professionnelle garantit surtout l'indépendance technique de l'expert-comptable, caractéristique du caractère libéral de la profession, quel que soit le mode d'exercice choisi.

 

[1] Rapport du Sénat sur le projet de loi du 26 /05/2015 pour l'égalité entre les hommes et les femmes

 

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Article publié dans la revue Le Francilien - numéro 90

Publication sur Compta Online en partenariat avec le Conseil Régional de l'Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France

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