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Aménagement du régime fiscal des dividendes versés à une société mère européenne

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Catégorie : Actualité fiscale et droit des sociétés
Aménagement du régime fiscal des dividendes versés à une société mère européenne

La loi de finances rectificative pour 2015 a réaménagé le dispositif d'exonération de retenue à la source au titre des dividendes distribués par une société française à une société mère établie dans un Etat de l'Union européenne.

En principe, les dividendes versés par une société française à une société dont le siège social est établi dans un autre Etat sont assujettis à une retenue à la source de 30% (article 119 bis, 2).

Toutefois :

  • Lorsque les dividendes sont distribués au profit d'une société établie dans un Etat lié à la France par une convention fiscale, ce taux de 30% est, dans la plupart des cas, réduit à un niveau inférieur ;
  • Lorsque les dividendes sont versés à une société située dans un Etat membre de l'Union européenne, qui détient au moins 10% du capital social de la société distributrice, la retenue à la source de l'article 119 bis, 2 ne s'applique pas, sous réserve du respect de certaines conditions (article 119 ter du CGI).

S'agissant de cette exonération de retenue à la source en cas de distribution à une société mère européenne, l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 a introduit plusieurs aménagements.

 

Extension de l'exonération de retenue à la source aux titres détenus en nue-propriété

La doctrine administrative actuelle relative à l'article 119 ter du CGI précise que l'exonération de retenue à la source n'est pas applicable en cas de démembrement des titres entre nu-propriétaire et usufruitier (BOI-RPPM-RCM-30-30-20-10-20140725, n°190).

Cette doctrine a été fragilisée par une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui a jugé que si les titres détenus en usufruit n'entrent pas dans le champ des participations visées par la directive mère-fille, une participation détenue en qualité de nu-propriétaire constitue une participation éligible (CJUE, 22 décembre 2008, aff. 48/07, Les Vergers du Vieux Tauves SA).

Dans ce contexte, l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 étend l'application de l'exonération de retenue à la source de l'article 119 ter aux participations détenues en nue-propriété, sous réserve, bien entendu, que l'ensemble des autres conditions requises pour bénéficier du dispositif soient par ailleurs satisfaites.

 

Légalisation de la doctrine administrative étendant l'exonération de retenue à la source aux dividendes versés à des sociétés situées dans l'EEE

La doctrine administrative a étendu le bénéfice de l'exonération de retenue à la source de l'article 119 ter aux dividendes versés par des sociétés françaises à des sociétés établies dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant signé avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, i.e. Islande, Norvège et Liechtenstein (BOI-RPPM-RCM-30-30-20-40-20150401).

L'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 a légalisé cette extension, qui s'applique également aux établissements stables situés dans ces pays.

 

Légalisation de la doctrine administrative dite "Denkavit"

Lorsqu'une société française est détenue à plus 5% mais moins de 10% par une société établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne, les dividendes qu'elle distribue à cette dernière sont soumis à une retenue à la source, les conditions d'application de l'exonération de retenue à la source prévue par l'article 119 ter n'étant pas réunies.

Toutefois, la société mère européenne a la possibilité d'imputer la retenue à la source ainsi acquittée sur l'impôt sur les sociétés payé dans son Etat de résidence. Lorsqu'elle est privée de cette possibilité (tel est le cas lorsqu'elle est exonérée d'impôt sur les sociétés), la doctrine administrative prévoit que la retenue à la source ne s'applique pas, conformément à une jurisprudence de la CJCE dite "Denkavit" (CJCE 14 décembre 2006 aff. 170/05, 1ère ch. Sté Denkavit International BV et SARL Denkavit France - BOI-RPPM-RCM-30-30-20-40-20150401).

Selon cette décision, une législation nationale accordant un traitement fiscal différent à des dividendes distribués par une filiale selon que le siège de la société est situé dans l'Etat d'établissement de la société distributrice (i.e. application du régime des sociétés mères et filiales dès lors que la participation détenue est au moins égale à 5% du capital de la société distributrice) ou dans un Etat membre (i.e. l'exonération de retenue à la source de l'article 119 ter n'est applicable que si la société mère détient 10% du capital de sa filiale) constitue une entrave non justifiée au principe de la liberté d'établissement.

L'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 légalise la doctrine administrative précitée. Cette disposition s'applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015.

 

Transposition en droit interne de la clause anti-abus prévue par la Directive 2015/121/UE

Le Conseil de l'Union européenne a adopté, le 27 janvier 2015, la Directive 2015/121/UE qui contient une clause anti-abus spécifique devant être transposée dans le droit interne de chacun des Etats membres avant le 31 décembre 2015.

Selon cette Directive, l'exonération de retenue à la source applicable aux dividendes reçus par les sociétés mères européenne détenant au moins 10% du capital social de la société distributrice ne peut pas s'appliquer "à un montage ou à une série de montages, qui ayant été mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal ou au titre de l'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité de la Directive, n'est pas authentique compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents".

La Directive précise qu'"un montage ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique".

La loi de finances rectificative pour 2015 a procédé à la transposition de cette Directive. Cette clause anti-abus se substitue à la précédente clause anti-abus qui figurait à l'article 119 ter du CGI. Elle s'applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016.

La portée de cette clause anti-abus est difficile à apprécier pour le moment ; il faudra attendre les commentaires administratifs pour mieux en cerner l'impact. Selon le rapport parlementaire de la loi de finances rectificative pour 2015, cette clause vise notamment les montages permettant à des filiales européennes de groupes internationaux de distribuer des dividendes à des sociétés situées dans des États tiers à imposition faible ou nulle en évitant toute retenue à la source.

Remarque
Cette clause anti-abus s'applique aussi dans le cadre du régime des sociétés mères et filiales visé à l'article 145.

Clotilde Cattier

Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.

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