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Eco-Graphie 2014 des cabinets d'expertise comptable

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Catégorie : Actualité des métiers du chiffre
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L'environnement de la profession comptable connaît des mutations profondes. Et le mouvement s'accélère...

La profession comptable s'est longtemps caractérisée par des évolutions aussi lentes que prévisibles. Si bien que jusqu'au milieu des années 2000, si l'on écarte la technologie et la réglementation fiscale, sociale ..., qui ont profondément évolué, il ne s'est finalement pas passé grand-chose dans la profession. La réglementation est restée la même, les marchés sont restés les mêmes, les concurrents et les collaborateurs sont restés les mêmes... Dans ces conditions, et alors que la rentabilité de la mission comptable demeurait satisfaisante, les experts-comptables n'étaient (à juste titre) guère motivés pour faire évoluer le positionnement et l'organisation de leur cabinet.

Mais ça, c'était avant... Depuis quelques années, les professionnels du chiffre doivent en effet composer avec de profondes évolutions de leur écosystème. Des évolutions qui sont loin d'être terminées et qui touchent désormais tous les pans de leur environnement. Difficile d'être exhaustif en la matière, tant ces évolutions ont été nombreuses au cours des dernières années, mais citons notamment :

  • l'autorisation de la publicité, puis du démarchage,
  • l'intégration des AGC (Associations de gestion et de comptabilité) à l'Ordre,
  • la montée en puissance de la génération Y au sein des cabinets, mais aussi (surtout ?) chez les clients,
  • le vieillissement de la population des experts-comptables (50% des experts-comptables ont plus de 50 ans et 15% ont dépassé la soixantaine), dans un contexte de déficit d'attractivité de la profession,
  • la mutation des attentes des clients. Des clients aux comportements plus consuméristes qui n'hésitent plus à changer de prestataires s'ils considèrent que les prestations ne leur apportent pas assez de valeur ,
  • l'apparition de nouveaux modèles économiques dans la profession : low cost, spécialisation, full services...,
  • le durcissement de la pression concurrentielle, depuis l'intérieur de la profession mais aussi de plus en plus depuis l'extérieur,
  • le développement à marche forcée des réseaux de cabinets et la tendance à la concentration de la profession
  • l'autorisation des activités commerciales accessoires,
  • la suppression du cantonnement du capital des cabinets,
  • sans oublier naturellement la poursuite de la révolution technologique dont les impacts sont énormes sur la profession :
    - bouleversement des processus de production,
    - meilleure information des chefs d'entreprise qui peuvent plus facilement comparer les offres et les prix des prestations,
    - développement des offres de comptabilité et ligne (depuis la France, mais aussi de plus en plus depuis l'étranger), etc.

Autrement dit, des évolutions en profondeur qui font entrer la profession dans un nouveau paradigme et qui vont contraindre les cabinets à faire évoluer leur mode d'exercice, voire même de leur ADN. Pourquoi ? Parce que les conséquences de ces évolutions, dont certaines sont à l'½uvre depuis quelques années, commencent à se faire sentir dans les chiffres. Les dernières études publiées par l'observatoire du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables (en 2012) faisaient état d'une érosion de la rentabilité des cabinets. L'Eco-Graphie de la profession en 2014 réalisée par b-ready confirme bel et bien cette tendance.

 

Une baisse tendancielle de la rentabilité moyenne des cabinets d'expertise comptable sur les dernières années

Quelques précisions méthodologiques

Cette étude a été réalisée de la façon suivante :

  • toutes les données sont issues des informations déposées aux greffes des tribunaux de commerce par les cabinets eux-mêmes. L'étude ne prend donc en compte ni les AGC, ni les cabinets qui exercent sous la forme d'entreprises individuelles qui, du fait de leur statut, ne sont pas soumis à une obligation de dépôt de leurs comptes.

  • ont ensuite été exclus de l'analyse :
    - les cabinets de plus de 10 M¤ de chiffre d'affaires
    - les cabinets n'ayant pas déposé de comptes au cours d'au moins une des années de la période de référence. Autrement dit, l'analyse ne concerne que les structures pérennes qui ont systématiquement déposé leurs comptes sur la période 2007-2012
    - les cabinets présentant des taux de croissance « anormalement élevés » (>100%) ou « anormalement bas » (<-50%) pour au moins une des années de la période étudiée
    - les cabinets affichant des soldes de gestion fantasques au cours d'une des années observées ;

  • la présente étude concerne donc le c½ur de la profession : les cabinets « traditionnels ». In fine, l'échantillon comprend plus de 4.000 cabinets de moins de 10 M¤ de chiffre d'affaires, soit un chiffre d'affaires cumulé de 3,7 Mds¤ en 2012.

Cette étude est librement accessible à l'adresse suivante : www.b-ready.fr

L'analyse des performances de l'ensemble de la profession

Le chiffre d'affaires

Entre 2007 et 2012, le chiffre d'affaires des 4 000 cabinets d'expertise comptable notre échantillon a progressé de 17,9%. Une croissance qu'il convient toutefois de mettre en perspective avec l'inflation observée sur la même période :

  • si l'on déflate la croissance du chiffre d'affaires des cabinets (autrement dit, si l'on raisonne en euros constants), elle tombe en effet à 7,8% sur la période de référence ;
  • avec, qui plus est, une croissance qui tend à ralentir depuis 2010. Alors que le chiffre d'affaires en euros constants progressait à un rythme compris entre 2,5% et 3% par an jusqu'en 2009, la croissance annuelle est tombée sous la barre des 1% en 2010, 2011 et 2012.

Alors certes, la crise n'a rien arrangé, mais ce ralentissement de la croissance des cabinets doit surtout être mis en perspectives avec les évolutions de l'environnement exposées au début de cet article. En effet, la profession ne traverse pas seulement une crise, elle fait face à une profonde mutation...

Le résultat d'exploitation

Si les cabinets d'expertise comptable sont parvenus à contenir la progression de leur masse salariale sur la période étudiée, l'augmentation du poids des charges externes a pesé sur leurs performances. Entre 2007 et 2012, ces charges externes ont en effet bondi de plus de 30% ; alors que le chiffre d'affaires, rappelons-le, a progressé de moins de 18%.

Cette flambée des charges externes a certainement plusieurs origines :

  • l'augmentation « naturelle » de certains postes de dépenses incompressibles des cabinets : loyers, électricité, informatique, assurances...
  • l'accroissement du recours à des prestataires externes. Dans un environnement de plus en plus complexe et concurrentiel, les cabinets sont, en effet, de plus en plus nombreux à faire appel à la sous-traitance afin d'optimiser leurs processus de production : saisie, mission sociale... Ils sont également de plus en plus contraints de faire appel à des compétences externes pour répondre à des demandes toujours plus pointues de la part de leurs clients ;
  • des choix personnels de certains dirigeants de cabinets qui ont opté pour un régime fiscal et social de TNS et ont donc « déplacé » leur rémunération de salaires en charges externes ;
  • notons enfin que le passage au cloud computing peut également expliquer en partie la forte progression des charges externes de certains cabinets, dans la mesure où il transforme des charges fixes en charges variables.

In fine, le résultat d'exploitation des 4000 cabinets de notre échantillon tend à s'éroder :

  • en euros constants (hors inflation, donc), il a ainsi systématiquement baissé sur les quatre dernières années. Et, sur l'ensemble de la période de référence (2007-2012), il affiche un recul de 5,4% ;
  • dans ces conditions, le taux de résultat d'exploitation de la profession a connu cinq années consécutives de baisse, passant de 10,8% du chiffre d'affaires en 2007, à 9,5% en 2012.

 

L'analyse des performances selon la taille des cabinets

Une analyse plus fine fait apparaitre de réelles disparités en fonction de la taille des cabinets. Que ce soit en termes d'évolution de l'activité ou de performances...

Le chiffre d'affaires

En termes d'évolution du chiffre d'affaires sur la période 2007-2012, trois grandes familles de cabinets se distinguent :

  • les plus petits cabinets (moins de 0,5 M¤), dont le chiffre d'affaires en euros courants progresse nettement moins que la moyenne de la profession entre 2007 et 2012 : moins de 10% de croissance contre près de 18% pour l'ensemble de l'échantillon ;
  • les cabinets de taille moyenne (entre 0,5 et 2,5 M¤), dont le chiffre d'affaires progresse à peu près dans les mêmes proportions que la moyenne de la profession ;
  • les plus grands cabinets (entre 2,5 et 10 M¤), dont le chiffre d'affaires s'accroit plus rapidement que la moyenne des cabinets : environs 22% de croissance cumulée sur la période.

Ces disparités significatives dans la croissance des cabinets illustrent notamment les tensions sur les prix auxquels sont confrontés les petites structures. Rappelons que l'activité de ces petites structures reste généralement très centrée sur la prestation comptable traditionnelle. Ces résultats sont en phase avec ceux des dernières études réalisées par le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, qui montraient très clairement la baisse régulière du niveau de facturation moyen d'un dossier d'expertise comptable.

Le résultat d'exploitation

L'analyse des performances selon la taille des cabinets fait également ressortir trois grandes catégories de cabinets, mais ces catégories ne sont pas les mêmes que pour l'évolution du chiffre d'affaires :

  • les plus petits (< 0,5 M¤) et les plus grands (entre 5 et 10 M¤) sont sans conteste ceux qui ont le plus souffert, avec une baisse de leur résultat d'exploitation (en euros courants) de respectivement 9,5% et 3,3% entre 2007 et 2012 ;
  • les cabinets réalisant entre 0,5 et 2,5 M¤ de chiffre d'affaires, qui ont vu leur résultat d'exploitation (toujours en euros courants) progresser dans des proportions relativement modestes sur la période 2007-2012 ;
  • et, enfin, les cabinets réalisant entre 2,5 et 5 M¤ de chiffre d'affaires, qui sont les seuls à voir leur résultat d'exploitation progresser de façon significative sur la période de référence : +15,2% entre 2007 et 2012.

Au final, toutes les catégories de cabinets ont vu leur taux de résultat d'exploitation s'éroder (dans des proportions plus ou moins marquées) sur la période de référence. Une baisse généralisée des performances d'exploitation qui traduit toutefois deux situations bien distinctes :

  • d'un côté, des cabinets qui subissent de plein fouet (sans trop savoir comment réagir) les mutations de leur environnement (au niveau réglementaire, mais aussi aux niveaux technologique, économique, concurrentiel et sociétal...).
  • et, de l'autre, des cabinets qui ont pris la mesure des enjeux en cours et ont amorcé la transformation de leur modèle économique. Un processus de changement qui pèse aujourd'hui sur leurs résultats compte tenu des investissements (en argent et en temps) qu'il nécessite ; mais qui les mettra en position de mieux profiter des opportunités qui s'offrent aux professionnels du chiffre du fait de ces mêmes évolutions de leur environnement.

 

L'analyse régionale des performances des cabinets

L'analyse menée au niveau régional est également riche d'enseignements. Elle montre notamment que les cabinets franciliens connaissent une situation quelque peu différente de celle de leurs confrères de province.

Le chiffre d'affaires

En 2008, cabinets franciliens et provinciaux enregistraient, peu ou prou, les mêmes taux de croissance de leur activité. Mais, depuis quelques années, les évolutions divergent :

  • au cours des trois dernières années, le chiffre d'affaires des cabinets franciliens a ainsi systématiquement baissé alors que celui des cabinets de province continuait à progresser. In fine, les cabinets franciliens affichent une baisse de leur chiffre d'affaires déflaté de -2,6% sur la période 2009-2012 alors que, dans le même temps, l'activité des cabinets en régions a progressé de +3,6% ;
  • des chiffres qui traduisent notamment le durcissement de la pression concurrentielle à laquelle sont plus durement confrontés les cabinets de la région parisienne que leurs homologues de province : forte concentration de cabinets d'experts-comptables, comportements plus consuméristes, plus grande volatilité des clients, moindre sensibilité à la proximité géographique...

Le résultat d'exploitation

Le durcissement de la pression concurrentielle pour les cabinets franciliens se traduit clairement dans l'évolution de leur niveau de performance, avec une baisse cumulée de leur résultat d'exploitation de près de 3% sur la période 2007-2012. Les cabinets dans les régions ne sont certes pas épargnés par le renforcement de la concurrence et par la pression sur les prix de leurs prestations ; mais, entre 2007 et 2012, leur résultat d'exploitation a néanmoins progressé de 5,2%.

Cela dit, il convient de noter que, comme pour les cabinets franciliens, le taux de résultat d'exploitation des cabinets de province a lui aussi baissé, même s'il demeure légèrement supérieur à celui des cabinets franciliens : 10,9% en 2007 contre 9,6% du chiffre d'affaires en 2012

 

Alors, que faire ?

Compte-tenu de l'ampleur des mutations en cours, les cabinets ne pourront pas continuer très longtemps à faire l'impasse sur une réflexion stratégique en profondeur. Cette réflexion stratégique amènera les cabinets à se projeter dans l'avenir ; et donc à imaginer quels seront, demain, leur environnement et leurs conditions d'exercice. Ce n'est qu'à cette condition qu'ils seront en mesure de faire des choix pertinents ; et surtout d'arrêter (autant que faire se peut) de subir les évolutions de leur environnement.

Les chantiers de transformation sont en effet multiples et conséquents. Ils ne pourront être lancés de façon efficace sans une réflexion en profondeur sur l'environnement et les spécificités du cabinet ; ni sans l'élaboration d'un projet de cabinet . Un projet de cabinet qui donne le cap sur les objectifs poursuivis à moyen terme et sur les moyens à mettre en ½uvre pour les atteindre. Rappelons que la définition d'une stratégie est une des missions de tout chef d'entreprise. Les experts-comptables ne font pas exception à la règle...

Sachant que les chefs d'entreprise sont de moins en moins nombreux à considérer que la prestation comptable leur apporte une véritable valeur ajoutée. Pour eux, la valeur ajoutée réside dans les prestations de conseil et d'accompagnement. Des prestations qui les aident effectivement à piloter et à développer leur entreprise.

b-ready

Ludovic Melot

Consultant b-ready

www.b-ready.fr
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