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Les derniers aménagements apportés au régime mère-fille

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Catégorie : Actualité fiscale et droit des sociétés
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Les derniers aménagements apportés au régime mère-fille

La loi de finances rectificative pour 2015 a aménagé le régime mère-fille afin de le mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne et avec certaines décisions du Conseil constitutionnel.

Sous réserve du respect de certaines conditions, le régime spécial des sociétés mères et filiales (dit « régime mère-fille ») prévoit une exonération des dividendes perçus par les sociétés françaises, à l'exception d'une quote-part de frais et charges de 5% qui doit être réintégrée au résultat taxable de la société (articles 145 et 216 du CGI).

En pratique, ce dispositif revient à exonérer 95% du montant brut des dividendes perçus (i.e. taxation effective de ces revenus au taux de 1,72%).

Pour plus de détails concernant ce régime, veuillez consulter les articles suivants :

La loi de finances rectificative pour 2015 a apporté plusieurs aménagements au régime mère-fille :

  • Ouverture du dispositif aux titres détenus en nue-propriété ;
  • Rétablissement de la liste des distributions exclues du régime mère-fille ;
  • Transposition en droit interne de la clause anti-abus prévue par la Directive 2015/121/UE ;
  • Introduction d'une clause de sauvegarde permettant de maintenir l'exonération des dividendes provenant d'une société située dans un Etat ou territoire non coopératif (ETNC).

L'ensemble de ces aménagements s'applique aux exercices clos le 31 décembre 2015, à l'exception de la transposition de la clause anti-abus qui est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016.

 

Extension du régime mère-fille aux titres détenus en nue-propriété

L'article 54 de l'annexe II au CGI prévoit que le bénéfice du régime mère-fille est subordonné à la conservation de la pleine propriété des titres pendant une durée de deux ans, au moins, par la société récipiendaire des dividendes. L'administration fiscale, dans sa doctrine, réserve également l'accès au régime à la détention en pleine propriété des titres (BOI-IS-BASE-10-10-10-20, n°40).

Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que si les titres détenus en usufruit n'entrent pas dans le champ des participations visées par la directive mère-fille, une participation détenue en qualité de nu-propriétaire constitue une participation éligible (CJUE, 22 décembre 2008, aff. 48/07, Les Vergers du Vieux Tauves SA).

Cette position a été reprise par plusieurs tribunaux français, qui ont ainsi reconnu l'application du régime mère-fille à des participations détenues en nue-propriété (TA Paris 8 juillet 2009 n°04-17286 et 08-3363 et CAA Bordeaux 6 octobre 2015 n°13BX01919).

Dans un souci de mise en conformité avec le droit européen, l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 étend l'application du régime mère-fille aux participations détenues en nue-propriété, sous réserve, bien entendu, que l'ensemble des autres conditions requises pour bénéficier du régime soient par ailleurs satisfaites.

 

Rétablissement de la liste des distributions exclues du régime mère-fille

La seconde loi de finances rectificative pour 2014 avait substitué, à une série d'exclusions du régime mère-fille, une restriction générale à ce régime, qui refusait son application aux dividendes prélevés sur les bénéfices d'une activité non soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent.

Toutefois, cette restriction générale avait été censurée par le Conseil constitutionnel (pour plus de détail à ce sujet, veuillez consulter l'article suivant : Vote du budget 2015 - Saisine du Conseil Constitutionnel), sans que soit restaurée la liste des exclusions précitées. Cette liste avait cependant été reprise par la doctrine administrative, dans ses commentaires au BOFiP (BOI-IS-BASE-10-10-20, n°60).

L'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 rétablit la liste des exclusions au régime mère-fille, qui vise les distributions suivantes :

  • les produits des actions des sociétés d'investissements ;
  • les distributions effectuées par les sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie (Sicomi), dès lors que ces dividendes sont prélevés sur des bénéfices exonérés ;
  • les dividendes versés aux actionnaires des sociétés agréées pour le financement des télécommunications et des sociétés qui redistribuent les dividendes d'une Sicomi ;
  • les produits et plus-values nettes distribués par les sociétés de capital-risque exonérées en application de l'article 208, 3° septies du CGI ;
  • les bénéfices distribués aux actionnaires des sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC) et de leurs filiales visées à l'article 208 C du CGI, à condition d'avoir été prélevés sur des bénéfices exonérés, ainsi que des sociétés étrangères ayant une activité identique et qui sont exonérées, dans l'Etat d'établissement de leur siège de direction effective, de l'impôt sur les sociétés ;
  • les revenus et profits distribués aux actionnaires de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (Sppiccav) visées à l'article 208, 3° nonies du CGI et à ceux de leurs filiales ayant opté pour le régime des SIIC.

 

Transposition en droit interne de la clause anti-abus prévue par la Directive 2015/121/UE

Le Conseil de l'Union européenne a adopté, le 27 janvier 2015, la Directive 2015/121/UE qui contient une clause anti-abus spécifique devant être transposée dans le droit interne de chacun des Etats membres avant le 31 décembre 2015.

Selon cette Directive, l'exonération des dividendes reçus par les sociétés mères bénéficiant du régime mère-fille ne peut pas s'appliquer "à un montage ou à une série de montages, qui ayant été mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal ou au titre de l'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité de la Directive, n'est pas authentique compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents".

La Directive précise qu'"un montage ou une série de montage est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique".

La loi de finances rectificative pour 2015 a procédé à la transposition de cette Directive. La clause anti-abus s'applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016.

La portée de cette clause anti-abus est difficile à apprécier pour le moment ; il faudra attendre les commentaires administratifs pour mieux en cerner l'impact. Selon le rapport parlementaire de la loi de finances rectificative pour 2015, cette clause vise notamment à empêcher l'application du régime mère-fille aux montages artificiels tels que ceux impliquant une société holding n'ayant comme seule et unique activité que de détenir des actions.

Remarque : cette clause anti-abus s'applique aussi dans le cadre de l'exonération de retenue à la source sur les dividendes versés par des filiales à une société mère établie dans un Etat membre de l'Union européenne. Elle se substitue à la clause anti-abus qui figurait à l'article 119 ter du CGI.

 

Introduction d'une clause de sauvegarde permettant de maintenir l'exonération des dividendes provenant d'une société située dans un ETNC

Selon l'article 145, 6-j du CGI, les distributions versées par une société implantée dans un ETNC sont exclues du bénéfice du régime mère-fille.

Le Conseil constitutionnel avait, sans censurer ces dispositions, émis une réserve de constitutionalité en considérant que devait être laissé au contribuable la faculté de prouver que la prise de participation dans une société établie dans un ETNC correspondait à des opérations réelles qui n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre, dans un but de fraude fiscale, la location de bénéfices dans cet Etat (Cons. Const. 20 janvier 2015 n°2014-437, QPC, Association française des entreprises privées).

En réponse à cette décision, la loi de finances rectificative pour 2015 introduit une clause de sauvegarde en faveur des dividendes perçus de société établies dans un ETNC, qui reprend exactement les termes de la réserve émise par le Conseil constitutionnel.

Cette clause de sauvegarde est applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015.

Clotilde Cattier

Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.

Les derniers aménagements apportés au régime mère-fille


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