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Plus-values en report d'imposition : aménagements apportés par la LFR 2016

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Catégorie : Actualité patrimoniale
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Mise en conformité des règles d'imposition des plus-values en report

Les plus-values en report d'imposition avant le 1er janvier 2013 ne peuvent pas être diminuées des abattements pour durée de détention prévus par le 1 ter et 1 quater de l'article 150-0D du CGI, conformément à la Constitution, mais un coefficient d'érosion monétaire doit être appliqué à ces plus-values, au titre de la période comprise entre l'acquisition des titres et la réalisation de la plus-value.

Ainsi en a décidé le Conseil constitutionnel dans une décision du 22 avril 2016. Afin de transposer cette décision, la loi de finances rectificative pour 2016 aménage les modalités d'imposition des plus-values mises en report d'imposition.

Depuis le 1er janvier 2013, les plus-values sur cession de valeurs mobilières sont soumises au barème progressif de l'impôt sur le revenu. L'assiette taxable de ces plus-values est diminuée, le cas échéant, d'un abattement pour durée de détention (50% si les titres cédés étaient détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans, 65% au delà de huit ans de détention) (article 150-0D, 1 ter du CGI)[1]. Dans certaines situations, des abattements pour durée de détention renforcés sont applicables (article 150-0D, 1 quater du CGI).

Pour plus de détails concernant le régime d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, nous vous invitons à consulter les articles « La nouvelle réforme des plus-values mobilières » et  « Le régime spécial des plus-values réalisées par les dirigeants prenant leur retraite ».

Antérieurement au 1er janvier 2013, les plus-values mobilières étaient taxées à l'impôt sur le revenu, à un taux forfaitaire et proportionnel de 19%, ce taux ayant été relevé à 24% pour les plus-values réalisées en 2012. Des dispositifs de report d'imposition des plus-values, dont certains sont aujourd'hui abrogés, avaient été mis en place en cas d'apports ou d'échange de titres.

Dans les situations où un report d'imposition des plus-value est applicable, la doctrine administrative[2] et la jurisprudence[3] considèrent que l'assiette taxable des plus-values doit être déterminée en application des règles en vigueur au moment de l'opération d'apport ou d'échange, mais ces plus-values en report d'imposition doivent être soumises aux règles de liquidation de l'impôt applicables à la date de l'évènement qui met fin au report d'imposition.

Ainsi, sur la base de ce principe, une plus-value placée en report d'imposition avant 2013 mais taxée postérieurement à 2013 ne peut pas bénéficier des abattements pour durée de détention précités dès lors que l'assiette taxable de cette plus-value a été figée à la date de l'apport ou de l'échange intervenu avant 2013 (i.e. abattement pour durée de détention non introduits dans la législation à cette date). Elle sera en revanche sera soumise au barème progressif de l'impôt sur le revenu, en application des règles actuelles (i.e. barème progressif de l'impôt sur le revenu), lors de la survenance d'un évènement mettant fin au report d'imposition.

Cette situation peut avoir pour effet de soumettre les plus-values placées en report d'imposition avant 2013 à un taux d'imposition pouvant s'avérer assez élevé (supérieur à 60%), alors que, si elles avaient été taxées lors de l'évènement à l'origine du report (i.e. avant 2013), elles auraient été assujetties à l'impôt sur le revenu à un taux de 24% au maximum.

Le Conseil constitutionnel, saisi sur la question de la conformité à la Constitution de la non application des abattements pour durée de détention aux plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013, a, dans une décision n°2016-538 QOC du 22 avril 2016, époux M. D.,  validé les modalités de taxation précitées des plus-values placées en report d'imposition avant 2013, en formulant toutefois deux réserves d'interprétation :

  • la première réserve impose l'application d'un coefficient d'érosion monétaire au titre de la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition (qui correspond à la réalisation de la plus-value), pour la taxation des plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013, qui ne font l'objet d'aucun abattement d'assiette sur leur montant brut et dont le montant de l'imposition est arrêté selon les règles de taux en vigueur à compter du 1er janvier 2013. Autrement dit, le montant de la plus-value taxable doit être recalculé lors de la survenance d'un évènement mettant fin au report d'imposition pour tenir compte de l'érosion monétaire ;
  • en cas d'application d'un mécanisme de report d'imposition obligatoire et non optionnel (principalement celui visé à l'article 150-0B ter du CGI), la plus-value en report d'imposition doit être taxée selon les règles de taux en vigueur lors du fait générateur de l'imposition (i.e. celles en vigueur au moment de la réalisation de la plus-value).

Pour plus de détails concernant cette décision, nous vous invitons à consulter l'article « Plus-values en report antérieures à 2013 : application d'un coefficient d'érosion monétaire ».

Suite à cette décision, l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2016 met en conformité l'article 150-0 D du CGI en prévoyant :

 

Un coefficient d'érosion monétaire pour certaines plus-values placées en report d'imposition avant 2013

Plus précisément, la plus-value est recalculée en appliquant au prix d'acquisition un coefficient actualisé en fonction du dernier indice des prix à la consommation hors tabac publié par l'INSEE à la date de la réalisation de l'opération à l'origine du report d'imposition. Ce coefficient a pour effet de minorer le montant de la plus-value imposable.

Les plus-values en report d'imposition concernées par cette mesure sont celles résultant des dispositifs optionnels suivants :

 

Un taux spécifique d'imposition, calculé à la date de la constatation de la plus-value, applicable aux plus-values mises en report d'imposition obligatoire sur le fondement de l'article 150-0 B ter du CGI (i.e. apport à une société contrôlée par l'apporteur)

Comme on l'a indiqué ci-dessus, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en cas d'application d'un mécanisme de report d'imposition obligatoire, la plus-value en report d'imposition devait être taxée selon les règles de taux en vigueur lors du fait générateur de l'imposition.

Dans ce contexte, la loi de finances rectificative pour 2016 a introduit une règle de calcul spécifique du taux d'imposition de l'impôt sur le revenu, calculé à la date de la constatation de la plus-value, mais applicable lors de l'expiration du report d'imposition. Ce taux spécifique est déterminé de la manière suivante (article 200 A, 2 ter-a du CGI) :

  • au numérateur : le résultat de la différence entre, d'une part, le montant de l'impôt qui aurait résulté, au titre de l'année d'apport, de l'application du barème progressif de l'impôt sur le revenu à la somme des plus-values d'apport placées en report sur le fondement de l'article 150-0 B ter du CGI et des autres revenus imposables de l'année et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de cette même année ;
  • au dénominateur : le montant des plus-values en report d'imposition sur le fondement de l'article 150-0 B ter du CGI.

Pour la détermination de ce taux, les plus-values d'apport sont, le cas échéant, diminuée de l'abattement pour durée de détention de droit commun.

Par exception, les plus-values en report d'imposition résultant d'opérations d'apport réalisées entre le 14 novembre 2012 et le 31 décembre 2012 demeurent soumises au taux proportionnel de 24%.

S'agissant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, un taux spécifique d'imposition a également été mis en place. Il est calculé selon les mêmes modalités que celles précitées en matière d'impôt sur le revenu.

Concernant les prélèvements sociaux, le texte précise qu'ils seront calculés en application du taux en vigueur lors de la réalisation de le plus-value placée en report d'imposition.

Enfin, les modalités de calcul de l'exit tax sur les plus-values placées en report d'imposition sur le fondement de l'article 150-0 B ter du CGI ont été alignées sur celles précitées.

L'ensemble de ces nouvelles mesures est applicable à compter du 1er janvier 2016.

 

Loi de finances rectificative pour 2016 : Loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016

Exclusion des plus-values mobilières placées en report d'imposition de l'abattement pour durée de détention : Décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016

[1] Les plus-values sont également assujetties aux prélèvements sociaux, au taux de 15,5%, sans application d'aucun abattement.

[2] BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60

[3] CE 10 avril 2002, n°226886, SCP de Chaisemartin

Clotilde Cattier

Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.

Plus-values en report d'imposition : aménagements apportés par la LFR 2016


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