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L'ISO 26000 : la norme RSE par excellence

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L'ISO 26000 : la norme RSE par excellence

La responsabilité sociétale de l'entreprise « RSE » est une extension de la notion de responsabilité sociale des entreprises à l'ensemble des externalités négatives des activités humaines sur la globalité de leur environnement. L'objectif central de la RSE est bien de se constituer en levier fondamental pour le développement durable.

Dans l'article précédent, nous avons conclu que l'intégration de la RSE, bien qu'elle soit de plus en plus perceptible chez les PME, elle est loin d'être généralisée. Car même si un travail pédagogique a été entamé, beaucoup reste à faire en vue de simplifier une démarche qui présente bien des complexités.

Une démarche RSE appropriée et convenablement communiquée aux différentes parties prenantes de l'entreprise constitue dorénavant un avantage concurrentiel et conséquemment un levier de performance durable.

Se référer à une norme pour mettre en place une telle démarche est une marque d'un professionnalisme engagé et responsable.

 

Présentation de la norme

Elle est l'unique norme internationale relative à la responsabilité sociétale des organisations publiée le 1er novembre 2010 suite à la large approbation (93%) des pays membres de l'ISO. Elle reprend les grands textes fondateurs internationaux comme la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les conventions de l'Organisation Internationale du Travail, Global Compact et le GRI.

Contrairement à une norme telle que l'ISO 9001, l'ISO 26000 trace des lignes directrices et ne dicte pas d'exigences. C'est pour cette raison qu'elle n'est pas certifiable, la conformité de la démarche de responsabilité sociétale engagée par une entreprise ne peut de ce fait être établie. Les réponses en termes de responsabilité sociétale sont spécifiques et dépendent du contexte de chaque organisation, il n'existe pas un passage obligé pour adopter une démarche de responsabilité sociétale. Cette norme donne un cadre international de comportement à tout type d'organisation quels que soient sa taille et ses domaines d'action sociétale pertinente.

 

Les objectifs de la norme

Les objectifs de la norme sont les suivants :

  • Aider une organisation à prendre en charge ses responsabilités sociétales,
  • Fournir des lignes directrices pour :
    - Rendre opérationnelle la responsabilité sociétale ;
    - Identifier et s'engager avec les parties prenantes ;
    - Améliorer la crédibilité des rapports et déclarations à propos de la RS ;
  • Mettre en relief les résultats obtenus et les améliorer ;
  • Accroître la satisfaction et la confiance des clients ;
  • Promouvoir une terminologie commune dans le champ de la RS ;
  • Etre cohérent et ne pas entrer en contradiction avec les documents, traités et conventions existants, et les autres normes ISO.

Figure 1 : Vue d'ensemble de l'ISO 26000

Vue d'ensemble de l'ISO 26000

[Cliquez pour agrandir le visuel]
Source : Plateforme de consultation en ligne iso

 

Les lignes directrices de l'ISO 26000

Il s'agit de la partie centrale de la norme qui décrit les thèmes de responsabilité qui doivent être pris en compte par les organisations et sur lesquels elles doivent rendre compte. Il s'agit de :

 

Les pratiques fondamentales

Dites fondamentales, ces pratiques constituent les fondements de toute démarche de responsabilité sociétale amorcée par n'importe quelle organisation. Elles consistent en :

L'identification de la RSE : permet de déterminer les impacts des décisions et activités de l'entreprise en vue de définir ses enjeux prioritaires en matière de RSE.

L'identification des parties prenantes : permet à l'entreprise de déterminer sa sphère d'influence parmi ses parties prenantes. Il est opportun de lister à ce niveau toutes les parties prenantes directes et indirectes de l'entreprise et de se poser la question sur les impacts de son activité à plus grande échelle. Sont donc visées les parties prenantes au sein de la chaîne de valeur, mais également à l'extérieur.

Selon l'ISO 26000, le dialogue avec les parties prenantes permet de « créer des opportunités de dialogue entre l'organisation et une ou plusieurs de ses parties prenantes, dans le but d'éclairer les décisions de l'organisation ». Elles constituent ainsi des facteurs clefs de succès dans l'élaboration et la réussite des politiques RSE. Puisque « Répondre à leur attentes » est fondamentalement sociétal, comme l'avait défendu Freeman, « [...] intentions behind corporate social responsibility are better satisfied if we think about company stakeholder responsibility » [1].

Mais qu'est-ce qu'une Partie Prenante ?

Selon L'ISO 26000 [2]
Une partie prenante est un « individu ou groupe ayant un intérêt dans les décisions ou activités d'une organisation ».

Selon L'AFNOR [3]
Une partie prenante est tout « individu ou groupe pouvant affecter ou être affecté, directement ou indirectement, dans le court terme, comme dans le long terme, par les stratégies, les actions, les messages (et leurs conséquences), que l'entreprise met en ½uvre pour atteindre ses objectifs »

Selon Freeman
Une partie une partie prenante est un groupe ou un individu qui peut impacter ou être impacté par la réalisation des objectifs d'une organisation.
« A stakeholder in an organization is (by its definition) any group or individual who can affect or is affected by the achievement of the organization's objective. » [4]

Selon Post, Preston et Sachs
Les parties prenantes sont des individus ou éléments constituants qui contribuent délibérément ou non à la capacité de l'entreprise à créer de la valeur et qui sont ses bénéficiaires potentiels et/ou en assument ses risques.
« The stakeholders in a corporation are the individuals and constituencies that contribute, either voluntarily or involuntarily, to its wealth-creating capacity and activities, and that are therefore its potential beneficiaries and/or risk bearers. » [5]

 

Les questions centrales

Elles constituent la partie centrale de la norme (article 6) décrivant les thèmes de responsabilité devant être pris en compte par les organisations, dans ce cas d'espèce les entreprises, et sur lesquelles elles sont tenues de rendre compte.

Chaque question centrale est déclinée en domaines d'actions sauf pour la première question « la Gouvernance », qui est également, la seule obligatoire, car jugée au c½ur de toute démarche sociétale. Quant aux autres questions, elles constituent une base référentielle de données permettant aux entreprises de sélectionner les domaines d'actions.

Ces questions sont les suivantes.

La gouvernance de l'organisation

L'étymologie du mot gouvernance est issue du latin « gubernare », qui est emprunté au grec « kubernâo » et qui a pour signification : diriger un navire.

Selon l'IT Governance Institute [6], elle a « pour but de fournir l'orientation stratégique, de s'assurer que les objectifs sont atteints, que les risques sont gérés comme il le faut et que les ressources sont utilisées dans un esprit responsable ».

La banque mondiale, l'un des promoteurs du paradigme de la bonne gouvernance comme condition nécessaire des politiques de développement des états, l'a défini comme « L'ensemble des usages et institutions à l'aide desquelles s'exerce l'autorité dans un pays » [7]. A cet effet, la banque mondiale a défini des indicateurs de bonne gouvernance que nous citons à titre indicatif, puisque l'on retrouve ces notions dans les principes de comportement sociétal de l'ISO 26000 :

  • Etre à l'écoute et rendre compte : indicateur de l'état des libertés d'expression et d'association, de la liberté des médias ainsi que de la latitude laissée aux citoyens pour choisir leurs dirigeants ;

  • Stabilité politique et absence de violence : indicateur du risque de déstabilisation ou de renversement d'un régime par des moyens inconstitutionnels, y compris la violence émanant de groupes nationaux ;

  • Efficacité des pouvoirs publics : indicateur de la qualité des services publics et de leurs agents, de leur aptitude à résister aux pressions politiques, de la qualité de l'élaboration des politiques publiques et de leur mise en ½uvre ;

  • Qualité de la règlementation : indicateur de la capacité du gouvernement à formuler et à mettre en ½uvre des politiques et des réglementations propres à favoriser le développement du secteur privé ;

  • Etat de droit : indicateur du respect des règles de la vie en société, en particulier des engagements contractuels, de la qualité de la police et des tribunaux et du niveau de la violence.

Comme indiquée dans le paragraphe précédent (cf. 3.2 Les questions centrales), cette question centrale est la seule dans l'ISO 26000 à :

  • ne pas être déclinée en domaines d'actions,
  • être obligatoire à toutes les organisations car considérée au c½ur même de la démarche sociétale.

La gouvernance permet de structurer l'organe décisionnel de l'organisation quant à la responsabilité sociétale, décliner sa démarche sociétale en objectifs opérationnels et définir des outils de mesure et de suivi de sa performance.

 

Les droits de l'Homme

Cette question insiste sur la place centrale de l'être humain dans la responsabilité sociétale. Elle est déclinée en huit domaines d'actions qui sont :

  • Devoir de vigilance ;
  • Situations présentant un risque pour les droits de l'Homme ;
  • Prévention de la complicité ;
  • Remédier aux atteintes aux droits de l'Homme ;
  • Discrimination et groupes vulnérables ;
  • Droits civils et politiques ;
  • Droits économiques, sociaux et culturels ;
  • Principes fondamentaux et droit au travail.

Le respect des droits de l'homme est un principe fondamental inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne [8] qui repose sur les droits et libertés fondamentales reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme [9].

En France, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est l'un des trois textes [10] visés par le préambule de la Constitution française du 4 octobre 1958. Sa valeur constitutionnelle est reconnue par le Conseil constitutionnel français depuis 1971 et ses dispositions font partie du droit positif français, et se placent au plus haut niveau de la hiérarchie des normes françaises.

 

Les relations, conditions de travail

Cet aspect rend compte de la relation entre l'employeur et les employés aussi bien du point de vue du contrat, du dialogue social que des dispositifs de représentation collective. Cette question centrale est déclinée en cinq domaines d'actions qui sont :

  • Emploi et relations employeur/employé ;
  • Conditions de travail et protection sociale ;
  • Dialogue social ;
  • Santé et sécurité au travail ;
  • Développement du capital humain.

 

L'environnement

Chaque organisation de par son activité, sa localisation et sa structure a un impact sur l'environnement. Cette question centrale permet d'analyser les liens entre l'organisation et l'environnement et ce à travers les domaines d'actions suivantes :

  • Prévention de la pollution ;
  • Utilisation durable des ressources ;
  • Atténuation des changements climatiques et adaptation ;
  • Protection de l'environnement, biodiversité et réhabilitation des habitats naturels.

En France, depuis la promulgation de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement [11], le premier alinéa du Préambule de la Constitution est désormais : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004 ».

 

La loyauté des pratiques

Cet aspect doit permettre de garantir des principes d'intégrité, d'honnêteté entre l'organisation et ses parties prenantes, en particulier ses clients/consommateurs et concurrents. Les domaines d'actions suivants lui sont associés :

  • Lutte contre la corruption ;
  • Engagement politique responsable ;
  • Concurrence loyale ;
  • Promotion de la responsabilité sociétale dans la chaîne de valeur ;
  • Respect des droits de propriété.

 

Les questions relatives aux consommateurs

Les principes de transparence, de redevabilité deviennent des enjeux forts suite à l'évolution de la relation entre les consommateurs et les organisations. Ces questions sont classées en sept domaines d'actions :

  • Pratiques loyales en matière de commercialisation, d'informations et de contrats ;
  • Protection de la santé et de la sécurité des consommateurs ;
  • Consommation durable ;
  • Service après-vente, assistance et résolution des réclamations et litiges pour les consommateurs ;
  • Protection des données et de la vie privée des consommateurs ;
  • Accès aux services essentiels ;
  • Éducation et sensibilisation.

 

L'engagement sociétal/communauté et développement local

Cette question aborde la relation de l'organisation avec les territoires et les communautés au sein desquels elle opère et ce à travers les domaines d'actions suivantes :

  • Implication auprès des communautés ;
  • Éducation et culture ;
  • Création d'emplois et développement des compétences ;
  • Développement des technologies et accès à la technologie ;
  • Création de richesses et de revenus ;
  • La santé ;
  • Investissement dans la société.

 

Les principes de comportement sociétal

Dits également les principes généraux de la responsabilité sociétale, ils correspondent à l'ensemble de critères, d'états et d'attitudes auxquels doit correspondre le comportement de toute entreprise qui se veut sociétalement responsable. Comme l'avait précisé Laurence PARISOT [12] lors d'une interview « La RSE, avant d'être un changement technique, est d'abord un changement de comportement » [13].

 

La redevabilité (rendre compte)

Traduction du terme anglo-saxon « Accountability ». Ce terme prend appui sur la notion de responsabilité qui renvoie à l'idée de l'engagement d'une entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes extérieures. Il élargit de même la notion de reddition de comptes sur les actions engagées par l'entreprise à la fois sur les aspects financiers, environnementaux et sociaux. La redevabilité est à la fois un positionnement éthique et un outil au service de l'appropriation des politiques de responsabilité sociétale de l'entreprise par les parties prenantes extérieures.

 

La transparence

La transparence est un « état » de l'entreprise, consistant à rendre publiques les informations qui lui sont relatives concernant sa stratégie, ses actions et les résultats obtenus. La transparence se distingue de la redevabilité qui implique nécessairement, quant à elle, une relation dynamique avec des parties prenantes extérieures et n'a de sens qu'en réponse à une demande. Elle ne peut donc se concevoir qu'à travers l'identification des parties prenantes de l'entreprise.

 

Le comportement éthique

L'entreprise adopte un comportement éthique lorsque, dans son fonctionnement, dans la conduite de ses missions et dans ses liens avec ses parties prenantes, elle va au-delà de ses objectifs d'efficacité, de production de profits et de plus de rentabilité, en agissant pour le bien commun dans le respect des valeurs du service public.

 

La reconnaissance des intérêts des parties prenantes

L'entreprise met en pratique les valeurs du service public dans ses liens avec ses parties prenantes. L'entreprise doit à cet effet être en mesure d'identifier leurs attentes, besoins et exigences.

 

Les principes de respect de la loi

L'entreprise doit être exemplaire dans le respect et la conformité aux lois et aux règles en vigueur dans les pays et dans les pays où ils exercent leurs missions.

 

La prise en compte des normes internationales de comportement

Le respect des lois par les entreprises doit aller au-delà des réglementations internes à leur pays. Il s'agit donc de prendre en compte les droits coutumiers à l'international, les principes généralement acceptés de droit international, les accords inter-gouvernementaux reconnus. Ces normes interdisent entre autres toute complicité ou connivence avec des organes de gouvernement ou avec d'autres organismes à des fins inavouables.

 

Le respect des droits de l'homme

Chaque être humain possède des droits universels, inaliénables, quel que soit le droit positif en vigueur ou les autres facteurs locaux tels que l'ethnie, la nationalité ou la religion. Le respect des droits de l'homme est un principe fondateur de la démocratie. Il se réfère à la charte internationale des Droits de l'homme.

 

Conclusion

La parution des lignes directrices de l'ISO 26000 sur la RSE en 2010 a contribué :

  • à la forte mutation du contexte règlementaire et normatif de l'évolution des stratégies de développement durable : Une mise à jour des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales a été adoptée le 25 mai 2011 et le texte de l'ISO 26000 a été annexé aux documents de travail de l'OCDE pour que les deux initiatives convergent, et

  • au développement de plusieurs outils et guides pratiques RSE à l'attention des PME pour évaluer leur performance sociétale et mettre en place une démarche RSE conformément à l'ISO 26000.

 

[1] Freeman, R. E., Stakeholder Theory: The state of the art, New York, Cambridge University Press, 2010, p.236

[2] Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale

[3] L'Association française de normalisation (AFNOR) est l'organisme officiel français de normalisation et placée sous la tutelle du ministère de l'industrie. Elle représente la France auprès de l'Organisation internationale de normalisation (ISO), du Comité européen de normalisation (CEN). Depuis le 1er janvier 2014, suite au rapprochement d'AFNOR et de l'UTE (Union Technique de l'Electricité), elle est membre du Comité européen de normalisation en électronique et en électrotechnique (CENELEC) au niveau européen, et de l'IEC au niveau international.

[4] Freeman R. E., Strategic Management: A stakeholder approach, Marston Gate, Cambridge University Press, 2010, p.46.

[5] J. E. et al., Redefining the corporation: stakeholder management and organizational wealth, Stanford, Stanford University Press, 2002,

[6] www.itgi.org/About-Governance-of-Enterprise-IT.html

[7] A Decade of Measuring the Quality of Governance – Governance Matters 2007, Worldwide Governance Indicators 1996-2006, Page 2

[8] Une déclaration des droits adoptée le 7 décembre 2000 par l'Union européenne.

[9] Un traité international signé par les États membres du Conseil de l'Europe le 4 novembre 1950 et entré en vigueur le 3 septembre 1953.

[10] Le préambule de la constitution de la cinquième république française renvoie à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et, depuis 2005, à la Charte de l'environnement. Ces textes font ainsi partie du bloc de la constitutionnalité française.

[11] La charte de l'environnement 2004 est la concrétisation du projet initié et annoncé par le Président de la République française, Jacques Chirac, et préparé par la Commission Coppens.

[12] Chef d'entreprise française et présidente du MEDEF de 2005 à 2013.

[13] CAP vers la RSE, Faire de la responsabilité sociétale de l'entreprise un levier de performance, page 5 MEDEF, dépôt légal juillet 2012.

Faten Saidi

Faten Saidi
Expert-Comptable
Commissaire aux comptes
Membre du club de développement durable du Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts-Comptables (CSOEC).


Le 30/09/2015 01:09, Adel-mt a écrit :
  

Excellente analyse ! bravo ! en non spécialiste, j'ai pu suivre le développement de la présentation et de l'argumentation qui l'a scandé.

Merci Faten Saidi.



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