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CICE : présentation et comptabilisation

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Catégorie : Actualité fiscale et droit des sociétés
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Comptabiliser le CICE


Dans un document intitulé « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi » daté du 6 novembre 2012, le Gouvernement a annoncé la création d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (« CICE »).
C'est chose faite avec la troisième loi de finances rectificative pour 2012 (article 66 de la loi n°2012-1510 du 29 décembre 2012).

Codifié aux articles 244 quater C, 199 ter, 220 C et 223 O du Code Général des Impôts (« CGI »), ce crédit d'impôt, en diminuant le coût du travail des salariés dont la rémunération est inférieure ou égale à 2,5 fois le SMIC, a pour objectif affiché d'améliorer la compétitivité des entreprises et leur permettre de réaliser des efforts en matière d'investissements, de recherche, d'innovation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution du fonds de roulement.

La présente note a pour objet, d'une part, de présenter les grandes lignes du dispositif et, d'autre part, de mettre en évidence les problématiques liées à la comptabilisation du CICE. Certains aspects du dispositif n'ont volontairement pas été abordé (notamment les aspects déclaratifs du CICE) pour ne pas alourdir l'exposé.

 

Présentation de la mesure



Qui peut bénéficier du CICE ?

Selon l'article 244 quater C du CGI, peuvent bénéficier du CICE les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou l'impôt sur le revenu, selon le régime du bénéfice réel normal ou simplifié, de plein droit ou sur option. Le CICE ne concerne donc que les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel, à l'exclusion de celles taxées selon un régime forfaitaire.

Ce dispositif s'applique quelle que soit la nature de l'activité, commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale.

Sont donc exclus du bénéfice de la mesure les administrations publiques, l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics administratifs et les hôpitaux. En outre, les organismes à but non lucratifs ne peuvent pas bénéficier du CICE au titre de leurs activités non assujetties à l'impôt sur les sociétés.

Le CICE peut-il être cumulé avec un régime d'exonération ?

Le CICE est accessible aux entreprises bénéficiant de certains régimes d'exonération spécifiques tels que notamment les entreprises nouvelles (article 44 sexies du CGI), les jeunes entreprises innovantes (article 44 sexies A du CGI), les entreprises exonérées en application de certaines règles d'aménagement du territoire.

En outre, le dispositif bénéficie aux organismes exonérés d'impôt sur les bénéfices sur le fondement de l'article 207 du CGI (i.e. syndicats professionnels, sociétés coopératives, organismes HLM, collectivités locales, etc.) au titre des rémunérations qu'ils versent à leurs salariés affectés à leurs activités non exonérées d'impôt sur les bénéfices. Si un accord de la Commission européenne est obtenu, ces organismes pourraient également bénéficier du CICE à raison des salaires versés aux salariés affectés à leurs activités exonérées.

Quelles sont les rémunérations prises en compte pour le calcul du CICE ?

La base de calcul du CICE est composée des rémunérations brutes (hors charges patronales) versées par les entreprises aux salariés. Les rémunérations à retenir sont celles définies pour le calcul des cotisations de sécurité sociale à l'article L. 242-1 du Code la Sécurité Sociale (i.e. toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, tels que notamment les salaires ou gains, indemnités de congés payés, primes, avantages en nature, sommes perçues comme pourboire, etc.). Les sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement ou de l'actionnariat des salariés ne sont pas inclues dans les rémunérations à prendre en compte dans la mesure où elles échappent aux cotisations de sécurité sociale.

Seules peuvent être retenues pour le calcul du CICE les rémunérations qui n'excèdent pas 2,5 fois le SMIC, sur la base de la durée légale du travail, augmenté, le cas échéant, du nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent droit. Les rémunérations d'un montant supérieur à ce seuil n'ouvrent pas droit au crédit d'impôt même pour leur fraction inférieure au seuil.

S'agissant de 2016, le SMIC brut annuel s'élève à 17 599,40 ¤. Ainsi, le seuil de 2,5 fois le SMIC sera dépassé, au titre de 2016, au-delà d'une rémunération brute annuelle de 43 998,50 ¤.

Pour être éligibles au CICE, les rémunérations doivent en outre être déductibles du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu (i.e. c'est-à-dire constituer des charges exposées dans l'intérêt général de l'exploitation, régulièrement comptabilisées et appuyées de pièces justificatives ; elles doivent en outre correspondre à un travail effectif et ne pas être excessives eu égard au service rendu par le salarié). Ces rémunérations doivent également avoir été régulièrement déclarées aux organismes de sécurité sociale.

Le CICE s'applique aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013.

Comment est calculé le CICE ?

Le montant du CICE est calculé par année civile, en fonction des rémunérations versées au titre de cette même année, quelle que soit la date de clôture des exercices ou leur durée.

En cas de clôture d'exercice en cours d'année, le CICE est déterminé en prenant en compte les rémunérations versées au titre de la dernière année civile écoulée (i.e. si une entreprise clôture le 31 mars N, les rémunérations retenues pour le calcul du CICE au titre de cet exercice seront celles versées au titre de l'année civile N-1).

Depuis la loi de finances pour 2017, le taux du CICE s'élève à 7%. Ce nouveau taux est applicable aux rémunérations éligibles versées à compter du 1er janvier 2017. Préalablement, le taux du CICE était fixé à 6% (et même 4%, s'agissant des rémunérations versées en 2013).

Comment est utilisé le CICE ?

Conformément aux articles 199 ter et 220 C du CGI, le CICE est en principe imputé sur l'impôt sur les sociétés ou l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour son calcul ont été versées. L'imputation du CICE est faite au moment du paiement du solde de l'impôt.

Pour les sociétés dont l'exercice ne coïncide pas avec l'année civile, le CICE est imputé au titre de l'exercice clos l'année qui suit celle pendant laquelle les rémunérations ont été versées.

L'effet positif sur la trésorerie des entreprises ne s'est fait ressentir qu'à compter de 2014, année au cours de laquelle a été acquitté le solde de l'impôt dû par les entreprises, sur la base des résultats réalisés en 2013. Pour améliorer la situation de trésorerie des TPE et PME, le Gouvernement a mis en place un mécanisme de préfinancement par les établissements bancaires et Oséo en 2013.

Comme pour le crédit d'impôt recherche, le montant non imputé du CICE constituera une créance sur l'Etat qui pourra être imputée sur l'impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle a été constatée. A l'issue de cette période, la fraction non utilisée de la créance pourra faire l'objet d'une demande de remboursement.

Certaines entreprises (les PME au sens de la réglementation communautaire, les entreprises nouvelles, les jeunes entreprises innovantes et les entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire) peuvent demander le remboursement immédiat de la créance de CICE.

Cette créance de CICE est en principe inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du Code monétaire et financier (i.e. cessions Dailly). Elle ne peut toutefois faire l'objet de plusieurs cessions ou nantissements partiels auprès d'un ou plusieurs cessionnaires ou créanciers (i.e. la cession doit intervenir pour le montant total de la créance).

Déclinaison dans l'intégration fiscale (article 223 O du CGI) ?

Le calcul du CICE est réalisé au niveau de chaque société membre du groupe fiscal, en fonction des rémunérations éligibles qu'elle a versée.

Le CICE ainsi constaté sera transmis à la société mère du groupe fiscal qui pourra l'imputer sur l'impôt sur les sociétés dû au titre du résultat fiscal groupe. Les règles de report de l'imputation de la créance de CICE et de remboursement s'appliquent au niveau du groupe fiscal.

Suivi de l'utilisation du CICE ?

L'article 244 quater C du CGI précise que le CICE a « pour objet le financement de l'amélioration de [la] compétitivité [des entreprises] à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ». En outre, « Le crédit d'impôt ne peut ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l'entreprise ».

Le texte précise enfin que « l'entreprise retrace dans ses comptes annuels l'utilisation du crédit d'impôt conformément aux objectifs [susmentionnés] ».

Les entreprises ont donc l'obligation de faire apparaître avec exactitude dans leurs comptes le montant du CICE et la manière dont elles ont utilisé ces sommes.

Les objectifs définis ci-dessus ne constituent pas une condition pour l'octroi du CICE (i.e. le CICE est ouvert aux entreprises qui versent des salaires éligibles) mais l'administration devrait pouvoir remettre en cause a posteriori le bénéfice du CICE si ces objectifs n'ont pas été respectés.

Le dispositif n'interdit pas toute augmentation des bénéfices distribués ou des rémunérations des dirigeants. Toutefois, dans ces situations, l'entreprise devra être en mesure de démontrer que cette augmentation a été financée par une amélioration de ses résultats ou que, concernant l'augmentation de la rémunération des dirigeants, cette dernière a pour effet d'améliorer la compétitivité de l'entreprise (compétence particulière d'un dirigeant, par exemple).

 

Problématiques soulevées par la comptabilisation du CICE

Lors de l'introduction du CICE, en 2013, un certain flou concernant la comptabilisation du CICE a présidé le temps que les autorités comptables prennent officiellement position.

L'administration fiscale avait cependant précisé, début 2013, sur le site www.impot.gouv.fr que « Le CICE pourra être comptabilisé dans les comptes de 2013 de manière à améliorer le résultat d'exploitation des entreprises. Il ne constituera pas un produit imposable, ni à l'IS, ni à la CVAE ».

Sont présentés ci-dessous les différentes méthodes de comptabilisation envisagées à l'époque, ainsi que leurs conséquences fiscales.

 

Comptabilisation dans les comptes sociaux en diminution de l'impôt sur les sociétés

Cela correspond à la méthode habituelle de comptabilisation des crédits d'impôt. Comme pour le crédit d'impôt recherche, par exemple, le CICE serait comptabilisé en déduction de l'impôt sur les sociétés dû.

  • Impact fiscal
    Le CICE viendrait alors majorer le bénéfice pris en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation des salariés. Or, cela semble contraire à l'objectif de la loi qui est de diminuer le coût du travail.

  • Impact social
    Le surcroît de participation résultant du CICE serait soumis au forfait social, dont le taux a été relevé de 8% à 20% par la seconde loi de finances rectificative pour 2012 (article 33 de la loi 2012-958 du 16 août 2012).

 

Comptabilisation dans les comptes sociaux en subvention d'exploitation

Cela correspond à la pratique IFRS actuelle.

  • Impact fiscal
    Une telle subvention d'exploitation constituerait un produit pris en compte pour le calcul de la CVAE (« cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises »). Or, cela semble contraire aux engagements du Gouvernement.

 

Comptabilisation dans les comptes sociaux en diminution des charges de personnel

Le CICE serait comptabilisé au crédit d'un sous-compte 64 à créer. Cette méthode de comptabilisation serait conforme à l'esprit de la loi et répondrait au souhait des entreprises de présenter le CICE en résultat d'exploitation.

  • Impact fiscal
    Cette méthode de comptabilisation pourrait potentiellement avoir un impact sur le montant de la réserve spéciale de participation des salariés (i.e. le CICE viendrait  majorer le bénéfice pris en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation mais, cette augmentation pourrait être tempérée par la prise en compte de la diminution des charges salariales résultant du CICE dans le rapport salaires sur valeur ajoutée, autre élément du calcul de la réserve spéciale de participation).

    Cette méthode n'aurait pas d'impact sur le montant de CVAE.

  • Impact social
    Le surcroît de participation résultant du CICE serait soumis au forfait social, dont le taux a été relevé de 8% à 20% par la seconde loi de finances rectificative pour 2012.

Finalement, le collège de l'ANC, dans une note d'information du 28 février 2013, a décidé qu'en raison de l'objectif poursuivi par le législateur, il était justifié d'enregistrer le CICE dans les comptes individuels au crédit d'un sous-compte dédié du compte 64 « Charges de personnel ».

 

Clotilde Cattier

Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.

CICE : présentation et comptabilisation


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