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#ResponsabilitéEC : le droit de rétention ne peut être exercé en l'absence de contractualisation des honoraires

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Catégorie : Actualité des métiers du chiffre
Vérifiez la lettre de mission avant d'exercer le droit de rétention !

Faute de paiement des honoraires, et sous certaines conditions, les experts-comptables peuvent procéder à la rétention des travaux effectués. L'exercice de ce droit suppose notamment l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible.

Mais qu'en est-il lorsque la mission n'a pas été correctement contractualisée ? C'est la question à laquelle a dû répondre la Cour d'appel de Toulouse (décision n° 18/02818 du 8 janvier 2020).

Contexte

Une société résilie la mission qui la lie à un cabinet d'expertise comptable en invoquant un manquement au devoir de conseil et d'information et l'application d'honoraires jugés excessifs au regard du travail effectué. En retour, le cabinet informe l'entreprise de la rétention des documents comptables jusqu'au paiement de ses honoraires. Et prévient le nouveau cabinet de cette situation.

De son côté, l'entreprise fait essentiellement valoir que pour justifier ses honoraires, il aurait fallu que le cabinet justifie d'une lettre de mission signée ou d'un devis accepté par elle, et indique avoir subi un préjudice du fait de la rétention de ses documents comptables.

 

Fautes retenues

Absence d'écrit justifiant la réévaluation des conditions financières de la mission. L'entreprise a bien signé une lettre de mission à son entrée dans le cabinet, une dizaine d'année plus tôt. Toutefois, celle-ci ne peut être utilisée, la Cour notant que « les honoraires convenus par la lettre de mission initiale prenaient en compte des bases totalement différentes et ne peuvent être appliqués ».

Pour justifier de la réévaluation des conditions financières de la mission, le cabinet n'a pu fournir qu'un courrier à son en tête, intitulé « avenant à la lettre de mission ». Or ce document, que le client conteste avoir reçu, n'est pas signé par lui, et n'est assorti d'aucune preuve d'envoi. Il ne peut donc valoir acceptation des honoraires qui y sont indiqués.

Exercice à tort du droit de rétention. Pour les juges, le cabinet « n'ayant pas pris le soin de contractualiser ses honoraires, il n'était en réalité créancier d'aucun honoraire, et a donc exercé indûment son droit de rétention ».

 

Décision



Caractère excessif des honoraires

La Cour note que « l'absence de lettre de mission opposable n'exonère pas le client de l'obligation de payer à l'expert comptable des honoraires correspondant aux prestations réalisées ». Toutefois, en l'absence d'honoraires convenus, la société n'est redevable que « des sommes correspondant aux honoraires habituellement pratiqués dans la profession pour des missions similaires ».

Pour vérifier le caractère excessif de la facturation, la Cour a ainsi évalué le montant des honoraires habituellement pratiqués pour des missions similaires à celle du cabinet à 2 700¤ HT par an (sans toutefois préciser sa méthode). Selon les juges, ce montant correspond à « des prestations comptables, fiscales et juridiques pour une petite société unipersonnelle à l'activité peu diversifiée et au chiffre d'affaire peu important ». Pour les missions exceptionnelles, la Cour retient un tarif horaire moyen de 80¤ HT.

Compte tenu de l'ensemble des éléments, les juges constatent une facturation excessive de 341,28¤ sur l'ensemble des années contestée, somme que le cabinet devra rembourser.

Exercice à tort du droit de rétention

Comme indiqué plus haut, la Cour considère que le droit de rétention ne pouvait être exercé par le cabinet qui n'avait pas pris le soin de contractualiser ses honoraires. De son côté, l'entreprise évoque des retards liés à la rétention de ces documents, mais ne justifie d'aucune conséquence financière, et donc d'aucun préjudice.

La faute commise par le cabinet et relevée par la Cour ne donne donc pas lieu, dans cette affaire, à une condamnation, le client étant débouté de sa demande sur ce point.

 

Bonnes pratiques



Formaliser par un avenant, signé par le client, toute modification des conditions financières de la mission.

Obtenir un accord écrit du client en cas de mission exceptionnelle.

Attention à ne pas exercer de droit de rétention si les honoraires ne sont pas correctement contractualisés.

Julien Catanese Aubier

Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.


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