Re: Alerte par l'expert-comptable
Ecrit le: 22/07/2005 19:48Et la suite et fin de ce projet de loi est la suivante :
M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis de la commission des finances - Mon amendement 495 charge l'expert-comptable d'une personne morale d'informer ses dirigeants, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation.
M. le Rapporteur - La commission des lois est allée plus loin dans son amendement : elle a reconnu à l'expert-comptable, s'il constate au vu des comptes que l'entreprise va vers des difficultés graves, un devoir d'alerte, c'est-à-dire de saisine du président du tribunal de commerce dans les cas où le chef d'entreprise, alerté par ses soins, ne réagirait pas. Un conseil ferme permettrait sans doute de sauver beaucoup d'entreprises...
M. Paul Giacobbi - Les experts-comptables sont-ils d'accord ?
M. le Rapporteur - Non (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).
M. Paul Giacobbi - Comme on les comprend !
M. le Rapporteur - Monsieur Giaccobi, la loi Le Chapelier a mis fin aux corporations ! Nous représentons ici l'intérêt général !
M. le Président de la commission des lois - Je ne suis pas favorable à l'amendement de M. Chartier, pour des raisons de déontologie de la profession. Un expert-comptable, par définition, conseille son client : il serait risible d'écrire dans la loi que le conseil devra être donné dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ! Mais je suis moins favorable encore à la proposition du rapporteur : imagine-t-on ce que signifie, de la part d'un expert-comptable, de saisir le président du tribunal de commerce ? Où est le conseil, où est la confiance ? Je supplie l'Assemblée de ne voter aucun de ces deux amendements !
M. Paul Giacobbi - Très bien !
M. le Garde des Sceaux - Sur l'amendement de M. Chartier, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée car il ne s'agit que d'un principe déontologique qui paraît une évidence. En revanche, il ne serait pas acceptable de demander à l'expert-comptable de « dénoncer » au tribunal de commerce la personne pour qui il travaille.
M. Arnaud Montebourg - Je m'étonne que le Garde des Sceaux ne prenne pas une position claire sur l'amendement de M. Chartier car celui-ci pose le problème de la responsabilité de l'expert-comptable et celui du secret professionnel, deux sujets qui relèvent de l'article 34 de la Constitution, et non d'un décret en Conseil d'Etat ! Il ne peut en aucune façon être soutenu.
M. Philippe Houillon - L'amendement 495 a le mérite de consacrer le devoir de conseil de l'expert-comptable et ne doit pas être confondu avec un autre amendement dont il a été question mais qui n'est pas encore soumis à la discussion. Celui-là consiste à demander à l'expert-comptable d'alerter une autorité extérieure et devra être repoussé parce que l'expert-comptable est précisément un conseil qui doit jouir de la confiance de son client. Je suis donc favorable à l'amendement de M. Chartier, à condition toutefois de le sous-amender afin de ne pas renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la définition des conditions dans lesquelles l'expert-comptable doit procéder à l'information du dirigeant.
Mme la Présidente - Je n'accepte que des sous-amendements écrits.
Mme Anne-Marie Comparini - Au nom de l'UDF, je m'oppose à ces deux amendements car il faut faire confiance aux professions, en particulier lorsqu'elles sont organisées. N'oublions pas de plus que des relations personnelles s'établissent entre experts-comptables et chefs d'entreprise et que ce n'est pas au législateur à leur dicter leur comportement.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans les entreprises dépourvues de commissaires aux comptes, les experts-comptables jouent un rôle capital : au-delà de leur rôle de conseil, ils rédigent les feuilles de paies, énoncent les conditions dans lesquelles peuvent être engagées les ruptures de contrat et travaillent même sur les modalités de discussion avec les banques. Comment pourraient-ils dire à ceux qui les emploient qu'ils sont dans un processus qui compromet la continuité de l'exploitation ? Par écrit ? En recommandé avec accusé de réception ? Ceux qui ne l'auront pas fait seront-ils poursuivis ? L'expert-comptable est-il en outre déontologiquement habilité, dans ces conditions, à demander à celui dont il est le prestataire de continuer à tenir la comptabilité ? Enfin, si les experts-comptables eux-mêmes ne sont pas d'accord, nous avons tout intérêt à prendre des précautions puisque ce sont eux qui devraient contrôler les modalités selon lesquelles la profession exercerait cette obligation légale. Au mieux, une telle question doit être discutée dans un autre contexte. Dans l'immédiat, il convient de repousser cet amendement.
Mme la Présidente - Je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 495.
M. le Rapporteur pour avis - Je le retire, même si tous les arguments entendus plaident précisément en faveur d'une formalisation de l'alerte du dirigeant par son expert-comptable. Que faire lorsque celui-ci ne sait pas trouver les mots pour dire à son dirigeant que l'entreprise va mal et qu'elle risque le dépôt de bilan ?
M. Paul Giacobbi - Dans ce cas, il doit changer de métier !
M. le Rapporteur pour avis - Sans obligation formelle, l'expert-comptable ne dira rien. Or, nous débattons précisément de la prévention des faillites, des processus de conciliation et de sauvegarde. Le débat reste ouvert.
L'amendement 495 est retiré.
Et voila, pour info, la fin d'un amendement qui aurait pu coûter quelques cheveux dans certains cas de figure......
Bref rappel juridique : un projet de loi amendé ne reste qu'un projet de loi. Dans le texte final, le III de l'article 4 est supprimé, soit l'amendement 495 !
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