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L'entrepreneuriat est au coeur de notre système économique depuis des années

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Catégorie : Le monde des entrepreneurs
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Fabrice Cavarretta

Dans cette interview, Fabrice Cavarretta nous donne une belle leçon d'optimisme ! Optimiste, c'est le terme qui caractérise aussi son ouvrage Oui, la France est un paradis pour entrepreneurs !, ainsi que l'entrepreneuriat français qu'il y célèbre. Oui, la France a de la chance : l'entrepreneuriat y est favorisé, malgré ce que l'on pense ! Découvrez cet entretien avec Fabrice Cavarretta, dans lequel il encourage à relativiser et à être fiers de nos acquis.

Introduction

L'entrepreneuriat réunit et inspire de nombreux passionnés. Fabrice Cavarretta est l'un d'entre eux. D'ailleurs, entreprendre le passionne à tel point que cela lui a directement inspiré l'écriture de son livre, dans lequel il démontre la richesse de notre écosystème entrepreneurial en France.

Dans cette interview, il répond aux questions de Compta Online sur ses convictions quant à cet univers, son avenir et l'optimisme qu'ils devraient naturellement provoquer.

 

Présentation

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Fabrice Cavarretta est l'auteur d'un ouvrage consacré à l'entrepreneuriat : Oui ! La France est un paradis pour entrepreneurs, paru aux éditions Plon. Il enseigne également le leadership et l'entrepreneuriat à l'ESSEC Business School, deux disciplines qu'il connaît très bien, pour les avoir expérimentées lui-même à de nombreuses reprises.

 

Interview



Le titre de votre livre est clair : oui, la France est un paradis pour entrepreneurs ! Pouvez-vous présenter à nos lecteurs vos principaux arguments qui le prouvent ?

Pour obtenir une recette réussie, il faut de bons ingrédients. En France, nous en avons !

Il y a le facteur humain, dans un premier temps : nous avons de bonnes formations, de bons ingénieurs, des grandes écoles tout comme des CAP. Les grandes réussites vont profiter de ce tissu, par exemple Michel & Augustin est lancé par des fondateurs qui ont fait une grande école, mais qui ont commencé leur aventure entrepreneuriale en faisant un CAP patissier. Ils vont être rachetés par Danone.


Il y a aussi le facteur que j'appelle « patrimoine » : notre fonds patrimonial est important, il est bien exploité dans le tourisme, le domaine du luxe... Mais aussi dans le domaine agricole, puisque nous avons un très bon volume de terres de qualité, et ce n'est pas pour rien que les chinois achètent beaucoup de nos laiteries.

 

Le troisième facteur est paradoxal pour beaucoup : la présence de l'Etat et sa régulation, bien plus favorable qu'on ne l'imagine. Beaucoup affirment qu'on se meurt de ces régulations, mais souvent ce sont elles qui maintiennent les filières à un niveau d'excellence, permettant un positionnement premium dans nos marchés.


L'état joue aussi un rôle car les grands écosystèmes high-tech ont tous été bâtis sur des contrats d'état, mais cela a pour conséquence un niveau d'impôts élevé.

D'ailleurs, si l'on construit des paquebots à Saint-Nazaire, c'est parce que l'on vend des sous-marins à l'Australie, dans une filière qui a été formée par l'Etat... grâce à nos impôts.

Enfin, la France a la chance d'avoir de nombreux « clusters d'excellence » : ces écosystèmes mélangent production, personnel, marque... et leur présence apporte beaucoup à l'entrepreneur. Nos concitoyens ne se rendent pas toujours compte de la chance qu'ils ont d'avoir un tel choix !


Si l'on compare avec Israël que l'on considère comme une véritable « start-up nation », il y a peu de financements dans les secteurs qui ne concernent pas le high-tech. En France, les financements, les masses critiques, les opportunités existent dans de très nombreux domaines, bien au-delà du high-tech.

 

Il n'y a vraiment rien qui se rapprocherait plus de l'enfer que du paradis pour les entrepreneurs ? (Sourire)

La France est classée par la Banque Mondiale 27ème sur l'aspect administratif de la création d'entreprise. L'opinion publique pourrait se dire 28ème, ce n'est pas merveilleux, mais elle a du mal à relativiser. L'Allemagne est 108ème de ce même classement, et les USA, le Royaume-Uni et Israël sont derrière nous aussi. Pourquoi ?

On est un pays de droit romain, ce qui fait qu'il y a beaucoup de régulations. L'Etat est très présent, c'est vrai ; les lois sont majoritairement écrites. Ce n'est pas le cas dans certains pays de « common law ». La charge administrative au démarrage est légère, mais cela implique qu'on peut avoir de gros ennuis après. Ainsi, à Londres ou à New York, on doit dépenser beaucoup de temps et d'argent avec des avocats quand on crée une entreprise.

Tout le monde sait se plaindre de notre charge administrative, mais beaucoup ignorent qu'elle est bien moins désagréable que d'avoir à gérer les avocats américains... Ainsi, il est dur de mettre en oeuvre les modalités administratives pour son entreprise en France, mais après, on n'a pas ou peu d'ennuis.


Par contre, aux Etats-Unis, les ennuis sont beaucoup plus graves parce que ce n'est pas aussi régulé en amont. Cela peut devenir un massacre quand la difficulté tombe ! Vous avez peur de l'URSSAF tant que vous n'avez pas rencontré un avocat américain (rires).

Quand on compare et que l'on fait la somme de tous ces éléments, interactions avec l'administration plus interactions avec les avocats, la France est relativement légère. Et pour gérer cette charge administrative, il suffit de se faire aider de professionnels, par exemple des comptables, notamment qui sont là aussi pour assister à tous les processus, envoyer les courriers à l'URSSAF, etc.

Dans les critiques habituelles, on présente aussi l'argument des impôts, de leur nombre et de leur montant conséquents en France. Sauf que c'est partout la même chose, avec des variantes certes ! D'ailleurs, aux États-Unis, l'administration fiscale est bien plus sévère qu'en France, tous ceux qui y ont vécu vous le diront. Par exemple, les entrepreneurs français qui réussissent États-Unis préfèrent généralement rester français, car cela leur est plus avantageux fiscalement, un comble, non ?


Il faut arrêter de penser que c'est automatiquement mieux ailleurs. Tous les systèmes entrepreneuriaux dans le monde ont leur part d'enfer.


Autre idée préconçue à combattre, le financement n'est pas l'aspect le plus important quand on crée son entreprise. Il y a beaucoup d'argent dans le marché, ce n'est pas pour rien qu'il y a des taux d'intérêts négatifs : c'est bien parce l'argent a du mal à se placer !


Les États-Unis sont le plus gros écosystème, donc les levées de fonds y sont forcément plus grosses, c'est un lieu de concentration de la richesse ; tout y est naturellement plus imposant qu'en France.


Il est logique qu'une entreprise de taille moyenne en France, si elle veut croître, doive prouver sa stature internationale, et commence par lever des fonds à l'étranger, en particulier au États-Unis. Ceci est normal, et non un signe de faiblesse de notre écosystème. Et si elle n'arrive pas à lever à l'étranger et qu'elle se rabat sur les financements français, il est encore plus logique que les investisseurs locaux soient réticents... car il est probable que son échec soit le signe de sa relative immaturité. Ceux qui voient là un problème « français » interprètent souvent la situation de manière erronée.

Autre idée reçue à combattre : non, les français ne partent pas à l'étranger, ceci n'est pas une « preuve » d'un problème dans lequel la France serait défavorable. C'est une croyance qui est maintenue alors que les chiffres OCDE cités dans mon ouvrage montrent le contraire, les français partent exceptionnellement peu.

 

D'ailleurs, l'interprétation doit être inversée : même s'ils partaient beaucoup, ce serait plutôt un avantage pour notre pays car cela permettrait de créer plus de « licornes », ces entreprises de croissance valorisées à plus de 1 milliard. Des monstres made in France, ailleurs ! Les israéliens ne s'y trompent pas et identifient le fort taux de départ vers les États-Unis comme une force. Un domaine de plus où notre obsession du « french bashing » nous fait interpréter la situation à tort et à travers.

 

Vous enseignez également le leadership et l'entrepreneuriat. Quels sont les conseils que vous jugez les plus importants à donner aux futurs et jeunes entrepreneurs ?

C'est un contresens de lier l'argent avec l'entrepreneuriat, c'est la manière de manager qui compte. Agir avec son équipe en utilisant la technique de la carotte et du bâton n'est pas recommandé. Il faut de la subtilité : leader et entrepreneur sont là pour « faire émerger » l'envie chez leur collaborateur, chez leur client, chez leur fournisseur, etc. Il y a donc bien un rapport fondamental entre leadership et entrepreneuriat, en ce qu'ils s'opposent au « manager ». Dans cet esprit, avoir le réflexe de commencer par la levée de fonds n'est pas la bonne approche car on voit le monde comme une somme de choses prévisibles et à « acheter », pas vraiment l'esprit de l'entrepreneuriat.

 

Pensez-vous qu'être un leader, cela s'apprend ? N'est-ce pas plutôt une qualité innée ?

La fibre entrepreneuriale comme le leadership, ne sont pas des qualités innées. Certaines qualités qui elles, le sont, font que l'on entreprend plus facilement. On a constaté qu'il y avait très peu d'antécédents aux bons leaders, si ce n'est la grande intelligence dont ils prédisposent.

 

C'est évident qu'il vaut mieux être quelqu'un d'intelligent pour diriger, mais les vrais enjeux du leader s'apprennent ; le principal étant la capacité à se concentrer sur ce qui va motiver les collaborateurs, et je le répète, c'est une erreur de penser que c'est l'argent !

 

Comment expliquez-vous et comprenez-vous le mythe de l'entrepreneur, qui n'a jamais été aussi présent qu'à notre époque ?

Tous les facteurs sont alignés pour avoir « the perfect storm », pour qu'au c½ur de notre système économique, tout converge maintenant vers l'entrepreneuriat.


Il y a eu l'apparition de la bulle internet et l'explosion technologique qui rendent l'entrepreneuriat sexy et possible.


Il y a aussi une évolution dans la mentalité qui pousse les gens à se lancer, à oser... sans pour autant occulter ce qu'est la réalité.


La société devient plus sophistiquée, elle permet à un plus grand nombre de se retrousser les manches et de s'y mettre ; cela ne se voit pas seulement dans la création d'entreprise d'ailleurs, mais aussi dans le domaine social, associatif, politique, dans les médias...

Néanmoins, ceux qui se lancent sont encore peu nombreux, il y a une vraie carence dans la société française avec une vision parfois faussée de ce qu'est l'entrepreneuriat. Par exemple, l'éducation nationale ne favorise toujours pas le travail de groupe, les élèves sont notés individuellement ; et le concept d'initiative, de créativité ne sont absolument pas valorisés. La donne change quand ils intègrent des grandes écoles, mais c'est parfois trop tard, et pas assez de monde ne profite de l'état d'esprit qui y règne actuellement.


Dans nos écoles de commerce, dans les MBA, c'est presque trop. A l'université de Harvard, on dit aux élèves « on ne s'attend pas à ce que vous soyez tous entrepreneurs. Partez travailler comme salarié pour apprendre un vrai métier et observer des industries diverses ». Un message salutaire car on n'a pas besoin que tous nos élèves montent une petite boîte internet basée sur quelques transparents powerpoint. Il y a de la valeur, des problèmes à résoudre dans tous les domaines, et la majorité d'entre eux ne sont pas abordables tant qu'on n'a pas travaillé un peu...

 

Dès le titre, votre livre est foncièrement optimiste ! L'optimisme, ne serait-ce pas d'ailleurs une qualité indispensable à tout entrepreneur ? D'après vous, quelles sont les autres ?

L'optimisme est foncièrement indispensable à l'être humain, pas seulement à l'entrepreneur. D'ailleurs, l'Homme est naturellement optimiste, et c'est son optimisme qui le poussera à faire des erreurs. Le fait d'être capable de faire confiance à quelqu'un, aussi bien dans la vie professionnelle que personnelle, le fait de prendre des risques sont des marques d'optimisme.

 

Cette propension à être « sur-optimiste » a été montrée scientifiquement. Si l'on était vraiment rationnel, on ne prendrait pas autant de risques dans les sphères personnelles et professionnelles de notre vie, risques qui sont souvent favorables pour l'espèce, le groupe, même si les individus en payent parfois le prix.

Nous sommes donc créés pour être sur-optimistes, c'est ce qui pousse à se lancer, c'est indispensable à l'entrepreneur, ainsi que la ténacité. Ces deux qualités sont d'ailleurs complémentaires, et je dirais que l'une ne va pas sans l'autre.

Le tout est de savoir jouer avec les risques.

 

L'optimisme entraîne aussi des idéaux... Quels sont les vôtres pour le futur de l'entrepreneuriat en France ?

Que la France assume le fait d'être bonne et qu'elle le reste ! Que les français le comprennent, l'acceptent et s'en servent ! Et que certains se disent que finalement, ça vaudrait le coup d'essayer...

Je pense particulièrement à l'entrepreneuriat féminin : le taux de travail des femmes est très bon en France, contrairement à ce qui peut être énoncé, ici encore. Les françaises sont culturellement incitées à travailler, ce qui n'est pas le cas partout et ce qui l'est d'ailleurs moins aux États-Unis. La France est d'autant plus un paradis pour entrepreneurs si l'on est une femme, donc espérons que toujours plus se lanceront.

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