
Un expert-comptable peut-il produire devant le juge judiciaire des échanges avec son client pour obtenir le paiement de ses honoraires sans violer le secret professionnel ?
Réponse du Conseil d'État dans cette décision du 25 janvier 2023[1].
Contexte
Dans le cadre d'une action engagée contre un client pour obtenir le paiement de ses honoraires, un expert-comptable produit devant le juge judiciaire plusieurs messages échangés avec ce client, dans lesquels il donnait des indications sur son projet de cession et sur le mode de rémunération prévu pour la mission.
Plus tard, dans le cadre d'une procédure disciplinaire engagée sur ce même dossier, la Chambre nationale de discipline près le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables juge qu'en produisant de tels documents, le professionnel a violé ses devoirs de loyauté et de secret professionnel (Ord. 19 sept. 1945, art. 21).
L'expert-comptable sanctionné porte alors l'affaire devant le Conseil d'État.
Problématique
La production de documents devant un juge judiciaire, dans le cadre d'un litige purement civil relatif au paiement d'honoraires est-elle permise au regard de l'obligation de secret professionnel ?
Solution
Selon le Conseil d'État, le fait que des documents aient été produits dans le cadre d'un litige purement civil relatif au paiement d'honoraires, n'est pas en soi exclu des cas dans lesquels un expert-comptable est délié de l'obligation du secret professionnel, prévus par l'article 21 de l'Ordonnance de 1945 :
« Les professionnels de l'expertise comptable » sont toutefois déliées du secret professionnel dans les cas d'information ouverte contre elles ou de poursuites engagées à leur encontre par les pouvoirs publics ou dans les actions intentées devant les chambres de discipline de l'Ordre » (Ordonnance de 1945).
Le Conseil d'État relève que l'expert-comptable « entendait, pour faire valoir ses droits devant le juge civil, s'appuyer sur ces documents pour établir la preuve de la réalité et de l'exigibilité de la créance qu'il détenait à l'encontre de son client » et reproche à la Chambre nationale de discipline de ne pas avoir recherché « si le secret professionnel n'avait été levé que dans la mesure strictement nécessaire à la défense des droits de l'intéressé ».
Décision
Le Conseil d'État prononce l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de l'affaire devant la Chambre nationale de discipline.
[1] Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, n° 440070, 25 janv. 2023