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Imputation des déficits fonciers relatifs à un immeuble qui n'est plus loué

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Catégorie : Actualité patrimoniale
Déficits fonciers et immeuble non loué

Malgré une jurisprudence contraire, l'administration fiscale maintient la position selon laquelle les déficits fonciers afférents à un immeuble qui cesse d'être loué ne sont pas imputables sur les revenus fonciers ultérieurs générés par les autres immeubles qui continuent d'être donnés en location.

Les revenus fonciers correspondent aux revenus dégagés par les personnes physiques lorsqu'elles donnent en location de biens immobiliers dont elles sont propriétaires. On parle de déficit foncier lorsque le résultat tiré de ces opérations est négatif (i.e. montant des charges supérieur au montant des loyers perçus).

Cette note précise les conditions dans lesquelles ces déficits fonciers peuvent être imputés sur les revenus fonciers ou sur le revenu global (somme de l'ensemble des revenus perçus par une personne physique) du contribuable.

 

Modalités d'imputation des déficits fonciers

Le déficit foncier annuel constaté par une personne physique, qui résulte de dépenses autres que les intérêts d'emprunt, est déductible de son revenu global dans la limite d'un plafond annuel égal à 10 700 ¤. La fraction du déficit foncier annuel qui excède cette limite ou qui résulte des intérêts d'emprunt s'impute exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes.

Toutefois, cette possibilité d'imputation déficits sur le revenu global n'est définitivement acquise que si le contribuable donne l'immeuble en location jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle de l'imputation sur le revenu global (article 156, I-3° du CGI).

Résultat foncier de l'année N (en k¤)

image

 

Imputation des déficits, effectuée dans la déclaration d'impôt établie au titre de l'année N

image

 

Dans l'hypothèse où le revenu global serait insuffisant pour absorber le déficit foncier imputable sur le revenu global (i.e. en pratique, lorsque le montant du revenu global est inférieur à 10 700 ¤), la fraction du déficit imputable sur le revenu global qui ne l'a pas été est imputable sur le revenu global du contribuable des six années suivantes.

Remarque : pour déterminer la fraction du déficit foncier résultant de la déduction des intérêts d'emprunt, on considère que les revenus (i.e. les loyers perçus) doivent en priorité être compensés avec les charges d'intérêt.

 

Exemple

Situation 1

Loyers encaissés10 000
Intérêts d'emprunt- 7 000
Charges diverses
______________
- 5 000
______
Déficit foncier- 2 000

Dans cette situation, les loyers de 10 000 sont d'abord compensés avec les intérêts d'emprunt de   -7 000 puis avec les charges diverses de -5 000. Au cas présent, le déficit de -2 000 sera intégralement imputable sur le revenu global (i.e. montant du déficit inférieur à 10 700 ¤ et ne résultant pas de la déduction des intérêts d'emprunt). Cette imputation sur le revenu global ne sera définitivement acquise que si le contribuable continue de donner en location l'immeuble pendant les trois années suivantes.

 

Situation 2

Loyers encaissés5 000
Intérêts d'emprunt- 7 000
Charges diverses
______________
- 4 000
______
Déficit foncier- 6 000

Dans cette situation, les loyers de 5 000 sont intégralement compensés avec les intérêts d'emprunt de - 7 000. Le montant des loyers encaissés étant inférieur au montant des intérêts, une fraction du montant des intérêts (i.e. 2 000 ¤) ne peut pas être compensée avec ces loyers. On va donc considérer que les déficits proviennent des intérêts d'emprunt à hauteur de cette fraction du montant des intérêts (i.e. -2 000).

Ainsi, au cas présent, la fraction du déficit résultant de la déduction des intérêts d'emprunt (- 2000) est imputable uniquement sur les revenus fonciers des dix années suivantes, alors que le déficit résultant de l'imputation des charges diverses (i.e. - 4 000) est imputable sur le revenu global du contribuable. Cette imputation sur le revenu global n'est définitivement acquise que si le contribuable continue de donner en location l'immeuble pendant les trois années suivantes.

 

Remise en cause de l'imputation sur le revenu global

Lorsque la condition d'affectation à la location de l'immeuble jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle de l'imputation du déficit sur le revenu global n'est pas respectée, le revenu global et le revenu foncier des trois années qui précèdent l'année de cessation de la location sont reconstituées selon les modalités applicables en cas de non-imputation d'un déficit sur le revenu global.

Autrement dit, il convient de recalculer, au titre des trois années précédant la cessation de la location (i) le revenu global de chacune des années où un déficit foncier a été imputé (i.e. non prise en compte du déficit foncier, c'est-à-dire augmentation du montant du revenu global) et (ii) le revenu foncier de chacune des années en intégrant le déficit imputé sur le revenu global.

 

Imputation des déficits en cas de pluralité d'immeubles

En cas de pluralité d'immeubles (i.e. location simultanée de plusieurs immeubles), les déficits fonciers des uns sont compensés avec les revenus fonciers des autres. Lorsque le solde obtenu est déficitaire, ce déficit est imputé dans les conditions précitées.

Lorsque le contribuable cède ou cesse de donner en location l'un des immeubles dans les trois ans qui ont suivi l'imputation d'un déficit foncier sur le revenu global, l'administration fiscale précise qu'il convient de reconstituer la fraction du déficit imputable sur le revenu global en faisant abstraction des résultats déficitaires de l'immeuble cédé ou dont la location a cessé. Pour reconstituer le revenu imposable des années précédant la cessation de la location, le déficit foncier afférent à l'immeuble dont la location a cessé, y compris la part indument imputé sur le revenu global, doit être imputé sur les revenus fonciers des années suivantes, dans les conditions de droit commun, jusqu'à l'année de cessation de la location (BOI-RFPI-BASE-30-20-10, n°250).

Autrement dit, l'administration fiscale refuse l'imputation des déficits fonciers se rapportant à un immeuble dont la location a cessé sur les revenus fonciers postérieurs d'autres immeubles.

Toutefois, dans une décision dont l'administration n'a pas fait appel, un tribunal administratif a jugé que le déficits foncier afférent à un immeuble dont la location a cessé, est imputable, dans les conditions de droit commun, sur les revenus fonciers des dix années suivantes générés par les autres immeubles donnés en location (TA Melun 25 juin 2015, n°1406147). La Cour administrative d'appel vient de retenir la même solution (CAA Versailles 14 avril 2016, n°14VE03643).

Cette position jurisprudentielle est fondée sur les dispositions de l'article 156, I-3° du CGI, qui ne posent aucune condition tenant à l'origine du déficits et ne prévoient aucun cas d'exclusion en ce qui concerne l'imputation des déficits fonciers générés par un immeuble dont la location a cessé sur les revenus fonciers réalisés par le contribuable au titre des dix années suivantes.

Malgré cette jurisprudence contraire, l'administration fiscale vient de réaffirmer sa doctrine telle que présentée ci-avant (Rép. Frassa, Sén. 5-5-2016 p. 1876, n°17350).

En pratique, il est probable que l'administration fiscale applique sa doctrine, dans le cadre des contrôles fiscaux. Toutefois, devant les tribunaux, et en l'absence d'une modification législative, les contribuables devraient être autorisés à imputer les déficits fonciers des immeubles qui ne sont plus loués.

Clotilde Cattier

Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.

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