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L'intelligence artificielle au service des experts-comptables

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Catégorie : Actualité des métiers du chiffre
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Quels apports de l'intelligence artificielle pour les experts-comptables ?

Et si les experts-comptables intégraient peu à peu l'intelligence artificielle à leurs méthodes de travail ?

Dans de nombreux domaines comme le droit ou encore la médecine, « l'IA » a déjà fait ses preuves.

Cet article montre aux experts-comptables comment ils pourront collaborer avec l'intelligence artificielle, grâce à quelques exemples précis.

A l'occasion de la conférence Google à destination des développeurs informatiques, le célèbre créateur du moteur de recherche éponyme a affirmé sa volonté d'intégrer l'intelligence artificielle à notre quotidien au travers d'un assistant personnel intelligent.

Si les GAFA (Google Apple Facebook Amazon) s'intéressent et investissent massivement dans l'intelligence artificielle, il convient de s'interroger quant aux opportunités et menaces éventuelles sur nos professions, à savoir expert-comptable et commissaire aux comptes.

Récemment, l'IA « Watson » d'IBM a montré ses capacités exceptionnelles à remplacer l'humain dans la réalisation de tâches réservées jusque là à l'intelligence humaine : production de contenus éditoriaux en fonctionnant par mots-clés, notamment.

Certaines personnes vont encore plus loin, en s'interrogeant sur la possibilité d'octroyer une assurance pour une éventuelle mise en cause de la responsabilité d'une IA, mais également faire payer des charges sociales aux entreprises qui auront mis en place une IA au détriment de salariés humains.

Plus proche de nous, des startuppers ont également entrepris de démocratiser l'intelligence artificielle au sein des cabinets d'expertise-comptable dits « traditionnels ».

Bien qu'étroitement liés, les impacts de la mise en place d'une intelligence artificielle chez nos clients et au sein de nos cabinets, ne seront pas nécessairement les mêmes.

L'objet de cet article est de s'interroger sur les impacts potentiels de l'émergence d'une IA sur notre métier d'expert-comptable.

 

L'intelligence artificielle : une science qui oblige à se questionner sur la place de l'Homme

En préambule, quelques définitions issues de Larousse sur l'intelligence artificielle :

Ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine.

L'Intelligence Artificielle (IA) est la science dont le but est de faire faire par une machine des tâches que l'homme accomplit en utilisant son intelligence.[1]

Pour aller plus loin, l'intelligence artificielle c'est aussi :

La construction de programmes informatiques qui s'adonnent à des tâches qui sont, pour l'instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l'apprentissage perceptuel, l'organisation de la mémoire et le raisonnement critique [2]

Bon, je vous l'accorde, ce n'est pas très concret comme définition pour le quidam et a fortiori, encore moins concret pour ce qui concerne l'impact sur nos cabinets.

Afin d'apporter un autre éclairage à l'intelligence artificielle, il est opportun d'aborder une notion sous-jacente : l'apprentissage automatique.

Conséquence de l'augmentation exponentielle des puissances de calcul, l'Humanité a réussi à doter les ordinateurs d'une capacité de travail, réservée jusque-là à elle-même.

Cette capacité ouvre de nombreuses perspectives dans des domaines aussi variés que la médecine, l'éducation adaptative, la reconnaissance visuelle, etc...

Si vous combinez ces prodigieuses capacités avec le « Big Data », alors vous obtenez un cocktail détonant.

 

En conclusion, notre civilisation est à l'aube d'une ère nouvelle dont l'origine est la combinaison de plusieurs facteurs : l'accroissement de la capacité des machines, l'apprentissage automatique, l'interconnexion et l'exploitation de vaste champs de données structurées ou non.

L'émergence de cette nouvelle ère pose de nouvelles questions : la place de l'humain, les réponses à apporter face aux peurs du pouvoir dont seront dotées les IA.

 

En tant qu'expert-comptable, que pouvons-nous attendre de l'intelligence artificielle ?



Une optimisation de la gestion du cabinet et de ses dossiers

En tant qu'expert-comptable, nous optimisons quotidiennement la gestion administrative de nos clients. Cependant, l'adage du cordonnier le plus mal chaussé est généralement vrai pour les cabinets à taille humaine (si une telle définition existe).

Au cours de la lecture des développements suivants, je vous propose de faire un saut dans le futur et d'imaginer les possibilités offertes par l'intégration d'une IA au sein d'un cabinet d'expertise-comptable « classique ».

Les prérogatives de l'IA du cabinet pourraient être nombreuses ; nous vous proposons de ne pas se limiter à la seule saisie comptable, mais bien d'aller au-delà : analyse intelligente, rapports d'analyse statistique, étude d'impact global sur le cabinet.

 

Une « super-assistante » de direction 

Une réponse pertinente à la difficulté d'évaluation des effets d'impact et collatéraux d'une nouvelle réglementation ou d'hypothèse

Les cabinets manipulent des milliers de données éparses sur ses clients et/ou prospects. En cas de changement législatif, il n'est pas rare d'avoir des difficultés à évaluer l'impact de telle ou telle disposition sur le chiffre d'affaires de nos clients, et a fortiori celui du cabinet.

Par ailleurs, dans un autre domaine, si l'on considère qu'un cabinet comptable est une entreprise comme les autres, on constate malheureusement que la fonction Business Intelligence (BI) ou contrôle de gestion est généralement absente pour différentes raisons.

Imaginons une IA qui disposerait d'un accès total à nos bases de données, nous pourrions oralement lui poser ce type de question :

  • Dis-moi IA, combien ai-je de dossiers dans le portefeuille du cabinet qui peuvent être soumis à l'obligation de nommer un CAC dans les 3 ans avec une hypothèse de croissance de leur CA de 2% ?
  • IA, suite au Brexit, indique moi le nombre d'entreprises dans le portefeuille du cabinet qui réalise des ventes exports avec la Grande-Bretagne.

En charge de la formation des jeunes collaborateurs

On note que les entreprises qui investissent dans la formation de leurs employés, affichent généralement une marge de profit supérieure aux entreprises qui n'investissent pas.

Bien que les métiers présents dans les cabinets soient amenés à fortement évoluer et à se diversifier, la problématique de la formation des jeunes collaborateurs à nos spécificités « métier » demeurera.

On peut facilement imaginer que l'IA dispensera des formations aux jeunes collaborateurs, et permettra de les affecter aux dossiers en fonction de leurs capacités révélées au cours de leur formation.

Périodiquement, l'IA pourra proposer des formations aux collaborateurs en fonction des différentes questions récurrentes qu'ils auront posé au cours de leurs missions, ou après analyse des échanges avec les clients.

Un référent technique capable de dialoguer avec les IA des éditeurs de documentation

Dans la continuité de la formation, on peut facilement imaginer une IA qui accédera à toute la documentation connue (BoFIP,  Legifrance, Lexis Nexis, Francis Lefebvre, Revue Fiduciaire, etc.) et permettra de recouper avec les informations présentes dans les fiches clients.

Par ailleurs, la base de connaissance du cabinet s'enrichira au fur et à mesure des questions, sans parler de la possibilité d'interconnexion des IA à un réseau/association technique d'expert-comptable, voire avec une IA gérée directement par l'Ordre.

 

Une imputation comptable automatique cohérente avec l'activité de l'entreprise

La transformation la plus radicale du travail dans les années qui viennent tient sans doute aux progrès rapides de l'automatisation. L'idée d'une destruction de l'emploi par la technologie n'est pas nouvelle mais elle prend aujourd'hui une forme nouvelle.

Communément admis comme la « Kill app » pour les cabinets d'expertise-comptable quand on pense à l'intégration d'une IA au sein d'un cabinet comptable, l'imputation automatique reste plus du domaine algorithmique que de l'intelligence artificielle.

Au-delà de la simple reconnaissance de caractère, l'IA serait capable d'adapter le plan comptable de nos clients en fonction de son activité, des factures reçues, et du degré d'information souhaité par le dirigeant.

L'étape ultime serait une révision automatique des dossiers. Pas seulement une révision de la cohérence, mais une vraie révision comportant un objectif cohérent avec l'activité et le niveau de risque accepté par le cabinet.

 

Une augmentation de la rentabilité du cabinet par suggestion de missions

Nous avons évoqué la relative absence de contrôle de gestion dans la majorité des cabinets de petite taille.

Cependant, à partir des données « clients », l'IA pourrait facilement exploiter cette mine (actuellement, quasi-vierge d'exploitation récurrente) pour mettre en évidence des opportunités de mission.

Ok, mais concrètement, comment ?

 

Via l'analyse des flux internes aux dossiers individuels des clients

Exemple concret : optimisation de la trésorerie

De manière exhaustive, notre IA pourrait analyser les flux et positions de trésorerie de chacun de nos clients et faire une projection des excédents éventuels, qui pourraient faire l'objet d'une rémunération, et ce avec une marge d'erreur acceptable.

L'IA pourrait tenir compte des effets de saisonnalité observés dans le passé, et de l'évolution économique au niveau du secteur, mais également prendre en considération le contexte économique au niveau local.

Exemple concret : acquisition de nombreuses immobilisations, quid du contrat d'assurance ?

L'IA pourrait faire une analyse systématique et en temps réel des différentes dates d'échéance et/ou suggérer la modification de ces contrats si des événements et/ou conditions ont été réunis. L'expert-comptable peut alors accompagner le client dans cette phase importante de négociation et accroître son rôle de conseil.

 

Via les informations diverses présentes dans le dossier permanent

Les dossiers permanents recèlent de précieuses informations sur la société et ses dirigeants : contrat d'emprunt, contrat de travail, contrat d'assurance, etc.

Anticipation du départ à la retraite du dirigeant

Cette mission semble pourtant applicable facilement au cabinet, mais le cabinet pourra la systématiser. En effet, cette mission à valeur ajoutée pourrait être systématiquement proposée par l'IA à intervalle périodique.

La mise en place d'une nouvelle réglementation sociale

Une nouvelle loi impacte directement l'environnement légal de votre client, l'IA peut instantanément vous alerter dès la parution du texte, et vous proposer de prévenir vos clients afin de faire le point et de choisir la meilleure option pour l'entreprise.

 

Via l'analyse des informations non structurées : internet, réseaux sociaux

Notre IA pourrait effectuer une veille concurrentielle et proposer des axes d'amélioration des actions de communication.

Sur la base des matrices coûts/opportunités, on peut imaginer la suggestion de développement d'activité pour le cabinet et l'abandon d'autres activités.

En outre, elle pourrait réaliser le travail des community managers, évaluer le ROI des actions réalisées sur les réseaux sociaux et être la gardienne de l'e-reputation du cabinet (ô combien négligée à ce jour).

 

Une aide pour sécuriser notre obligation de conseil

Nos clients sont de mieux en mieux informés et procéduriers. La principale conséquence malheureuse, est que les confrères verront engager de manière plus récurrente leurs responsabilités pour défaut de conseil au cours de leur carrière.

En lien avec la jurisprudence de l'Ordre, notre IA pourrait alerter le signataire en cas de détection de signaux qui sont aux prémices d'une éventuelle mise en cause de la responsabilité par le client et/ou un tiers. Ces signaux étant le fruit de la mutualisation des cas observés par l'IA de l'Ordre.

 

Ll'IA ne remplacera pas le professionnel

On constate que les possibilités offertes par une IA au sein de nos cabinets sont nombreuses, mais étroitement conditionnées à l'accès à la matière première : les données du cabinet...

Cependant, ces possibilités existeront uniquement lorsque nous aurons dépassé le frein psychologique et philosophique de l'accès à notre trésor : les données !

La formation des collaborateurs et des associés sera plus adaptée à la réalité « terrain » rencontré au cours des missions.

Malgré les nombreux apports de l'IA, elle ne se substituera jamais au contact humain avec nos clients et nos collaborateurs.

 

Fabrice Heuvrard

Fabrice Heuvrard, expert-comptable et commissaire aux comptes.

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Le 09/08/2017 10:30, Parasol a écrit :
  

La dernière phrase, c'est juste la petite pincée de politiquement correct obligatoire pour conclure ce genre d'article.

En réalité, notre diplôme et notre protection réglementaire vont progressivement disparaitre et seront remplacés soit par une IA surpuissante, soit par une déréglementation totale du marché de l'expertise.

Et dire que l'IA ne remplacera jamais le contact humain. D'autres l'ont cru aussi avant l'arrivée d'Amazon, de Boursorama, de Meetic, et j'en passe. A la fin, l'arbitre, c'est le prix.

Il est temps de cesser de nous cacher derrière notre petit doigt et de dire clairement que notre profession change totalement et que l'avenir pour l'expertise comptable est assez noir.


Le 09/08/2017 12:26, Fabrice Heuvrard a écrit :
  

Bonjour Parasol,

Vous me connaissez mal, je ne suis pas du genre à être politiquement correct en permanence, vous le verrez dans mon prochain article sur l'éventuelle mise en place des spécialisations au sein de la Profession.

L'arrivée d'une IA surpuissante est à mon avis peu probable. Les médias s'enflamment sur les possibilités offertes par ces nouvelles technologies. Cependant, le temps de pénétration et d'appropriation va prendre quelques décennies. Dans mon (jeune) portefeuille, j'ai des clients de 30 ans qui paniquent à l'idée d'utiliser la plateforme du cabinet, et qui veulent impérativement une relation de proximité et avoir un humain.

Pour un professionnel, acheter sur Amazon, utiliser Boursorama n'est pas la même chose que confier sa comptabilité.

Je ne suis pas d'accord que l'arbitre est le prix, je l'ai cru comme vous dans le passé. Je constate que les clients reviennent des plateformes low-cost. J'ai même vu des cabinets qui proposent que le client gagne du temps en déposant directement ses documents au cabinet, le cabinet se chargeant de scanner.

Je suis d'accord avec vous, la profession change et doit changer. Cependant, je pense que l'avenir, loin d'être radieux, n'est pas aussi noir que vous le décrivez...De nouvelles opportunités de mission apparaitront probablement : audit des blockchain, préparation et audit des comptes de tutelle, assistance aux collectivités territoriales pour mettre en place un suivi budgétaire, etc...


Le 10/08/2017 11:08, Parasol a écrit :
  

Bonjour Fabrice,

C'est bien peu de compensations face à la hausse perpétuelle des seuils de nomination de CAC passée et à venir, à l'explosion de l'exercice illégal sans réaction sérieuse, à l'effondrement de la rentabilité de nos cabinets, à l'explosion des obligations légales si difficilement facturables et j'en passe. Sans parler du fait que la France est le pays le plus restrictif d'Europe en matière d'accès à la profession et que ça ne tardera pas à changer.

Le qualitatif n'est plus reconnu parce que plus reconnaissable pour 80% de nos petits clients et l'avantage concurrentiel ne se fait quasiment plus que sur le prix.

Quel client est capable de constater une différence entre un "bon" bilan et un "mauvais" ? Quel petit client est véritablement prêt à payer des prestations à forte valeur ajoutée ? Et quand ils y sont prêts, c'est de toutes façons de manière très exceptionnelle.

Des études ont largement démontré que la totalité des gains de productivité des 20 dernières années étaient allés directement dans la baisse des prix. Et cette tendance tend à se confirmer et même à empirer.

Cela étant, ce n'est pas spécifique à l'expertise comptable. Toutes les professions libérales souffrent. Même l'audit, très rentable fut un temps, voit lui aussi sa rentabilité s'effondrer. Mais notre Ordre préfère parler des "fantastiques" futures missions qui, en réalité, ne sont que peau de chagrin et bien pâle compensation.



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