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Intérêt social et abus de droit : implications pour les dirigeants

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Intérêt social et abus de droit

L'intérêt social est l'intérêt de la société, qui peut parfois converger avec celle des associés, ou parfois s'en écarter. En tout état de cause, la société a un intérêt qui lui est propre et il incombe aux dirigeants de prendre les décisions en faveur de l'intérêt social.

Qu'est-ce que l'intérêt social ?

La notion d'intérêt social est une notion plutôt récente, puisqu'elle a été introduite dans le Code civil récemment avec la loi PACTE, entrée en vigueur en 2019. 

L'article 1833 du Code civil alinéa 2 dispose que : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans son activité ». Cette notion avait fait l'objet d'un développement jurisprudentiel avant d'être consacrée par la loi.

En ce sens, les juges avaient considéré qu'une sûreté accordée par une société de personnes en garantie d'une dette d'un associé ou d'un tiers est nulle, si étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social (Cour de cassation, chambre commerciale, 23 septembre 2014, n°13-17.347).

De cette définition de l'intérêt social se dégagent trois enjeux.

Le premier est évident, les dirigeants et représentants de la société doivent prendre les décisions dans l'intérêt de la société, et non pas dans leurs propres intérêts ou même dans leurs intérêts communs. La loi est venue consacrer l'esprit du projet de loi PACTE : « le fait que celles-ci ne sont pas gérées dans l'intérêt de personnes particulières, mais dans leur intérêt autonome et dans la poursuite des fins qui leur sont propres ».

Par ailleurs, ressortent deux nouveaux enjeux majeurs qui ont émergé récemment. Les décisions des dirigeants doivent désormais être prises en considération des intérêts sociaux et environnementaux, en plus des intérêts économiques qui sont naturellement recherchées. 

Ces nouvelles considérations font notamment écho à une notion proche telle que la responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Pendant de nombreuses années, les sociétés ne devaient se préoccuper que des enjeux économiques, de faire du profit. Désormais, de nouvelles considérations entrent en ligne de compte dans la prise de décisions des dirigeants, notamment en raison de l'émergence de nouvelles problématiques sociétales (prise en compte de l'humain) et environnementales (lutte contre le réchauffement climatique).

Bien qu'une obligation légale s'impose aux sociétés, il n'en reste pas moins qu'aucune sanction n'ait été prévue par le législateur. En ce sens, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a jugé que la seule contrariété à l'intérêt social n'est pas suffisante pour prononcer l'annulation d'une délibération de l'assemblée générale des associés (Cour de Cassation, 13 janvier 2021, chambre commerciale, n°18-21.860).

Par l'introduction de ce nouvel alinéa, le législateur a souhaité dans un premier temps sensibiliser les sociétés à ces nouvelles problématiques et ne pas directement les sanctionner.

Avant la consécration légale, la jurisprudence a parfois sanctionné le non-respect de l'intérêt social, notamment dans les cas d'abus de droit. Les sanctions portent sur la responsabilité de la société, voire de ses dirigeants, mais n'entraînent pas forcément la nullité de la décision ou de la société.

 

Sur la notion d'abus de droit

Historiquement, l'abus de droit est une notion juridique de droit civil. Cette notion est définie communément comme le fait pour une personne, de commettre une faute par le dépassement des limites d'exercice d'un droit qui lui est conféré, soit en détournant sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui.

Ainsi, l'abus de droit a été transposé en droit des sociétés, étant donné que les dirigeants ou représentants ont les pleins pouvoirs dans l'exercice de leur fonction, et peuvent en abuser. Plusieurs cas peuvent intervenir dans le cadre du droit des sociétés, notamment, l'abus de majorité, l'abus de minorité, ou encore l'abus de biens sociaux.

Par exemple, si une décision est prise par un dirigeant ou autorisée par les associés majoritaires  qui est contraire à l'intérêt social et lèse les associés, alors elle pourrait être annulée sur le fondement l'abus de majorité.

Inversement, si les associés minoritaires refusent de prendre une décision qui apparaît nécessaire pour la société, cette minorité de blocage contraire à l'intérêt social impliquerait un abus de minorité, susceptible de faire l'objet d'une sanction, notamment la responsabilité des associés litigieux.

L'abus de biens sociaux implique un usage des biens de la société contraire à celui de l'intérêt de celle-ci. Il arrive parfois qu'un dirigeant d'une société exploite un bien de la société pour en tirer un avantage personnel ou encore favoriser une autre société dans laquelle il a des intérêts.

Contrairement au législateur, l'Administration fiscale, ainsi que la jurisprudence ont construit un véritable régime dans l'hypothèse d'abus de droit fiscal, notamment au travers la notion d'acte anormal de gestion ou de fraude fiscale.

En toutes hypothèses, un dirigeant qui prend une décision contraire à l'intérêt social peut engager sa responsabilité civile et être amené à devoir réparer le préjudice qu'il aurait causé. Cependant, la sanction n'encourra pas forcément la nullité de la décision litigieuse, et encore moins la nullité de la société.

Quelles sont les différences entre l'objet social et l'intérêt social ?

Les deux notions n'ont pas la même finalité. L'objet social, c'est l'activité exercée par la société. L'intérêt social, c'est l'utilité pour la société d'un acte au regard du bénéfice qu'elle peut en tirer.


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