BanStat
Logo Compta Online

Interview de Thierry Carlier : en 2017, j'aime (vraiment) la compta !

16 162 lectures
0 commentaire
Catégorie : Pourquoi se lancer dans la filière de l'expertise comptable
16 162
0
Article écrit par (1145 articles)
Modifié le
Interview de Thierry Carlier, directeur de l'ENOES

« Les métiers de la comptabilité et de l'expertise comptable, ce sont des « vrais métiers » dignes d'intérêt et surtout avec la promesse de débouchés sympathiques pour les jeunes.

« Il y a, comme depuis toujours, un bel avenir pour les comptables, pour la comptabilité et pour les experts comptables.

Les pratiques seront différentes, c'est tout. »

Introduction

L'ENOES, l'Ecole de l'Expertise Comptable et de l'Audit a été créé en 1937, il y a 80 ans. C'est une association loi de 1901 dont l'objectif est l'accompagnement des élèves et des stagiaires vers les métiers de l'expertise comptable.

Au total, ce sont donc 80 ans de préparation à ces métiers avec de nombreuses évolutions. Nous avons demandé à Thierry Carlier, directeur de l'ENOES de nous parler des changements en cours.

 

Présentation

image

Thierry Carlier est le directeur de l'ENOES depuis septembre 2011. Il a été Maître de Conférences Associé à l'Université de Paris Est Créteil et Professeur dans de nombreuses institutions pendant plus de 30 ans tout en menant en parallèle des fonctions opérationnelles et managériales dans de nombreuses organisations.

 

Interview



Vous êtes arrivé à l'ENOES en 2011.
Quelles évolutions avez vous vécues au fil des années ?

Les programmes de la préparation aux examens d'État de l'Expertise Comptable ont connu peu de changements dans leurs contenus. C'est une garantie de sérieux et d'exigence puisque ceux-ci ne sont pas influencés par des modes éphémères ou bien des mouvements passagers sans lendemain.

Ceci dit, les instances professionnelles et l'ensemble des acteurs du corps professoral de ces diplômes d'État sont soucieux malgré tout de faire évoluer certains contenus afin de mieux répondre aux attentes du monde professionnel et aux nouveaux comportements d'apprentissage des jeunes.

Toutes les parties en présence s'accordent sur un point important : comment rendre le cursus attractif afin de répondre aux transformations digitales des métiers du chiffre ?

Autant j'ai constaté une évolution lente des contenus des programmes des formations, autant j'ai été impressionné par la prise de conscience des instances professionnelles sur le besoin, pour les experts comptables et leurs équipes, d'anticiper l'évolution de leurs pratiques vers plus de dématérialisation, à la fois des outils et des prestations.

L'évolution la plus marquante est indéniablement la vitesse de perfectionnement et d'innovation des outils informatiques et des logiciels. Ces derniers deviennent de vrais assistants de gestion et des outils de décision et de restitution remarquables.

Cela augure donc de belles évolutions dans les pratiques des professionnels vers plus de missions de conseil et moins de missions répétitives. Philippe ARRAOU a une expression pour cela : « de moins en moins comptable, de plus en plus expert ».

 

Vous formez des jeunes des générations Y et Z et vous avez plus de 30 ans d'expérience dans l'enseignement.
Selon vous, les cabinets doivent-ils mettre en place des stratégies d'intégration pour ces générations ?

J'enseigne en effet avec passion depuis plus de 30 ans. C'est plus qu'un métier, c'est une vocation. C'est pourquoi j'admire vraiment mes collègues qui enseignent des matières aussi denses que la comptabilité, la finance, le droit à des jeunes générations.

Quand j'ai commencé ma carrière, nous attendions des jeunes étudiants qu'ils « étudient », ce que j'appelle des vrais étudiants. Pendant de longues années étudier c'était écouter son professeur, prendre des notes, réviser et poser des questions afin de créer des échanges constructifs. Nous étions sur un modèle classique et hiérarchique et le professeur était censé avoir “toujours raison”.

Ce modèle d'apprentissage se retrouvait chez les employeurs et l'immense majorité des cabinets d'EC.

La technologie et la connaissance accessible en temps réel a bouleversé cette approche.

L'élève est conscient que le contenu des cours est de toutes les façons disponible à tout instant parfois en un seul clic. Ce qu'il attend maintenant du professeur, c'est la synthèse de toutes les connaissances existantes sur un sujet donné, il attend des méthodologies de travail, des conseils personnalisés et avisés qu'on ne trouve nulle part, il attend également une vraie relation humaine au sens constructif car l'objectivité se conjugue à deux, et non plus chacun de son côté.

La hiérarchie s'estompe, même si l'autorité du professeur doit perdurer. Nous retrouvons cela dans le monde du travail et en particulier dans les cabinets. A partir du moment où le jeune a acquis des compétences, même par l'obtention d'un diplôme, et qu'il manifeste sa motivation pour les métiers du chiffre et pour la relation avec les autres, l'employeur est « condamné » à lui faire confiance et très vite à le placer dans des situations professionnelles qui lui permettent de s'épanouir.

Le secret de la réussite en management c'est l'autonomie accordée aux jeunes.

Pour attirer ces jeunes recrues, la meilleure stratégie d'intégration pour les cabinets c'est de créer des relations de confiance et tout en accompagnant le jeune dans sa nouvelle carrière et de l'associer à des enjeux qui donnent du sens à son action. Le fait de pouvoir se projeter dans le temps, de ne pas être enfermé dans une routine, d'être partie prenante aux changements de méthodes et d'outils, d'être désigné « chef de projet », d'être reconnu aussi bien en termes de rémunération qu'en termes humains facilite l'implication.

J'aime à dire que les professeurs sont des « passeurs » : nous prenons les jeunes comme ils sont et nous les accompagnons vers le port d'attache qu'ils se seront choisi. C'est pareil pour un employeur : le jeune ne nous appartient pas, notre rôle est de lui proposer un challenge dans une équipe sympathique avec des missions enrichissantes. Ce n'est donc pas le jeune qui doit être fidélisé, mais l'employeur.

Et si le jeune quitte son employeur pour aller voir ailleurs, il faudra déjà se féliciter de l'avoir déjà eu dans son équipe. Les relations professionnelles ne peuvent plus être de nos jours linéaires, mais circulaires.

 

Nous parlons souvent de l'impact de l'automatisation et de l'intelligence artificielle sur les métiers du Chiffre.
Quel est votre ressenti sur l'avenir de la profession ?
Comment préparez-vous les jeunes de votre école à l'évolution de leur futur métier ?

Contrairement à un article paru dans un grand quotidien économique qui indiquait de sombres perspectives pour les métiers de la comptabilité, probablement un effet du contexte d'ubérisation dans certains secteurs d'activités, je suis plus que confiant pour leur avenir, simplement parce que la comptabilité a toujours existé et cela depuis la nuit des temps.

Ne dit-on pas que quand une entreprise se crée, un des premiers interlocuteurs de confiance est le professionnel de la comptabilité ?

Il y a, comme depuis toujours, un bel avenir pour les comptables, pour la comptabilité et pour les experts comptables.

Les pratiques seront différentes, c'est tout.

Cela implique de changer des habitudes, des façons de travailler, de collaborer, de communiquer, de diriger, de manager, et cela n'est pas nouveau. La profession des chiffres en a déjà connu des bouleversements dans le passé.

L'avenir des métiers de la comptabilité passera toujours par la maîtrise des fondamentaux, le droit fiscal par exemple ne s'improvise pas, mais aussi par le maniement des nouveaux outils conceptuels de traitement de masse des informations, par l'analyse pertinente des données financières et par la qualité de leur restitution.

C'est aussi une ouverture vers d'autres missions notamment celles liées au conseil d'entreprise, très attendues par les clients. Le comptable, équipé de tous les outils numériques qui ont fait leurs preuves, va devenir un spécialiste du traitement de l'information chiffrée et de sa restitution. L'expert comptable lui va devenir un entrepreneur du conseil d'entreprise et confirmer la place stratégique qu'il occupe depuis toujours auprès des entreprises. C'est déjà un incontournable, demain il sera aussi un confident indispensable à la santé des entreprises.

L'ENOES est bien sûr saisi de tous ces enjeux, et même si nous devons impérativement suivre les programmes d'Etat afin de bien préparer nos jeunes et de les faire réussir, nous sommes bien obligés d'anticiper toutes ces évolutions en créant de nouveaux programmes de formation. D'où le lancement récent de notre formation « Bachelor Responsable de Gestion Comptable Numérique ».

Nous avons aussi noué de nombreux partenariats avec de grands éditeurs de logiciels métiers et de recherche documentaire.

Notre activité depuis 2011 s'est très développée dans le domaine de l'alternance et cela a permis de former rapidement les jeunes aux nouveaux outils numériques.

Ceci dit, les nombreux professionnels avec qui nous échangeons nous disent souvent qu'ils attendent des jeunes, en plus d'un appétit pour les nouvelles technologies, un esprit de curiosité, un comportement agile, un relationnel affirmé.

Car ils me confirment tous que la qualité de la relation humaine au final prime sur tous les moyens mis en place. Les chiffres c'est bien, les mettre en scène c'est mieux.

 

Avez-vous des projets pour l'avenir de l'ENOES ?

Nous fêtons cette année nos 80 ans et tout au long de l'année 2017 nous organisons des évènements. Nous avons prévu un challenge « j'aime la compta », un partenariat avec les Trophées MARCOM 9 et MARCOM STUDENT, une soirée le 19 juin prochain avec une remise de prix, de nombreuses manifestations parrainées par des personnalités qualifiées et tout cela pour affirmer haut et fort que les métiers de la comptabilité et de l'expertise comptable, ce sont des « vrais métiers » dignes d'intérêt et surtout avec la promesse de débouchés sympathiques pour les jeunes.

Nos autres projets sont le lancement de nouvelles formations conformes aux attentes du marché, et un intérêt marqué pour enrichir nos pratiques pédagogiques. Toutes les nouveautés sont et seront dans les prochaines semaines sur notre site www.enoes.com.

En 2017, j'aime (vraiment) la compta !

Sandra Schmidt

Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.


Interview de Thierry Carlier : en 2017, j'aime (vraiment) la compta !


© 2024 Compta Online
Retour en haut