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La fraude en entreprise : quelle mission pour l'expert-comptable ?

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Catégorie : Actualité des métiers du chiffre
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Présentation de Mikaël OUANICHE

L'auteur Mikaël OUANICHE est expert-comptable au sein du cabinet OCA où il dirige les activités d'audit, de contrôle interne et de support au contentieux. De par son expérience, il est le spécialiste de la fraude en entreprise.

Les scandales financiers qui ont éclaboussé les Etats-Unis (Enron, Worldcom) et l'Europe (Parmalat) au début de la décennie ont placé la fraude au c½ur des enjeux économiques et financiers de ces dernières années. Malversations financières, détournement de fonds, irrégularités comptables : la série de révélations frappant des firmes multinationales emblématiques a provoqué une grave crise de confiance des actionnaires à l'égard des managers, des conseils d'administration et des cabinets d'audit chargés d'assurer la transparence de l'information financière délivrée au public.


Plusieurs mesures ont été adoptées visant au renforcement de l'arsenal réglementaire et juridique dans les principaux pays concernés : loi Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis (juillet 2002) et loi de Sécurité financière en France (Aout 2003). Dans le même temps, de nouvelles normes d'audit ont été édictées afin d'accroitre la prise en compte du risque de fraudes par les contrôleurs légaux : normes SAS 99 aux Etats-Unis (1), norme ISA 240 de l'IFAC (2) au niveau international transposée en France par la NEP 240 (3) .

Malgré ces mesures, la litanie des scandales financiers (Kerviel, Madoff, Satyam, Stanford) qui continuent régulièrement de défrayer la chronique montrent que d'importants progrès restent à accomplir.

Il faut dire en effet que ces fraudes spectaculaires ne constituent que la partie émergée d'un phénomène largement répandu : près de la moitié (43%) des entreprises françaises, quelles que soient leurs tailles, déclarent ainsi avoir constaté des infractions au cours des deux dernières années (4) .

Les fraudes sont multiples, protéiformes.et recouvrent des acceptions juridiques variées. Au delà des multiples typologies proposées, retenons qu'il existe principalement deux natures de fraudes: les manipulations sur les états financiers (présentation frauduleuse des données chiffrées relatives à la situation de l'entreprise), et les manoeuvres de dissipation de l'actif social.

Le coût des fraudes est considérable : l'Association des Certified Fraud Examiners aux Etats-Unis indique qu'en moyenne celui-ci représente environ 7% du chiffre d'affaires des entreprises.

L'importance de ces coûts et la prise de conscience des enjeux liés à la fraude conduisent ainsi un nombre croissant d'entreprises à faire appel à des spécialistes externes afin de les assister dans la lutte contre la délinquance comptable ou financière.

Cette exigence accrue peut constituer un axe de développement intéressant pour l'expert-comptable. Par ses compétences reconnues en matière de contrôle interne et de procédures comptables, son exigence éthique et sa connaissance des activités de ses clients, l'expert-comptable constitue en effet un interlocuteur privilégié des entreprises face à la fraude.

Il peut être amené à intervenir en amont dans le cadre de la mise en ½uvre de programme de prévention, impulsée par la direction générale. Cette démarche suppose une réelle « approche projet » qui doit se traduire par la définition d'un calendrier, des objectifs précis et d'un contrôle a posteriori des résultats obtenus.

L'intérêt de ces démarches préventives est naturellement de protéger l'entreprise contre le risque de survenance d'une fraude significative. Elle vise également en cas de survenance à limiter la responsabilité des dirigeants et à prévenir le risque fiscal d'une remise en cause de la déductibilité des sommes perdues (5).

L'expert-comptable peut également apporter son concours en cas de soupçon ou de fraude avérée mis en évidence par l'entreprise.

Son rôle consiste alors à intervenir en amont de l'action judiciaire afin de confirmer ou d'infirmer les soupçons existants. En cas de découverte avérée, il s'agit de reconstituer les schémas d'opérations frauduleuses, de collecter des preuves en vue d'éventuelles poursuites judiciaires, d'évaluer les impacts financiers, d'identifier les acteurs potentiellement responsables, et, le cas échéant, de proposer des actions correctrices.

Il est toutefois impossible d'envisager une présentation exhaustive tant la problématique de la fraude est vaste et les procédés utilisés variés. Si des connaissances théoriques sont indispensables à la réalisation de ces missions, seule l'expérience permet de conduire ces interventions délicates avec succès. Le constat ainsi dressé ouvre donc la voie à la possibilité d'une spécialisation académique reconnue dans le domaine particulier de la lutte anti-fraude.

Les experts-comptables qui le souhaiteraient disposeraient alors de toutes les compétences nécessaires à la reconnaissance de ce statut.

(1) : Statement on Auditing Standards No. 99: Consideration of Fraud in a Financial Statement Audit (AICPA)
(2) : The Auditor's Responsibility to Consider Fraud and Error in an Audit of Financial Statements (IFAC)
(3) : Prise en considération de la possibilité de fraudes lors de l'audit des comptes (mai 2007)
(4) : PricewaterhouseCoopers Enquête sur la fraude dans les entreprises en France, en Europe et dans le monde – 2007
(5) : Arrêt Alcatel, CE du 5 octobre 2007
Vénaïg Le Bris

Vénaïg Le Bris est diplômée d'expertise comptable et inscrite à l'Ordre des experts-comptables de Bretagne.


La fraude en entreprise : quelle mission pour l'expert-comptable ?


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