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La nouvelle clause anti-abus applicable au régime mère-fille

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Catégorie : Actualité fiscale et droit des sociétés
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Les commentaires de l'administration sur la clause anti-abus

L'administration fiscale a publié ses commentaires définitifs relatifs à la clause anti-abus applicable dans le cadre du régime des sociétés mères et filiales, introduite par la loi de finances rectificative pour 2015.

La première version des commentaires avaient fait l'objet d'une consultation publique jusqu'au 7 juillet 2016.

Une clause anti-abus relative au régime des sociétés mères et filiales a été introduite par l'article 29 de loi de finances rectificative pour 2015 (loi n°2015-1786 du 29 décembre 2015).

Cette clause vise à empêcher l'application du régime des sociétés mères et filiales aux montages non authentiques compte-tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents, dès lors que ces montages ont été mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal ou au titre d'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de la finalité du régime des sociétés mères et filiales (i.e. l'élimination de la double imposition des revenus distribués par une filiale au niveau de la société mère).

Le texte du dispositif ajoute qu'un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties et qu'il est considéré comme non authentique dans la mesure où il n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique.

Pour plus de détails concernant le régime des sociétés mères et filiales, nous vous invitons à consulter les articles suivants :

La rédaction de la clause anti-abus reprend à l'identique celle de la directive 2011/96/UE du Conseil du 3 novembre 2011, modifiée par la directive 2015/121 du Conseil du 27 janvier 2015, dont l'objectif est d'écarter tout usage détourné de l'exonération de retenue à la source au titre des dividendes versés entre sociétés établies dans des États membres différents (clause introduite à l'article 119 ter du CGI et applicable au régime des sociétés mères et filiales par renvoi de l'article 145 du CGI).

En d'autres termes, le législateur français a élargi au régime des sociétés mères et filiales l'application de la clause anti-abus relative à exonération de retenue à la source sur les dividendes distribués à des sociétés établies dans l'Union européenne.

Selon cette clause anti-abus, l'exonération résultant de l'application du régime des sociétés mères et filiales pourrait être remise en cause lorsque le montage en cause réunit les caractéristiques cumulatives suivantes :

  • avoir parmi ses objectifs principaux l'obtention de l'exonération contrairement à la finalité du régime des sociétés mères et filiales ;
  • être dépourvu de motif commercial valable.

Dans ses commentaires définitifs publiés le 5 octobre 2016 (les commentaires initiaux avaient été publiés et le 7 juin 2016 et avaient fait l'objet d'une consultation publique jusqu'au 7 juillet 2016), l'administration fiscale a précisé (BOI-IS-BASE-10-10-10-10-20160607, n°180 et suivants) :

  • la notion d'objectif principal : l'analyse du caractère principal d'un des objectifs résulte d'une appréciation de fait tenant notamment compte de l'évaluation de l'avantage fiscal résultant de l'application du régime d'exonération des dividendes, par rapport à l'ensemble des gains ou avantages obtenus par le montage considéré ;
  • la notion de motifs commerciaux valables : cette notion s'entend au sens large de toute justification économique, même non liée à l'exercice d'une activité commerciale au sens de l'article 34 du CGI. Seraient susceptibles d'être considérées comme présentant des motifs commerciaux valables des structures de détention patrimoniale, d'activités financières ou des structures répondant à un objectif organisationnel.

En outre, l'administration fiscale signale que, dans le cas où un montage procure des avantages à la fois d'ordre économique et fiscal, mais où l'avantage d'ordre économique est très marginal par rapport à l'avantage fiscal obtenu, le motif économique pourrait être considéré comme non valable.

L'analyse du caractère valable du motif économique résulte donc d'une appréciation au cas par cas, au regard des objectifs et des effets du montage.

Par ailleurs, l'administration fiscale indique que la clause anti-abus est distincte de la procédure de répression des abus de droit visée à l'article L. 64 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) et que le bénéfice du régime des sociétés mères et filiales peut, dans un premier temps, être remis en cause sur le fondement de cette clause, puis, dans un second temps, sur le fondement de la procédure de répression des abus de droit précitée, si les conditions d'application de cette dernière procédure sont réunies.

Enfin, l'administration fiscale précise que la date à laquelle le montage a été mis en place est sans incidence pour apprécier si la clause est applicable, cette dernière couvrant toutes les distributions incluses dans le résultat des sociétés mères à compter des exercices ouverts le 1er janvier 2016.

Ces commentaires administratifs, bien que très généraux, sont plutôt favorables, dans la mesure où ils prévoient une définition assez large de la notion de "motif commercial valable".

Toutefois, ils laissent planer un certain nombre d'incertitudes, dès lors que l'appréciation des motifs commerciaux se fait de manière subjective, au cas par cas, et implique une analyse de l'avantage résultant de l'application du régime des sociétés mères et filiales par rapport à l'ensemble des gains ou avantages obtenus du montage considéré, sans que les critères permettant d'effectuer cette analyse soient clairement explicités.

Ces commentaires ne permettent donc pas d'exclure le risque de remise en cause du régime d'exonération des dividendes lorsque les dividendes sont perçus par une société holding n'exerçant aucune activité commerciale.

Ainsi, la clause anti-abus pourraient être utilisée par l'administration fiscale à l'encontre des holdings patrimoniales qui ne seraient pas en mesure de justifier d'un motif commercial valable et de démontrer que cette holding n'a pas principalement été créée avec comme objectif l'obtention de l'exonération contrairement à la finalité du régime des sociétés mères et filiales.

Aucun éclairage concluant ne peut être recherché du côté de la jurisprudence, dès lors que, compte-tenu de son caractère récent de son introduction, cette clause anti-abus n'a pas encore été examinée par les tribunaux français ni par la CJUE.

Il résulte de cette situation une relative incertitude juridique.

Clotilde Cattier

Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.

La nouvelle clause anti-abus applicable au régime mère-fille


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