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Les problématiques fiscales posées par la blockchain

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Catégorie : BIC/IS
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ICO, trading, échange de jetons, minage, fiscalité et TVA


La diversité des opérations sur la blockchain pose de nombreux problèmes en comptabilité et surtout sur le plan fiscal. Les opérations touchent l'impôt sur les sociétés et la TVA mais aussi les cotisations et contributions sociales, la taxe sur les salaires, l'impôt sur le revenu.

Si certaines problématiques ont été résolues par l'Autorité des normes comptables et par l'administration fiscale, de nombreuses questions se posent toujours. Et c'est sans compter les évolutions de la pratique qui s'accélèrent, allant parfois plus vite que les mises à jour des textes législatifs et fiscaux.

Retour sur la table ronde « Blockchain et fiscalité : enjeux et opportunités », organisée par LexisNexis en partenariat avec la Chaintech et Assas Legal Innovation

 

L'imposition de l'activité de minage : impôt sur le revenu et TVA

L'activité de minage est particulière au sens où il s'agit d'utiliser la puissance de calcul des ordinateurs pour sécuriser les transactions dans la blockchain.

Elle ne pose théoriquement pas de problème en matière d'impôt sur le revenu, puisque les revenus de l'activité sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

« En matière de TVA en revanche, les choses se compliquent car c'est la fourniture de biens ou services en échange d'unités d'une devise virtuelle » rappelle Fabrice Heuvrard, expert-comptable et commissaire aux comptes.

« Si l'on suit ce raisonnement, l'activité de minage pourrait être soumise à TVA. Aucune position officielle n'a toutefois été prise par l'administration concernant cette activité particulière et l'activité pose le problème du preneur de la prestation de minage ».

 

Les achats et reventes d'actifs numériques à titre habituel

Les achats et reventes d'actifs numériques effectués à titre habituel (par le trader de monnaie virtuelle par exemple) constituent une activité commerciale par nature. Les revenus tirés de cette activité sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou BIC.

Le trader de monnaie virtuelle choisira généralement d'exercer en société soumise à l'IS ou impôt sur les sociétés. Dans le cas contraire, « il se retrouve avec le risque de majoration de son résultat fiscal de 25% et peut avoir du mal à trouver un centre de gestion qui l'accepte dans les délais, pour éviter cette majoration » précise encore Fabrice Heuvrard.

Le problème reste toutefois entier en cas de requalification d'une activité occasionnelle en activité professionnelle. Dans ce cas, les BIC ont vocation à s'appliquer pleinement avec la majoration et parfois même, sans le bénéfice du régime micro-BIC.

Enfin, l'activité de trading de crypto-monnaies non soumise à TVA peut être soumise à taxe sur les salaires.

Rappelons aussi que « comptablement, toutes les activités économiques seront enregistrées, même celles qui ne sont pas imposables fiscalement ». Or, l'échange de jetons est une activité économique qui n'entrera pas toujours dans la définition des produits constatés d'avance.

 

La soumission ou non à la TVA de l'émission de jetons 

L'émission de jetons dans la blockchain n'est pas soumise à TVA, du moins tant qu'elle n'a pas pour contrepartie un bien ou service déterminé. C'est ce qu'indique l'administration fiscale dans un rescrit publié en août 2019.

« L'émission posera potentiellement le problème des cotisations et contributions sociales ou de l'impôt sur le revenu lorsque des jetons sont remis gratuitement à un dirigeant de la société émettrice » conclut Fabrice Heuvrard.

Sandra Schmidt

Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.


Le 15/11/2022 13:42, Lepeuvedic a écrit :
  

Encore merci pour vos analyses précieuses sur la compta des cryptos. Certains problème soulevés ne sont pas généralisés. Mon logiciel de compta, bien que vieillot, permet de configurer le nombre de chiffres significatifs traités et affichés, et il est donc simple de s'assurer que les approximations seront toujours très inférieures à 0,01€. Je peux le faire travailler avec 18 décimales, mais l'affichage ne reste lisible que jusqu'à 10 environ, ce qui suffit largement. Je souhaite témoigner des difficultés que l'on peut encore rencontrer notamment concernant le traitement fiscal de ces activités totalement déconnectées de la géographie.

Quand j'ai été confronté à la compta d'activités de minage j'ai vu pas mal d'écueils. En cas de minage direct c'est très compliqué car c'est la création d'un bloc valide, de part la définition même d'un bloc valide, qui engendre une émission de jetons décentralisée servant de base à la rémunération du mineur. Le solde de la rémunération vient des frais de minage et donc de la vente d'un service de validation des transactions rendu aux utilisateurs de la blockchain. Le minage pourrait donc être assimilable à une émission de jetons, mais justement avec les règles actuelles les jetons auto-détenus par l'émetteur depuis leur création ne sont pas comptabilisés (seuls le sont ceux que l'émetteur a récupérés par la suite). Dans cette vision, il ne faudrait les comptabiliser que lors de leur cession, directement en produits, mais cela fausse complètement la vision de la valeur de l'entreprise en cachant un stock parfois considérable de cryptomonnaies issues du minage. Par ailleurs, dans les blockchains décentralisées, doit-on réellement estimer que le mineur qui valide un bloc est l'émetteur de la récompense de bloc' Mais si ce n'est pas lui, qui est-ce ?

Un autre gros problème concerne la fiscalité: les parties sont impossibles à géolocaliser, et il n'est donc pas possible de leur appliquer le régime de TVA approprié. En tant que société, je me suis donc tourné vers un pool de minage, une autre société ayant pignon sur rue en Europe, mais pas en France. Je me suis délibérément placé dans un cas où la TVA est collectée par l'acheteur pour me débarrasser du problème (vente intra-EU B2B).

Le cas du minage en pool est plus simple parce que le fournisseur de la puissance de calcul n'a pas d'accès à la blockchain (au mempool en particulier), n'a pas d'influence sur le choix des transactions validées, et ne les connaît même pas avant qu'elles ne soient publiées. Il perd de ce fait une parties de possibilités de générer des revenus, que ce soit par des techniques d'optimisation comme la MEV ou des techniques beaucoup plus discutables comme le front-running sur des contrats. Il ne peut pas non plus vendre l'accès plus ou moins privilégié aux données du mempool, même s'il s'agit là-aussi d'une pratique discutable. Il n'a pas non plus la possibilité, ni la responsabilité d'appliquer les régimes de sanctions US ou internationales (adresses bannies).

Il ne reçoit qu'une longue série de problèmes mathématiques à résoudre, et renvoie les solutions qu'il trouve au pool. Les problèmes soumis ne sont même pas les vrais problèmes permettant de valider les blocs: ce sont des problèmes plus simples de manière à ce que tous les participants trouvent des solutions suffisamment souvent pour que leur contribution puisse être estimée. Le pool fait un tri des solutions trouvées et valide la blockchain lorsqu'une solution est de qualité suffisante. Le partage des bénéfices du pool se fait en utilisant les estimations des contributions de chaque participant (leur puissance de hachage effective). Il est donc difficile d'analyser ce commerce autrement que comme la fourniture d'un service de calcul au pool payée en unités de devises virtuelles, ce qui en soi ne pose pas de difficulté comptable insurmontable.

J'ai donc commencé à facturer le pool, en expliquant bien que j'avais été payé et qu'ils ne me devaient rien de plus. La contrepartie en euro était indiquée sur les factures et servait de base à ma comptabilité. Dans tous les cas, même si le pool devait collecter de la TVA elle était déductible, autoliquidée et donc sans impact sur leur résultat ou leur trésorerie.

Le pool a fini par se réveiller pour me reprocher de ne pas respecter les conditions d'utilisation, ce qui était faux, évidemment. En n'ayant visiblement pas besoin de factures, j'en ai déduit qu'ils ne payaient pas la TVA dans l'état-membre où ils opèrent. Ça les regarde. Il ont même peut être une jurisprudence locale qui les y autorise. Ceci dit, il est difficile d'empêcher quelqu'un de vous envoyer un mail contenant un document comptable que la loi rend obligatoire ...

Le minage n'a été qu'une opportunité pour générer des revenus pendant les essais d'un prototype, mais le paiement en jetons de services numériques tend à se généraliser. Il faut dire que la technologie a beaucoup d'avantages, notamment un coût des transactions très bas permettant des micropaiements et un niveau natif d'automatisation très élevé qui permet le scaling. Il ne reste plus qu'à développer l'interconnexion avec les logiciels comptables afin que le traitement comptable ne vienne pas plomber les coûts :-)



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