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Licenciement pour faute grave : dans quels cas ?

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Catégorie : Droit social
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Publié le , Modifié le 17/01/2024
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Licenciement faute grave

Une faute commise par un salarié peut entraîner des conséquences plus ou moins importantes pouvant aller du blâme au licenciement pour faute grave ou lourde.

Les fautes relevant de la sphère disciplinaire sont soumises à une procédure spécifique encadrée par le Code du travail.

En cas de faute grave, notamment, le maintien du salarié dans l'entreprise est impossible. Ce dernier se voit dispensé de préavis et privé de certaines indemnités.

Licenciement pour faute grave : quelles conditions ? 

Le licenciement pour faute grave constitue un mode de rupture privant le salarié de certains droits. Il est ainsi soumis à une réglementation stricte. 

La nécessité d'une cause réelle et sérieuse 

Quel que soit le cas de licenciement, celui-ci doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. Le cas échéant, le licenciement peut être jugé comme abusif.

En ce sens, le motif de licenciement pour faute grave doit revêtir trois critères :

  • une cause objective : elle ne saurait dépendre du jugement subjectif de l'employeur ; 
  • une cause exacte : une cause réelle, ne servant pas à couvrir un autre motif ;
  • une cause sérieuse : suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.   

 

L'appréciation de la notion de faute grave 

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits commis par le salarié constituant une violation des obligations de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise. Elle peut également justifier une mise à pied conservatoire.

A titre d'exemple, ont pu ainsi être considérées comme une faute grave : le vol, les actes de violence verbale, etc.

Un fait isolé peut justifier un licenciement pour faute grave s'il revêt d'une telle gravité rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Par ailleurs, des fautes qui, prises isolément, ne présentent pas de caractère grave, peuvent le devenir par accumulation ou réitération.

Ainsi, toute sanction d'une telle faute doit intervenir rapidement, la procédure étant soumise à un délai court.

Par ailleurs, il faut être vigilant en matière de preuve et disposer d'éléments suffisants pour caractériser une faute grave. En effet, le doute profite toujours au salarié devant le conseil de prud'hommes.

A savoir

Il faut savoir que la faute lourde est généralement appréciée de manière stricte par le conseil de prud'hommes. Il convient donc de disposer de preuves solides pour obtenir la reconnaissance d'une telle faute.

En cas de faute grave ou lourde, le salarié perd les indemnités de licenciement et compensatrices de préavis.

 

Licenciement pour faute grave : quelle procédure ? 

La procédure de licenciement pour faute grave se déroule en six étapes. 

Étape 1 : vérification de la réalité et des circonstances des faits 

A cette étape, il convient de collecter toutes les informations utiles. Il est conseillé d'établir par écrit les faits constatés ainsi que les salariés concernés et témoins.

Aucune condition de forme particulière n'est requise. Des e-mails, des courriers, des témoignages relatés dans un rapport contresigné suffisent.

Il est cependant en principe interdit de recourir à des stratagèmes et modes de surveillance clandestins pour confondre le salarié. Le licenciement pourrait être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Attention

Dans un revirement de jurisprudence notable, la Cour de cassation a récemment statué que des preuves obtenues de manière déloyale, telles que des enregistrements clandestins, peuvent être admises devant le juge civil si elles sont indispensables pour faire valoir les droits d'un justiciable (Cour de cassation, assemblée plénière, pourvoi n°20-20.648, 22 décembre 2023).

Cette décision s'inspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et vise à équilibrer le droit à la preuve avec le respect des droits fondamentaux.

Concernant les faits de cette affaire, un salarié a contesté son licenciement pour faute grave devant la justice, arguant que la preuve présentée par son employeur, un enregistrement audio clandestin de ses propos lors d'un entretien, était obtenue de manière déloyale.

La cour d'appel a invalidé cet enregistrement comme preuve, faute de moyens alternatifs pour établir la faute du salarié, et a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'employeur a ensuite décidé de contester cette décision en formant un pourvoi en cassation.

Une autre cour d'appel a été saisie pour examiner à nouveau l'affaire. Elle devra s'assurer que les enregistrements effectués sans le consentement du salarié étaient nécessaires pour prouver sa faute grave. De plus, il lui faudra évaluer si l'usage de ces enregistrements constitue une violation excessive des droits fondamentaux du salarié.

 

Étape 2 : notification éventuelle d'une mise à pied conservatoire

Il est autorisé d'avoir recours à une mise à pied conservatoire lorsque les faits la rendent indispensable. Elle ne constitue pas, en elle-même, une sanction.

Elle représente une mesure de précaution tendant à écarter le salarié de l'entreprise, dans l'attente d'une décision sur les faits commis.

La mise à pied conservatoire n'est pas obligatoire pour engager une procédure de licenciement pour faute grave.

Concernant la procédure, il n'existe pas de condition de forme pour notifier une mise à pied, même si en pratique il est conseillé d'avoir recours à l'écrit. 

Étape 3 : convocation du salarié à un entretien préalable 

L'employeur qui envisage de prendre une sanction à l'encontre de son salarié et ayant une incidence sur sa présence dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération doit convoquer ce dernier par écrit à un entretien préalable.

En terme de contenu, la convocation obéit à des règles spécifiques et doit indiquer :

  • son objet (l'entretien préalable au licenciement) ;
  • la date et l'heure de l'entretien ;
  • la faculté pour le salarié de se faire assister par un salarié de l'entreprise ou par un conseiller extérieur. 

En revanche, il est impératif d'indiquer qu'un licenciement est envisagé.

Attention

Il est important d'être précis sur le type de sanction envisagé. Des termes tels que « sanction » peuvent porter à confusion. La jurisprudence a déjà considéré que la procédure de licenciement est frappée d'irrégularité lorsque le salarié licencié a été convoqué en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire et non d'un licenciement.

Par ailleurs, la convocation doit être envoyée dans un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance du fait fautif.

Elle doit également être notifiée au salarié au minimum 5 jours ouvrables avant la date de l'entretien.

Concernant le mode d'envoi, la lettre de convocation est remise en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le délai de 5 jours ouvrables commence, ainsi, à courir à partir de :

  • la première présentation de la lettre recommandée ;
  • la remise en main propre contre décharge. 

 

Étape 4 : déroulement de l'entretien préalable 

Au cours de l'entretien préalable, l'employeur doit exposer au salarié les motifs de la sanction envisagée et recueillir ses explications. Il n'est, en revanche, pas tenu de lui communiquer les éléments de preuve qu'il détient.

Durant l'entretien, le salarié peut être assisté par :

  • une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ;
  • un conseiller du salarié choisi sur une liste proposée par l'autorité administrative si l'entreprise est dépourvue d'institution représentative du personnel.

Les listes des conseillers du salarié peuvent être consultées à la préfecture, en mairie, auprès de l'inspection du travail ou sur les sites des DREETS (anciennement DIRECCTE).

Bon à savoir

Certaines conventions collectives peuvent prévoir une procédure particulière en plus de la procédure disciplinaire légale.

 

Étape 5 : notification du licenciement 

L'employeur ne peut notifier le licenciement du salarié directement après l'entretien préalable. Il est, en effet, tenu de prendre le temps de la réflexion avant d'annoncer sa décision au salarié.

Ce délai de réflexion correspond à 2 jours ouvrables au minimum après la date de l'entretien préalable.

La lettre de licenciement pour faute grave doit ensuite être envoyée dans le délai maximum d'un mois après la date de l'entretien. Ce délai maximal n'existe pas lorsque le motif du licenciement n'est pas disciplinaire.

La remise du courrier de licenciement pour faute grave s'effectue en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

Étape 6 : remise du solde de tout compte et organisation du départ du salarié

A l'issue de la procédure de licenciement pour faute grave, le salarié ne repart pas bredouille. L'employeur doit, en effet, établir son solde de tout compte et lui verser les différentes sommes dues.

 

Les conséquences d'un licenciement pour faute grave pour le salarié



Une dispense de préavis 

Le salarié qui fait l'objet d'une procédure de licenciement pour faute grave quitte immédiatement son entreprise dès la notification de la lettre de licenciement, sans préavis ni indemnité compensatrice de préavis.

Toutefois, il est nécessaire de vérifier si les dispositions conventionnelles ou encore les clauses du contrat de travail prévoient un régime plus favorable au salarié.

En effet, la jurisprudence considère que la faute grave ne prive de l'indemnité compensatrice de préavis que dans la mesure où le contrat de travail ne contient pas de stipulations plus favorables.

Des indemnités limitées

A la différence des licenciements non disciplinaires tels que le licenciement pour faute simple, le salarié ne perçoit pas toutes les indemnités en cas de faute grave.

Même en l'absence de mise à pied conservatoire, il ne touche qu'une indemnité compensatrice de congés payés. Elle sera payée s'il n'a pas liquidé ses congés.

L'indemnité de licenciement ou l'indemnité compensatrice de préavis (sauf en cas de stipulation plus favorable dans le contrat de travail) ne sont pas dues.

 

Licenciement pour faute grave irrégulier ou injustifié : quelles conséquences ? 

En cas de non-respect des règles, le licenciement pour faute grave peut être reconnu comme injustifié, irrégulier ou nul. 

Le licenciement pour faute grave reconnu injustifié entraîne le versement d'une indemnité plafonnée selon le barème Macron depuis 2017.

Le licenciement irrégulier apparaît en cas de non-respect de la procédure de licenciement. Il ne remet pas en cause le bien fondé du licenciement pour faute grave mais peut conduire au versement de dommages et intérêts au salarié.

Enfin, le licenciement est nul lorsqu'il est prononcé en violation d'une liberté fondamentale ou en méconnaissance de certaines dispositions légales (non-discrimination, dénonciation d'un crime ou délit...) qui protègent le salarié. L'indemnité que perçoit le salarié qui ne peut être réintégré dans l'entreprise est alors au moins égale aux salaires des six derniers mois. Aucune disposition ne prévoit alors de montant maximum.

En somme, le licenciement pour faute grave est soumis à une procédure bien réglementée.


Licenciement pour faute grave : dans quels cas ?


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