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Tenue de comptabilité dans un groupe et/ou par un associé



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Posté dans le forum Forum Comptabilité générale
Message écrit le: 23/05/2022 12:55
Tommy_

Cadre du secteur privé
Messages: 7
Inscrit le: 23/05/2022
Région: 94 - val-de-marne


Bonjour,

La question que je me pose est relative à la tenue de la comptabilité dans une organisation de groupe de sociétés.
Je sais que la comptabilité peut être tenue en règle générale par le dirigeant de l'entreprise, par un comptable salarié ou encore par un expert-comptable externe à l'entreprise.

Cependant, imaginons qu'une société mère M détient une filiale F1 à 100%. Le dirigeant et actionnaire principal des deux sociétés est monsieur X à 100% et il effectue lui même la comptabilité des deux entités.

Si M prend des participations dans une nouvelle société créée F2, est-elle en droit d'effectuer la comptabilité de F2 ?

Ma réflexion tourne aussi autour de plusieurs variables :
- Faut-il que monsieur X soit aussi dirigeant de F2 ou peut-il juste avoir la qualité d'associé ?
- Faut-il un taux de participation minimum de M dans F2 ?
- Une refacturation "intra-groupe" de F1 à F2 est-elle envisageable ? Dans l'idée que la tenue de comptabilité du groupe est regroupé au sein de F1 ?

J'ai avant tout essayé de trouver une réponse précise à ma question dans le forum et sur internet mais sans réel succès.

Merci d'avance à ceux qui prendront le temps de me répondre.



Message écrit le: 24/05/2022 10:58
Jmb5

Expert-comptable à la retraite
Messages: 526
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Région: 38 - isère


Bonjour,

Dans le cadre d'un groupe de sociétés, la société mère fournit très souvent à ses filiales, ou à certaines d'entre elles, des prestations moyennant une contrepartie financière. Cette assistance porte généralement sur les différents domaines liés à la gestion administrative, financière ou commerciale des sociétés filiales (assistance purement administrative, informatique, prospection commerciale, tenue de la comptabilité....).

Un contrat écrit est rédigé entre les entités.  Il définit l'objet de la prestation convenue ainsi que le rôle de la société dispensant les conseils (transmission de méthodes de gestion, aide à l'élaboration de documents, assistance dans des démarches...).

La prestation doit être réelle et présenter une efficacité normale. Elle doit être distincte des missions et obligations auxquelles sont tenues les sociétés mères dans le cadre d'un contrôle " normal ", notamment lorsqu'elles sont administrateurs de filiales.

Cette aide ainsi apportée et sa rémunération doivent s'inscrire dans le cadre des relations équilibrées entre tous les membres du groupe et ne pas être octroyées au seul avantage de la société mère ou de la société bénéficiaire.

Sur le plan juridique, les conventions d'assistance ou de fourniture de services portant sur des tâches fonctionnelles sont des opérations habituelles au sein d'un groupe. Elles ne peuvent pas pour autant être qualifiées de plein droit des conventions courantes échappant à la procédure de contrôle ou d'autorisation. La jurisprudence est partagée sur cette question. En pratique et compte tenu de certaines incertitudes, la procédure des conventions réglementées est souvent mise en œuvre : elle permet une bonne information des associés et, notamment, des minoritaires. Les modalités pratiques de cette procédure varient selon la nature des sociétés concernées (SARL, SA, SAS...). Elle s'applique également aux conventions conclues directement, indirectement ou par personne interposée entre la société et :

- l'un de ses actionnaires personne physique ou personne morale disposant de plus de 10 % des droits de vote ;

- toute société contrôlant une société actionnaire au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce qui détient plus de 10 % de droit de vote.

Ainsi, lorsqu'une société contrôle une autre société elle-même actionnaire à hauteur de plus de 10 % des droits de vote d'une troisième société, toute convention passée entre cette société et la société contrôlante est soumise à autorisation préalable au sein de la troisième société.

La question se complique lorsque la société qui contrôle est elle-même contrôlée par une autre société. Il convient alors de se référer à l'article L. 233-3 du code de commerce qui définit la notion de contrôle : schématiquement une société est présumée contrôler une société actionnaire ayant plus de 10 % des droits de vote :

- si elle détient directement ou indirectement une fraction de capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées ;

- si elle dispose seule de la majorité des droits de vote en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ;

- lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose ou dans le cadre d'accord avec d'autres personnes agissant de concert, les décisions générales de cette société ;

- lorsqu'elle dispose directement ou indirectement d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne ; il existe dans ce cas une présomption légale.

La notion de chaîne de contrôle : l'article L. 225-38 du code de commerce visant : " la société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ", on pourrait penser que seule la société contrôlante est concernée et non toutes les sociétés qui se contrôlent. En fait et compte tenu du renvoi exprès à l'article L. 233-3, la société qui contrôle doit s'entendre d'une société qui fait partie de la chaîne des détentions directes et indirectes de l'actionnaire ou qui exerce sur celui-ci un contrôle de fait, au moyen d'une convention de vote. La société contrôlante est ainsi non seulement " la grand-mère " mais aussi " l'arrière-grand-mère ".

Ainsi, une société anonyme W a parmi ses actionnaires une société X qui détient 11 % des droits de vote. Cette société X est filiale de Y également filiale de Z. La société Z passe un marché avec la société W. Cette transaction nécessite à l'autorisation préalable du conseil d'administration de la société W. De même, seront soumises à autorisation préalable les conventions entre W et X et entre X et Y, sauf s'il s'agit d'opérations courantes conclues à des conditions normales.

Le texte ne vise pas expressément le cas où la filiale d'une société actionnaire (+ de 10 %) d'une autre société passe avec cette dernière une convention, la filiale n'étant pas elle-même actionnaire de la société considérée (cas des filiales sœurs). Dans cette hypothèse, l'opération doit être appréciée au regard du deuxième alinéa de l'article L. 225-38 qui concerne les conventions auxquelles les actionnaires (ou les dirigeants) sont indirectement intéressés. Selon les situations, on pourra considérer que la société mère est indirectement intéressée par la convention passée par sa filiale.

De même, les conventions passées entre deux sociétés sœurs peuvent être visées par l'article L. 225-38 dans la mesure où il y a une personne indirectement intéressée.

Pour répondre à votre dernière question, le problème de la rémunération de la prestation est fondamental en raison des conséquences juridiques, pénales et fiscales qui peuvent en résulter.

La rémunération perçue par la société qui apporte ses conseils, son aide ou son assistance ne doit pas être disproportionnée par rapport au coût des prestations et ne doit pas aboutir en fait à un transfert de bénéfices des filiales vers la société. Le non-respect de cette règle expose à d'éventuelles sanctions civiles, voire pénales, prévues en cas d'abus de biens sociaux. Au regard du droit fiscal, la contrepartie financière doit également correspondre au prix normal du marché. A défaut, l'administration risque de remettre en cause la facturation excessive, en réintégrant l'avantage ainsi consenti dans le calcul du résultat de la mère et en imposant la société bénéficiaire sur cet avantage.

La rémunération doit correspondre aux coûts réels exposés par la société qui dispense la prestation augmentés d'une marge " raisonnable " (qui n'est pas définie par les  textes). Les prestations liées à l'administration générale, à l'assistance juridique fiscale ou informatique sont souvent facturées au temps passé. Les conventions ayant trait au personnel sont rémunérées en fonction du nombre de personnes de la société bénéficiaire de la prestation par rapport à l'ensemble du personnel du groupe.

La rémunération calculée en fonction d'un pourcentage du chiffre d'affaires hors taxes annuel de la filiale est plus compliqué à mettre en œuvre, l'adéquation entre le montant de la rémunération et l'exécution des prestations étant dans ce cas difficile à vérifier.

 Je reste à votre disposition pour d'autres informations,

Et vous souhaite une bonne continuation.

Bien à vous



Message écrit le: 24/05/2022 17:01
Tommy_

Cadre du secteur privé
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Région: 94 - val-de-marne


Message édité par Tommy_ le 24/05/2022 17:03

Bonjour Jmb5,

Merci beaucoup pour ces nombreux éléments de réponse et ces précisions.

Si j'ai bien compris, cela est donc possible à condition qu'il y ai une convention de prestation entre les deux entités, que la prestation soit correctement rémunérée (non disproportionné) et justifiée. Il est préférable aussi de mettre en oeuvre la procédure des conventions réglementées.

Pour résumer le tout et éclaircir certains points (corrigez moi si je me trompe...) :

- M peut donc sous certaines conditions et modalités effectuer la comptabilité de F2.

- Monsieur X n'a pas besoin d'être dirigeant de la société F2, le lien de détention des droits de vote suffit.

- Il faut donc un taux de participation d'au moins 10% dans une filiale pour légitimer l'existence d'une convention de prestation de service entre la filiale et une autre société du groupe ? Ce point me taraude car il peut me parait illusoire que cela soit considérable dans le cas d'une détention de 1% par exemple.

- La refacturation de F1 à F2 est envisageable si elle n'est pas disproportionnée et justifiée (et s'il existe une convention de prestation intra-groupe) ?

- La tenue de comptabilité du groupe peut donc être centralisée au sein de F1, société "soeur" de F2, malgré qu'il n'y ai aucun lien de détention direct de l'une à l'autre ?

Merci encore, bien à vous.


Je reste ouvert aux éclaircissements de tout intéressé !
Cordialement.



Message écrit le: 26/05/2022 10:44
Jmb5

Expert-comptable à la retraite
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Bonjour,

Merci pour votre retour.

A mon avis, M peut effectivement tenir la comptabilité de F2 sans que X soit nécessairement nommé dirigeant de F2.

La licéité d'une convention n'est pas liée au taux de participation de 10% dans le capital mais à un pouvoir de contrôle effectif d'une société sur les autres.

Pour information : une étude de février 2014 intitulée " Les conventions réglementées et courantes " a été établie par la CNCC, en concertation avec le H3C, l'AMF, l'AFEP et le MEDEF, afin notamment de préciser la qualification des conventions réglementées ou courantes au sein d'un groupe. Elle propose une analyse du caractère " libre " ou " réglementé " avec de nombreux exemples de conventions intragroupe. Je vous laisse revenir vers moi si cet ouvrage vous intéresse sans que vous puissiez vous le procurer par le biais de votre cabinet.

Je reste à votre disposition et vous souhaite une bonne continuation.

Bien à vous



Message écrit le: 26/05/2022 20:27
Tommy_

Cadre du secteur privé
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Bonjour,

Merci pour ces précisions elle m'ont été forte utiles.

Il me reste juste encore une interrogation, concernant la société "soeur". La tenue de comptabilité du groupe peut-elle être centralisée au sein de F1, société "soeur" de F2, avec un système de facturation pour la tenue de comptabilité, malgré qu'il n'y ai aucun lien de détention direct de l'une à l'autre ? Si le tout est chapeauté par M, et que les taux de détention sont conséquents.

Merci encore pour vos réponses,
Bien à vous,

Cordialement.



Message écrit le: 26/05/2022 20:50
Jmb5

Expert-comptable à la retraite
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Bonsoir,

Merci pour votre retour.

A mon avis, oui si les ressources humaines sont centralisées dans F1, F1 peut bien tenir la comptabilité de toutes les entités du groupe même à défaut de liens directs avec F2, le dénominateur commun entre elles étant M. Il faut juste veiller à ce que les prestations soient facturées sur des bases identiques à M et F2.

Je reste à votre disposition et vous laisse revenir vers moi, si nécessaire.

Bien à vous



Message écrit le: 31/05/2022 16:53
Jcortiana

Responsable comptable en entreprise
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Bonjour


Dans le cas de sociétés soeurs (directement (meme actionnaire) ou indirectement(meme maison mère on top du groupe), la comptabilité peut elle être tenue par une des sociétés pour 5 entités ?

Une refacturation au réel des coûts du service comptabilité (comptable, responsable comptable) aura lieu.

Faut il prévoir également un avenant au contrat de travail du comptable et du responsable comptable pour mise à disposition ?

Merci de votre aide

Cordialement

Joelle



Message écrit le: 01/06/2022 12:15
Jmb5

Expert-comptable à la retraite
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Bonjour,

Votre opération est tout à fait envisageable. Le nombre de sociétés sous contrôle commun impliquées dans la convention de prestations n'est pas limité.

Dans la mesure où elle peut permettre de faire échec à la mise en avant éventuelle de la théorie de l'acte anormal de gestion par l'administration fiscale, la rédaction d'avenants aux contrats de travail des personnes qui vont exécuter les travaux est effectivement une bonne chose. En pratique, la facturation des prestations est souvent justifiée par la tenue de feuilles de temps par ces personnes.

D'une manière générale, en application de cette théorie, une charge ne  peut être déduite du résultat fiscal d'une société que si elle respecte les conditions suivantes :

  • elle correspond à une charge effective et est appuyée de justifications suffisantes,
  • elle est comprise dans les charges de l'exercice au cours duquel elle a été engagée
  • sa déduction n'est pas expressément exclue par une disposition spécifique de la loi,
  • elle est exposée dans l'intérêt direct de l'exploitation.

La condition d'intérêt pour l'exploitation implique que la charge présente une contrepartie pour la société. Cette condition a conduit la jurisprudence, sur le fondement des articles 38, 39 et 209 du code général des impôts, à exclure la déductibilité de charges relevant d'un acte anormal de gestion car engagées dans l'intérêt exclusif d'un tiers.

A ce titre, lorsque les parties à l'opération font partie d'un même groupe, l'autonomie juridique et fiscale des sociétés suppose que l'analyse du caractère normal ou anormal d'une charge soit apprécié au regard du seul intérêt propre à la société qui l'a engagée. En effet, la jurisprudence se refuse à reconnaitre l'existence d'un intérêt de groupe. Dans ce cadre, la déductibilité fiscale des charges peut être remise en cause dans son principe, lorsque la charge ne présente pas de contrepartie pour la société, mais également sur son montant, lorsque le prix déterminé dans le cadre d'une opération donnée est anormalement bas ou au contraire excessif.

S'agissant des preuves que la société doit être en mesure d'apporter afin de justifier la déductibilité de la redevance qu'elle acquitte, le niveau d'exigence en la matière varie en fonction des liens qui existent entre la société prestataire de services et la société débitrice. En effet, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, 16 mai 2008, n° 288101, Sté SELAFA GEOMAT), la justification du montant des charges ne peut résulter de la seule production de factures régulières lorsque ces factures émanent d'une société liée. Dans ce cas, une société remplit l'exigence de preuve lorsqu'elle produit, en plus des factures, " des éléments de comparaison entre les tarifs horaires facturés par sa société mère pour les différentes prestations et les tarifs habituellement pratiqués en la matière ", ainsi que des éléments d'analyse établissant la répartition du temps de travail consacré par les salariés mis à la disposition de la filiale entre le temps consacré à la mission d'assistance et le temps consacré à leur mission au sein de la société qui assure la prestation. 

Je reste à votre disposition pour d'autres informations,

Et vous souhaite une bonne continuation.

Bien à vous



Message écrit le: 01/06/2022 14:34
Tommy_

Cadre du secteur privé
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Région: 94 - val-de-marne


Bonjour,

Merci pour tout le temps que vous m'avez accordé pour apporter toutes ces précisions !

Bonne continuation à vous.
Cordialement.



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