Message écrit le: 28/09/2022 23:11 | |
Expert-comptable à la retraite Messages: 531 Inscrit le: 10/07/2016 Région: 38 - isère | Bonjour, Un bailleur court le risque d'un redressement fiscal s'il ne peut justifier d'un intérêt propre et de contreparties suffisantes à un abandon de loyers au profit d'un locataire. En matière d'IS un abandon de créance constitue une charge déductible pour l'entreprise qui le consent si deux conditions sont remplies : - il s'agit d'un acte de gestion " normal ", - la créance abandonnée n'a pas pour contrepartie une augmentation de l'actif. La preuve du caractère normal de l'abandon est apportée lorsqu'il est établi que celui-ci correspond à l'intérêt de l'exploitation de l'entreprise qui le consent et trouve son fondement dans l'existence d'une contrepartie réelle et suffisante (BOFiP-BIC-BASE-50-20-10-§§ 20 à 40-29/01/2013). Le caractère normal ou non de l'abandon s'apprécie par rapport à l'intérêt propre de la société qui la consent. Les critères pris en compte par la jurisprudence sont les suivants :
Dans son arrêt n° 405256 du 12/10/2018, le Conseil d'Etat (CE) a ainsi considéré que l'abandon constitue un acte anormal de gestion. Dans ce litige, une société assujettie à l'IS consent un bail commercial pour des locaux. Le bail est renouvelé puis, par avenant, les parties conviennent d'une réduction du loyer de 50 %, jusqu'à accord contraire, en raison de la situation financière difficile du locataire. Estimant que la réduction de loyer ne relevait pas d'une " gestion commerciale normale ", l'administration fiscale redresse la base imposable à l'IS du bailleur. Le CE valide cette position estimant que la remise de loyer constitue un " acte anormal de gestion " au motif que le bailleur ne justifie pas de contreparties suffisantes à la remise. Il ne démontre pas non plus avoir agi dans son propre intérêt en accordant la remise, en se bornant " à se prévaloir en termes généraux des difficultés financières " du locataire, de " la durée et du coût d'une éventuelle procédure d'expulsion et de la difficulté qu'il aurait pu rencontrer pour trouver un nouveau locataire ". Au contraire, un bailleur ne commet pas un acte anormal de gestion s'il démontre qu'une " circonstance indépendante de sa volonté " l'a contraint à renoncer au loyer, par exemple, pour obtenir le départ d'un " mauvais " payeur (CE 23/11/1977 n° 98227 et 01/06/1990 n° 68313). Dans d'autres cas un abandon partiel a été admis, notamment si le bailleur justifie avoir " un intérêt propre à renoncer à titre seulement temporaire " à des loyers pour ne pas accroître des difficultés de trésorerie d'un locataire " plutôt que de supporter les charges inhérentes à une procédure d'expulsion préalable à la recherche d'un nouveau locataire" (CE 29/05/1991 n° 75021 et 75022). C'est en particulier le cas pour un abandon de créance inférieur à 10 % du loyer accordé dans le but de rétablir la situation dégradée d'un locataire-gérant (CE 16/06/2004 n° 235647). Comptablement, l'abandon de créance à caractère commercial constitue une charge d'exploitation pour la société qui le consent, sauf s'il peut être démontré qu'il n'est pas lié à l'exploitation courante de l'entreprise. Dans ce cas, il devrait pouvoir être comptabilisé en résultat exceptionnel. Covid-19 et abandon de créance : depuis la crise sanitaire, l'ANC recommande d'inscrire l'annulation d'une créance (de façon symétrique) en résultat d'exploitation ou financier en fonction de la nature de la créance annulée (Recommandations ANC Covid-19, Questions J6 et K3) :
- soit lorsque l'abandon de créance s'est matérialisé par l'émission d'une facture d'avoir : aux comptes 609, 619, ou 629 (selon le cas) " Rabais, remises et ristournes " chez le bénéficiaire et au compte 709 chez celui qui consent l'abandon ; - soit lorsqu'il s'est matérialisé par une convention : au compte 758 " Produits divers de gestion courante " chez le bénéficiaire et au compte 658 " Charges diverses de gestion courante " chez celui qui consent l'abandon.
Votre analyse semble globalement pertinente même si l'absence d'une clause de retour à meilleure dans votre transaction pourrait fragiliser votre défense en cas de litige face à l'administration fiscale. Je reste à votre disposition pour d'autres informations, Et vous souhaite une bonne continuation. Bien à vous. |