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Professionnels du chiffre : opportunités de carrière à la Réunion

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Le marché de l'emploi sur l'Île de la Réunion

L'Île de la Réunion est un département d'Outre Mer qui présente un certain nombre de spécificités. Au-delà de la mer et de la montagne, l'Île présente de réelles opportunités de carrière pour les professionnels du chiffre.

Avec ses entreprises locales à plus petite échelle qu'en métropole mais dans tous les secteurs d'activités, les missions sont riches et variées et permettent d'avoir une vue globale de tous les dossiers traités.

Rémy Amato président de l'Ordre des experts-comptables de la Réunion a bien voulu répondre à nos questions et nous l'en remercions.

Rémy Amato est président de l'Ordre des experts-comptables de la Réunion depuis deux ans, après avoir été vice-président pendant quatre ans.

La Réunion, ce sont 225 experts-comptables et environ 125 commissaires aux comptes, la plupart exerçant les deux professions. Seule une dizaine de commissaire aux comptes n'exerce pas la profession d'expert-comptable.

Au niveau des collaborateurs, ils sont entre 1 300 et 1 400 sur l'Île de la Réunion pour un total de 800 000 habitants environ.

Résultat : peu ou pas de chômage pour les professionnels du chiffre dans cette région du globe malgré un taux de chômage moyen, toutes professions confondues, plus élevé qu'en métropole. Le candidat choisit son poste et une période ne dure jamais plus d'un ou deux mois sauf volonté du candidat.

 

Bonjour Monsieur Amato, vous êtes expert-comptable et président du CROEC de la Réunion.
Pouvez-vous nous présenter le marché de l'expertise comptable dans les DOMs ?

Le marché de l'expertise comptable sur l'Île de la Réunion est en forte évolution avec dix à quinze nouveaux inscrits par an alors que les plus anciens ont connu une période avec moins de dix inscrits.

Le jeune confrère qui pose sa plaque peut vivre du métier au bout d'un an, un an et demi maximum. Si le niveau de vie n'est plus le même qu'il y a 40 ans, c'est un métier dans lequel il y a du travail et de véritables besoins du côté des clients.

Au niveau de la rémunération, il n'y a pas de problème particulier, bien que le coût de la vie soit plus élevé à la Réunion. La profession ne paie généralement pas au SMIC.

Ensuite, concernant le développement économique de l'Île, celle-ci s'est développée par elle-même, loin de tout. Toutes les industries sont représentées en petit format : yaourt, eau, compagnie d'aviation. Tous les types d'activités que l'on retrouve en métropole existent localement. C'est à la fois riche et dynamique malgré la crise et la défiscalisation depuis 2008.

Le commissaire aux comptes peut ainsi avoir la chance d'auditer une compagnie aérienne, avec une vision globale du fait de la taille plus réduite de l'entreprise. Il y a donc un vrai intérêt, une dynamique, du boulot.

Celui qui est investi, qui veut se donner du mal et faire une carrière, que ce soit en expertise comptable ou en basculant vers une fonction finance pour accéder à une fonction de direction peut le faire.

Seule différence : la Réunion se compare plutôt à un département du sud de la France puisque le soleil et la mer sont visibles de quasiment partout. C'est plutôt bon pour le moral.

La typologie des clients des cabinets est donc très large puisque malgré les importations depuis la métropole, la production locale est très développée. C'est une vraie richesse dans nos métiers.

Les deux syndicats professionnels ECF et IFEC sont présents depuis quelques années avec une majorité pour l'IFEC actuellement.

 

Vous vous êtes associé dans un cabinet d'expertise comptable, Euraudit OI, en 2008 à la Réunion.
Selon vous quels sont les avantages et les inconvénients de travailler dans les DOM's en tant que professionnel du chiffre ?

À côté des avantages liés à l'absence de chômage chez les professionnels du chiffre et à une rémunération attractive se trouve un inconvénient majeur, celui de l'éloignement, plus ou moins bien vécu.

S'installer à la Réunion : un vrai choix de vie pour le professionnel et son conjoint

Le principal inconvénient est d'ordre psychologique : c'est l'éloignement pas toujours bien vécu par les « zoreilles », les métropolitains venus s'installer à la Réunion ou leurs conjoints.

Aller s'installer à la Réunion est un vrai choix de vie. Le problème concerne rarement le candidat à l'expertise comptable ou au poste de collaborateur. Pour lui, c'est un choix réfléchi et il va s'épanouir professionnellement.

Le problème de l'éloignement sera pour le ou la conjoint(e) qui n'exercera pas le même métier. Si cette personne trouve un travail dans des conditions identiques, il n'y a généralement pas de souci. En revanche, si le conjoint homme ou femme ne trouve pas de travail ou prend un travail alimentaire, l'éloignement se fait sentir.

Et même si en terme de temps, avec les technologies actuelles, via la visioconférence ou pendant les congés, le conjoint voit plus souvent et plus longtemps sa famille, le fait de ne pas pouvoir les rejoindre rapidement si besoin est souvent mal vécu.

Depuis la Réunion, impossible de rejoindre la métropole en moins de 24 heures et aucune certitude d'y arriver rapidement. Il faut que le budget soit disponible et qu'il y ait de la place dans les avions au moment du départ. Le temps nécessaire à un départ vers la métropole est plus difficile à planifier.

Ce sentiment peut durer plusieurs années (quatre ou cinq ans). Passé cinq ans, le risque disparaît. Mais c'est quelque chose qui ne peut pas se discuter et dépend de l'autonomie et des liens de chaque individu avec les membres de sa famille.

Il faut avoir une certaine dose d'autonomie pour accepter de ne pas être le premier sur place.

Le niveau de rémunération dans les métiers du chiffre permet tout de même de se payer un billet d'avion une ou deux fois par an sans trop de mal.

La difficulté est que les vacances peuvent coûter assez cher, au-delà de l'Île Maurice, Madagascar, zone est de l'Afrique, les seychelles, Rodrigues qui sont sur la même zone.

Le billet d'avion avec le système continuité territoriale varie entre 500 et 600¤ en pleine période.

 

La Réunion : un climat et des conditions de vies similaires à une petite région du sud de la France

En-dehors des vacances, la plupart des personnes, en métropole ou à la Réunion restent dans une zone d'une centaine de kilomètres autour de leur domicile. En ce sens, pas de changement particulier sur l'Île.

Le climat présente toutefois quelques particularités entre cyclone et volcan.

Le côté cyclonique est quelque chose d'assez spécifique même si la Réunion est moins concernée que l'arc antillais puisqu'elle se trouve plus au sud. De gros cyclones peuvent tout de même passer dans la zone.

C'est un élément à appréhender, un sentiment à vivre. Les réunionnais suivent de près la météo, savent quels sites aller voir pour être informés.

Le cyclone engendre alors une forte appréhension pour le coût des réparations éventuelles et le sentiment d'assister à un spectacle. Le déchaînement des éléments reste extraordinaire à regarder.

Le volcan est en éruption tous les deux ans. Il est sans danger puisqu'il n'y a que des coulées de laves. Là encore, c'est un spectacle extraordinaire qu'il faut découvrir.

La coexistence interreligieuse : l'ensemble des religions se côtoie, se respecte et s'apprécie

Hindous, chinois, musulmans, chrétiens ... sont répartis sur le territoire de la Réunion avec de très fortes communautés, bien implantées.

Cela donne une richesse hors du commun puisque tous se côtoient et se respectent. Tous connaissent les fêtes religieuses des autres communautés et travaillent en harmonie.

Le mot créole par définition désigne celui qui est mélangé. Le métissage est ici une force et tout le monde vit avec tout le monde de manière naturelle. Cette exception culturelle et cultuelle fait que les lois nationales contre le port de signes distinctifs de religion n'ont pas vraiment de sens sur l'Île qui s'est peuplée au fil du temps sans qu'aucune peuplade ne puisse s'en attribuer la propriété. Tous sont venus à l'origine pour s'exiler ou faire commerce.

 

 

Au niveau du marché de l'emploi dans les DOMs, quelle est la tendance actuelle ?
Quels types de profil sont les plus recherchés ?
Comment les candidats peuvent entreprendre une recherche d'emploi efficace depuis la métropole ?

Le profil le plus recherché sur l'Île de la Réunion est très certainement le collaborateur social. Les gestionnaires de paie avec expérience sont très demandés.

Le métier déjà technique auparavant, c'est encore complexifié avec la DSN notamment.

Il y a donc une vraie demande sur les spécialistes de la paie mais l'ensemble des collaborateurs, plutôt avec expérience sont recherchés.

En matière de formation initiale, BTS comptabilité, DCG, DSCG, master CCA se font directement sur l'Île. Il y a donc beaucoup de choses en matière de formation.

Cependant, une personne qui a été vivre une expérience en métropole, dans le cadre ou non de ses études, revient avec une plus grande ouverture d'esprit que celui qui n'a pas quitté son île.

Tout profil en expertise comptable ou audit sera recruté sauf que pour le candidat qui vient de métropole, il y a un élément qui devra impérativement figurer dans sa lettre de motivation. Cet élément c'est la réponse à la question du choix de la Réunion. Pourquoi vouloir s'installer à la Réunion ?

Lorsque la lettre de motivation ne contient pas cet élément, le recruteur réunionnais se posera toujours la question  de savoir si le candidat postule pour la Réunion ou la Région parisienne. Entre Saint-Denis et Saint-Denis de la Réunion, l'erreur est possible.

Le candidat doit donc convaincre le recruteur que son choix pour la Réunion est bien un choix de vie et pas une pause dans sa carrière avant de revenir en métropole ou une erreur de code postal.

Venir une ou plusieurs fois sur l'Île avant de faire son choix est une bonne solution. C'est une décision dans un parcours de vie, décision qui est importante et pour laquelle il faut bien peser les avantages et inconvénients. Seul c'est assez simple. En couple, les deux doivent avoir la même envie d'aventure.

Les opportunités de carrière sur la zone, que ce soit à Madagascar ou sur l'Île Maurice qui parle français aussi existent. La maîtrise de l'anglais n'est pas nécessaire. C'est un plus pour celui qui souhaiterait ensuite faire carrière en Afrique par exemple, en Inde, Chine ou Australie.

Trouver un poste à la Réunion depuis la métropole n'est pas très compliqué. Il faut un CV, un annuaire et contacter les 225 confrères ou consoeurs. Pour celui qui souhaiterait travailler en entreprise, les grandes entreprises réunionnaises se trouvent assez facilement.

En revanche, l'élément qui fera la différence, c'est bien le pourquoi de la Réunion. Le CV risque de ne pas être lu.

Si le candidat répond à cette question, celui qui a une expérience normale sur un poste classique avec une certaine évolution sera alors retenu sans problème.

Pour la prise de contacts, les professionnels se déplacent souvent en métropole ou proposent des entretiens via skype. Trouver un moyen de se rencontrer est simple.

Les cabinets de recrutement peuvent également être un tremplin.

 

Comment les experts-comptables réunionnais se préparent-ils à la transition numérique, où en sont-ils ?

L'éloignement aidant, les professionnels réunionnais sont très à l'aise avec les nouvelles technologies et utilisent tous les outils à leur disposition. Ils sont donc généralement bien équipés.

L'ubérisation de la profession n'est pas une menace surtout en tenant compte de toutes les spécificités locales. Le marché est trop petit. Les experts-comptables locaux sont plutôt d'éminents fiscalistes. Les spécificités locales sont mises en place rapidement et les quelques éléments interprétables ne font pas l'objet de procès et n'amènent pas de jurisprudence.

Les interprétations se font localement, en partenariat avec la DGFIP locale.  La cellule infodom permet aux professionnels du chiffre d'échanger avec un représentant de la DGFIP sur des points techniques remontés des confrères.

L'objectif est alors de trouver, en partenariat avec la DGFIP, l'interprétation qui soit la plus intelligente, pas forcément la plus favorable à l'une ou l'autre partie mais la plus pragmatique. Il se dégage alors une tendance d'application des textes qui permet de limiter les problèmes futurs.

Les grands acteurs de la paie comme ADP ou rue de la paie n'ont pas de prise sur les DOM à cause des spécificités liées à la Lodeom et d'une problématique d'application des conventions collectives un peu spécifique.

Quelques spécialistes des paies locales, souvent d'anciens collaborateurs de cabinets se sont installés et proposent leurs services puisque l'établissement des bulletins de paie n'est pas réglementé.

Localement, la saisie au kilomètre sur d'autres territoires sur lesquels la main-d'oeuvre est moins chère se fait depuis très longtemps, plusieurs décennies. Les plus anciens allaient à l'Île Maurice avec une valise pour faire saisir leurs pièces comptables une fois par semaine. Ils récupéraient ensuite la valise de la semaine précédente.

Les cabinets locaux ont aujourd'hui intérêt à ce que le client scanne lui-même ses pièces ce qui permet très rapidement de pouvoir les faire saisir sans se déplacer.

Beaucoup utilisent les outils de partage que ce soit dropbox ou un autre, pour aller partager ces pièces. C'est lié au fait que les jeunes clients ne se déplacent plus pour déplacer des pièces. Ils préfèrent les scanner aux heures qui leur conviennent.

Les cabinets ont fait des efforts pour trouver les outils qui vont bien et c'est quelque chose qui fonctionne de façon naturelle.

 

Quels conseils donneriez-vous à un expert-comptable stagiaire qui souhaite venir s'installer à la Réunion ?
Existe-t-il des missions et/ou des spécificités susceptibles de faire un bon sujet de mémoire d'expertise-comptable ?

Pour le sujet de mémoire d'expertise comptable, le plus simple reste de choisir la fiscalité à cause de toutes les spécificités locales qui changent tout le temps.

Les sujets n'ont pas été traités vingt fois et même s'ils ont été traités une fois, il est toujours possible, du fait des réformes successives, de trouver un angle d'attaque totalement différent.

Les réformes tous les deux ou trois ans font que la fiscalité sera au coeur du travail quotidien du collaborateur. Le travail se fera sur quelques dossiers qui lui apporteront un savoir-faire et lui permettront de devenir un référent, au sein du cabinet, sur les questions choisies. Les autres collaborateurs viendront alors le voir, provoquant discussions, questionnements et réflexions sur le sujet qui deviendra le sujet du mémoire.

La contrainte pour le mémorialiste est dans la soutenance du mémoire. Le SIEC s'attache à faire en sorte que les oraux soient dans la semaine des écrits. Résultat, le professionnel qui a donné l'agrément du sujet du mémoire ne sera généralement pas dans la salle le jour de la soutenance.

L'inconvénient est que les candidats outre mer ne brillent donc pas, même avec un mémoire ultra technique qui traite d'un sujet avec une grande pertinence. Ils s'en sortent avec 12 ou 13 à la soutenance parce que l'examinateur en face n'a pas le même niveau sur le sujet que celui qui a donné l'agrément. La note restera correcte.

Sandra Schmidt

Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.


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