Bonjour,
Ma question concerne l'interprétation de cette phrase : on parle de provision " lorsque l'entreprise a une obligation à l'égard d'un tiers " et " qu'il est probable ou certain que cette obligation provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers et sans contrepartie au moins équivalente ".
Plus précisément, une maison d'édition travaille avec un distributeur. Ce dernier fait l'intermédiaire entre la maison d'édition et les libraires. La maison d'édition n'a aucun contact avec les libraires et facture le diffuseur.
Le diffuseur prélève chaque mois une somme " provision pour retours à venir " à la maison d'édition.
Les libraires ont la possibilité de retourner les livres qu'ils n'ont pas vendus pendant plus d'1 an.
Ces retours entrainent un coût pour la maison d'édition.
La maison d'édition doit-elle obligatoirement comptabiliser des provisions pour retours ? sachant que le distributeur continuera à vendre des livres dont les recettes compenseront largement le montant dû pour les retours ?
Merci pour votre aide.
Bonjour,
Votre question a fait l'objet de la réponse suivante de la part de la Commission des Etudes Comptables de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes. Elle a été publiée sous la référence EC 2013-12 dans le bulletin n° 173 de mars 2014 :
" Une société XY exerce une activité de grossiste dans la chaîne du livre. Cette société XY procède à l'achat des livres déposés par ses fournisseurs-éditeurs lorsqu'elle vend ceux-ci à une clientèle de détaillants. Sa rémunération est fondée sur la différence entre le taux de remise accordé à ses clients-détaillants et le taux de remise négocié avec ses fournisseurs-éditeurs.
Des facultés de retour d'invendus sont prévues contractuellement sous réserve de respecter certaines conditions de délai et de procédure. Compte tenu d'une certaine saisonnalité des ventes, la société XY enregistre des retours significatifs au premier trimestre de l'année N+1 en lien direct avec ses ventes réalisées fin N. A la clôture de l'exercice N, la société XY comptabilise une provision pour risques, sur la base des flux observés sur l'exercice précédent, à hauteur de la perte de marge estimée correspondant aux retours attendus sur la période post-clôture.
Question :
Cette provision pour risques de retours de livres est-elle bien fondée ?
***
*
Rappel des textes applicables
La Commission des études comptables a rappelé les articles suivants du Plan comptable général :
Art. 212-1. :
" 1- Un passif est un élément du patrimoine ayant une valeur économique négative pour l'entité, c'est-à-dire une obligation de l'entité à l'égard d'un tiers dont il est probable ou certain qu'elle provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers, sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci. L'ensemble de ces éléments est dénommé passif externe.
2- Cette obligation peut-être d'ordre légal, réglementaire ou contractuel. Elle peut également découler des pratiques passées de l'entité, de sa politique affichée ou d'engagements publics suffisamment explicites qui ont créé une attente légitime des tiers concernés sur le fait qu'elle assumera certaines responsabilités.
3- Le tiers peut-être une personne physique ou morale, déterminable ou non.
4- L'estimation du passif correspond au montant de la sortie de ressources que l'entité doit supporter pour éteindre son obligation envers le tiers [...] ".
Art. 212-2. :
" Une dette est un passif certain dont l'échéance et le montant sont fixés de façon précise".
Art. 212-3. :
" Une provision est un passif dont l'échéance ou le montant n'est pas fixé de façon précise".
Art. 312-1 :
" [...] 2- A la clôture de l'exercice, un passif est comptabilisé si l'obligation existe à cette date et s'il est probable ou certain, à la date d'établissement des comptes, qu'elle provoquera une sortie de ressources au bénéfice de tiers sans contrepartie au moins équivalente attendue de ceux-ci après la date de clôture ".
Art. 313-5 :
" Le résultat tient compte des risques et des pertes qui ont pris naissance au cours de l'exercice ou d'un exercice antérieur même s'ils sont connus entre la date de clôture de l'exercice et celle de l'établissement des comptes annuels ".
Art. 323-2 :
" Les provisions sont évaluées pour le montant correspondant à la meilleure estimation de la sortie de ressources nécessaire à l'extinction de l'obligation déterminée comme suit :
1- Lorsqu'il existe un grand nombre d'obligations similaires (par exemple, garantie sur les produits ou contrats similaires), la probabilité qu'une sortie de ressources soit nécessaire à l'extinction de ces obligations est déterminée en considérant cet ensemble d'obligations comme un tout. Même si la probabilité de sortie pour chacun des éléments considérée isolément est faible, il peut être probable qu'une sortie de ressources sera nécessaire pour éteindre cet ensemble d'obligations.
2- En cas d'obligation unique et en présence de plusieurs hypothèses d'évaluation de la sortie de ressources, le montant à provisionner est, en général, celui qui correspond à l'hypothèse la plus probable. Les incertitudes relatives aux autres hypothèses d'évaluation doivent faire l'objet d'une mention en annexe ".
La Commission a également cité le § 5.4 de l'avis n°2000-01 du 20 avril 2000 relatif aux passifs du Conseil national de la comptabilité :
" 5.4 Garantie donnée au client :
L'obligation a pour origine une vente avant la date de clôture assortie d'une obligation de garantie. Cette obligation peut être légale, contractuelle ou résulter de simples pratiques commerciales de l'entité qui créent une attente chez ses clients.
La sortie de ressources est constituée par les coûts de réparation et elle est rendue probable par l'existence d'un défaut dans le produit ou la prestation livrée avant la clôture de l'exercice. Identifié par tout moyen, ce défaut peut être connu, soit de manière certaine à la date d'établissement des comptes, soit avec une certaine probabilité qui peut être déterminée par des statistiques sur le nombre de défauts, en particulier pour les productions de série.
Même si un défaut ne se révèle qu'après la date de clôture, il existait dans le produit au moment de sa livraison intervenue avant la date de clôture et il est donc probable, à la date de clôture, que cette obligation de garantie se traduira par une sortie de ressources.
L'entité a déjà comptabilisé le produit et le résultat sur la vente et n'attend plus aucune contrepartie de la réparation, physique ou financière, liée à la garantie.
Le coût estimé de la garantie constitue donc un passif qui doit être comptabilisé. L'échéance et le montant des dépenses de garantie ne sont pas fixés avec précision, le passif est à comptabiliser par une provision pour risques et charges. "
Réponse de la Commission des études comptables
La Commission a relevé que l'activité de la société XY s'inscrivait dans le cadre de contrats de négoce de livres signés avec d'une part les éditeurs et d'autre part les détaillants. Ainsi, la pratique des retours de livres résulte d'engagements contractuels souscrits entre la société XY, ses clients et ses fournisseurs. En effet, les contrats signés avec les détaillants et avec les éditeurs prévoient expressément la possibilité de retours de la part des détaillants à l'intention de la société XY, qui ensuite répercutera ces retours aux éditeurs.
Dès lors, cette faculté de retours, associée aux conditions de la vente initiale, crée une obligation pour la société XY de reprendre les livres vendus aux détaillants avant la date de clôture de l'exercice, au cours de l'exercice suivant.
La Commission a considéré que, pour les retours de livres intervenus avant la date de clôture de l'exercice, l'obligation de reprise par la société XY se traduit par la comptabilisation d'avoirs à établir (en faveur du détaillant) et d'avoirs à recevoir (en provenance de l'éditeur).
Pour les invendus existant chez les distributeurs à la date de clôture de l'exercice, l'obligation de prendre en charge les retours portant sur des ouvrages vendus au cours de l'exercice, est susceptible d'entraîner une sortie de ressources correspondant à la perte de marge probable, à comptabiliser dans les résultats de l'exercice de vente des livres concernés conformément à l'article 313-5 du PCG.
A la clôture de l'exercice, cette provision est évaluée sur la base des retours réellement intervenus jusqu'à la date d'arrêté des comptes et, pour les retours à intervenir après la date d'arrêté des comptes, sur la base de statistiques issues de l'expérience de la société.
Une information détaillée devra être fournie dans l'annexe des comptes annuels sur la nature de la provision comptabilisée et sur ses modalités de détermination. "
Je reste à votre disposition pour d'autres informations,
Et vous souhaite une bonne continuation.
Bien à vous
Bonjour,
Un grand merci pour vos recherches et votre réponse.
Il me semble que l'analyse concerne plus un distributeur qui travaille avec de nombreux libraires et je me demande si la logique est la même pour une maison d'édition car j'ai du mal à interpréter l'article Art. 312-1
" [...] 2- A la clôture de l'exercice, un passif est comptabilisé si l'obligation existe à cette date et s'il est probable ou certain, à la date d'établissement des comptes, qu'elle provoquera une sortie de ressources au bénéfice de tiers sans contrepartie au moins équivalente attendue de ceux-ci après la date de clôture ".
Notre tiers est le distributeur.
Il y aura des retours en N+1, qui provoqueront une sortie de ressources au bénéfice du tiers, notre distributeur.
Notre distributeur vendra en N+1 nos livres et nous aurons donc des recettes supérieures aux montants que nous lui devrons pour les retours
mais mon interprétation est peut-être fausse.
Merci pour votre éclairage.
Bonjour,
Merci pour votre retour et vos informations complémentaires.
A mon avis, la réponse de la commission s'applique quel que soit le niveau de l'entité dans la chaine de distribution des livres (maison d'édition ou distributeur).
D'une manière générale, lorsque l'entreprise s'est engagée à reprendre les produits invendus ou périmés, il existe, à la clôture de l'exercice, une obligation. Si la sortie de ressources, sans contrepartie, est probable, par exemple sur la base des statistiques des exercices passés, une provision sera à constituer pour la meilleure estimation des coûts liés au retour des invendus.
Je comprends par ailleurs de votre propos que la contrepartie attendue par votre distributeur pour les ventes en N+1 sera au moins équivalente à la sortie de ressources au bénéfice de votre distributeur pour les retours en N+1 mais de manière globale (tous les titres confondus). Or, à mon avis, l'analyse doit être cantonnée aux seuls titres que les libraires n'ont pas vendus pendant plus d'un an et qui doivent faire l'objet d'une provision.
Mais, n'ayant moi-même aucune connaissance de votre secteur d'activité, je n'exclus pas toutefois de mal comprendre votre problème.
Je reste à votre disposition pour d'autres informations,
Et vous souhaite une bonne continuation.
Bien à vous
Bonsoir,
et merci.
Pour moi le tiers c'était le distributeur mais d'après ce que vous dites, chaque titre est un tiers ?
Le distributeur retient une somme, chaque mois, pour compenser les éventuels retours. Donc la trésorerie en cas de retours en N+1 est assurée.
Les exemplaires du titre retourné sont remis en vente et peuvent être vendus l'année suivante, donc si on estime qu'on va en vendre autant que de retours, on peut considérer que c'est " la contrepartie au moins équivalente attendue de ceux-ci " qui implique de ne pas prendre de provisions ?
J'espère être claire dans ma demande et vous remercie pour vos conseils.
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