
La vérification de comptabilité suit un formalisme strict, pouvant entraîner une nullité de la procédure s'il n'est pas respecté. Toutefois, toutes les erreurs n'entraînent pas la nullité, du moins tant que l'erreur est « réparable ». En effet, la jurisprudence s'accorde sur le fait qu'une erreur non substantielle n'entraîne pas la nullité.
A l'inverse, les erreurs substantielles entraînent la nullité de la procédure, notamment celles qui ont pour effet de violer les garanties légales du contribuable ou les droits de la défense.
L'article 23 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit de nouvelles modalités pour les agents de l'administration dans le cadre des contrôles fiscaux qu'ils effectuent.
En effet, le lieu de réalisation des contrôles reste en principe dans les locaux de l'entité. Néanmoins, le contrôle pourrait intervenir dans tout autre lieu déterminé par un accord commun entre le contribuable et l'administration fiscale. En cas de désaccord, l'Administration disposerait de la faculté de poursuivre les contrôles dans ses propres locaux.
Ainsi, elle disposerait de l'initiative de délocaliser les contrôles, à l'instar des contribuables qui disposent déjà de cette faculté par exception.
En outre, les agents de l'Administration pourraient bénéficier d'un dispositif d'anonymisation dans lequel ils seraient autorisés à ne pas dévoiler leur nom et prénom en cas de mise en danger de leur intégrité physique ou de celles de leur proche.
De plus, l'Administration a, ces dernières années, développé des mécanismes pour détecter les infractions fiscales, notamment par le biais de traitements informatisés et automatisés. En ce sens, un renforcement des moyens à sa disposition est prévu par l'article 19 du projet de loi de finances pour 2024, permettant aux agents de mener des enquêtes sur internet sous pseudonyme, notamment via les réseaux sociaux et messageries.
Par ailleurs, l'article 20 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit d'instaurer un délit de mise à disposition de facilitation de la fraude fiscale. Ce délit concerne les personnes physiques ou morales qui mettent à la disposition de tiers des moyens, services, actes ou instruments leur permettant de se soustraire à leurs obligations fiscales.
Enfin, l'article 21 prévoit de créer une peine complémentaire en cas de fraude fiscale avec circonstances aggravantes, à savoir la privation du droit à l'octroi de réduction ou crédit d'impôt sur le revenu ou sur la fortune immobilière.
Cet article propose une liste non exhaustive de vices de procédure pouvant être opposés à l'Administration durant un contrôle fiscal.
Durée du contrôle fiscal
Délai de 3 mois par principe
Le contrôle fiscal opéré par l'Administration ne doit pas dépasser un délai de 3 mois, notamment lorsqu'il s'agit d'une vérification de comptabilité sur place pour les entreprises dont le montant annuel HT du CA ou des recettes brutes ne dépassent pas la limite d'admission au régime simplifié d'imposition, fixée à (seuils applicables en 2023, 2024 et 2025) :
- 840 000¤ pour une activité de vente ;
- 254 000¤ pour une activité de prestation de services ;
- 391 000¤ pour les entreprises agricoles.
Passé ce délai, la procédure peut être annulée, ainsi le contribuable soumis au contrôle doit être vigilant au jour de l'ouverture d'une telle procédure, pour pouvoir opposer le non-respect du délai à l'Administration. Par conséquent, une quelconque tentative de l'administration fiscale ayant pour but un renouvellement de la procédure sera considérée comme un vice de procédure, lui étant opposable.
Dérogation au délai de 3 mois
Il existe un certain nombre de dérogations opposables à l'administration dérogeant au délai de 3 mois :
- instruction des observations et des réclamations présentées par le contribuable ;
- examen des comptes mixtes ;
- examen des comptes d'activités distinctes ;
- en cas de graves irrégularités privant de valeur probante les comptes (le délai ne peut excéder 6 mois) ;
- en cas de procès verbal de flagrance fiscale, ainsi que pour la vérification des années antérieures ;
- en cas d'ouverture d'une enquête judiciaire ;
- en cas d'exercice d'une activité occulte.
Vices relatifs à l'avis de vérification de comptabilité
L'avis de vérification de comptabilité est un document officiel fondamental qui marque l'ouverture d'un contrôle fiscal comportant des mentions obligatoires (article L47 du LPF).
Absence d'avis de vérification de comptabilité
Dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité, l'absence d'envoi d'un tel document avant l'arrivée du vérificateur rend la procédure de vérification fiscale viciée, pouvant mener à la nullité de la procédure.
Avis de vérification de comptabilité incomplet
L'avis de vérification de comptabilité est un document officiel comportant des mentions obligatoires. Leurs absences peuvent entraîner la nullité du contrôle fiscal. Les mentions que doivent comporter l'avis de vérification sont notamment :
- l'information de la possibilité de se faire accompagner dans toutes les étapes de la procédure par le conseil de son choix. L'article précise même que cette information résulte d'une mention expresse ;
- les années soumises à vérification ;
- une information concernant la possibilité de consulter la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sur le site internet de l'administration fiscale, ou la remise au contribuable s'il en fait la demande ;
- le nom des supérieurs hiérarchiques du vérificateur (BOI-CF-PGR-20-10, §80).
Délai insuffisant pour demander un conseil
L'administration fiscale accorde un délai au contribuable pour trouver le conseil de son choix pour se faire accompagner dans le cadre du contrôle fiscal (LPF, art. L47, alinéa in fine). Ainsi, si ce délai n'est pas respecté, le contribuable pourra opposer ce vice de procédure à l'Administration.
Par principe, l'Administration octroie un délai minimal de 2 jours pleins entre la date de réception de l'avis de vérification et celle à laquelle commence effectivement le contrôle. La jurisprudence précise encore que les samedis, dimanches et jours fériés ne doivent pas être retenus dans le décompte du délai (CE 14 mars 1990, n° 65110 ; CE 2 oct. 2002, n° 228436).
Défaut d'envoi des documents qui ont permis d'établir le redressement
Tout d'abord, l'envoi des documents établissant le redressement n'est pas automatique, c'est au contribuable d'en faire la demande expresse. Par conséquent, le vice de procédure n'a d'existence que si le contribuable n'a pas obtenu les documents suite à une demande expresse de sa part auprès de l'Administration.
Absence de débat oral et contradictoire
Ce principe est l'équivalent du principe du contradictoire que l'on retrouve en droit pénal. Ainsi, en raison de ce principe, l'Administration, tout comme le contribuable, doit exposer tous ces arguments, d'un côté pour justifier un éventuel redressement, de l'autre, pour contrer les propositions de redressements de l'Administration.
Si le contradictoire n'est pas respecté, le contribuable pourrait opposer ce vice de procédure à l'Administration, et éventuellement obtenir la nullité de la procédure. La jurisprudence a considéré que l'Administration doit avoir eu suffisamment de contact direct avec le contribuable pour que la garantie du débat oral et contradictoire ait été respectée (Conseil d'État, 27 juillet 1979, n°9101).
Toutefois, rares sont les cas où l'absence de débat oral et contradictoire est caractérisé. Il existe une présomption lorsque le contrôle a eu lieu dans l'entreprise, ainsi c'est au contribuable de rapporter la preuve de ce manquement.
Absence de motivation de la proposition de modification
Le vérificateur doit toujours motiver sa proposition de modification faite au contribuable (article 57 du LPF), notamment en apportant des éléments de faits et de preuves tangibles. Si la décision n'est pas motivée et que le contribuable dénonce ce manquement, cela peut conduire à un vice de procédure et donc à la nullité de la procédure.
La jurisprudence a jugé à plusieurs reprises qu'en cas de rejet de comptabilité entraînant une reconstitution des recettes par le vérificateur, le service vérificateur doit motiver les motifs conduisant à considérer la comptabilité comme irrégulière (Conseil d'État, 10 juillet 1991, n°70956 ; Conseil d'État, 12 février 1992, n°69324 ; Cour administrative d'appel de Lyon, 23 octobre 1996, n°95314).
Absence de réponse à une demande de recours hiérarchique
En cas de désaccord avec la proposition de modification, le contribuable dispose d'un recours auprès du supérieur hiérarchique du vérificateur. Il adresse par écrit ces contestations et il incombe au supérieur hiérarchique de répondre aux contestations émises par le contribuable contrôlé, au plus tard avant l'envoi des avis de mise en recouvrement.
Dans le cas contraire, la procédure pourrait encourir la nullité.
Absence de saisine de la commission des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires
Les contribuables contrôlés, particuliers comme entreprises, disposent d'un recours auprès de la Commission des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque subsistent des désaccords avec l'administration fiscale sur les redressements notifiés.
Si le fisc n'informe pas le contribuable contrôlé de cette faculté ou s'il ne saisit pas la Commission suite à une demande de saisine, ce manquement pourra être opposé à l'administration fiscale en tant que vice de procédure encourant la nullité du contrôle.
Non respect du délai de reprise
Le délai de reprise est le délai dans lequel une entreprise ou un particulier peut être soumis à des contrôles de l'administration fiscale. Pour la majorité des impositions, le droit de reprise dont dispose l'Administration se prescrit par 3 ans, mais varie selon la nature de l'impôt :
- s'agissant de l'IR et de l'IS, l'administration fiscale peut effectuer un contrôle sur l'année en cours et les trois années précédentes ;
- s'agissant de la TVA, l'administration fiscale peut effectuer un contrôle sur les trois années précédant celle au cours de laquelle la taxe est devenu exigible ;
- s'agissant des impôts directs locaux, le contrôle fiscal est possible jusqu'à la fin de l'année suivant celle au titre de laquelle l'impôt est devenu exigible ;
- s'agissant de l'IFI, le droit de contrôle se prescrit le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle l'impôt est dû.
Concernant la taxe d'habitation et la taxe foncière, le délai est beaucoup plus court, l'Administration ne peut rectifier que jusqu'au 31 décembre de l'année qui suit l'imposition.
Depuis le 1er janvier 2023, la taxe d'habitation sur la résidence principale est supprimée pour tous les contribuables (article 16 de la loi de finances pour 2020). Elle est toutefois maintenue sur les résidences secondaires.