Retenue à la source au titre de certaines rémunérations encaissées par les entreprises étrangères

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Les sommes versées par un débiteur établi en France à une société étrangère, en rémunération de certaines prestations (services rendus ou utilisés en France, produits de la propriété intellectuelle, etc.), sont assujettis à une retenue à la source en France lorsque la société étrangère ne dispose pas d'une installation professionnelle permanente en France (article 182 B du CGI ; BOI-IR-DOMIC-10-20-20-50, 3 juillet 2024).

Ce dispositif est applicable sous réserve des dispositions des conventions fiscales internationales destinées à éviter les doubles impositions. En effet, une convention fiscale internationale peut retirer à la France le droit d'imposer les sommes en cause. Dans ce cas, la retenue ne s'applique pas.

Cette retenue à la source s'applique, par exemple, dans le cadre de prestations techniques rendues par une société étrangère, en France, au bénéfice d'une société française ou en cas de paiement de redevance de concession de brevet ou de marque par une société française à une société étrangère, etc.

Conditions d'application du dispositif visé à l'article 182 B du CGI

La retenue à la source de l'article 182 B du CGI est applicable lorsque les trois conditions suivantes sont cumulativement réunies.

Le débiteur de la retenue à la source

Le débiteur de la rémunération exerce une activité en France, peu important qu'il dispose ou non d'un établissement en France. Le plus souvent, le débiteur a son domicile fiscal, son siège ou un établissement stable en France mais, par exemple, une personne physique ou morale non résidente est redevable de la retenue à la source, au titre des rémunérations éligibles (cf. ci-dessous) qu'elle verse à des non-résidents, lorsqu'elle organise des manifestations sportives en France sans y disposer d'un établissement ou d'un représentant.

Les personnes physiques ou morales qui ont leur domicile fiscal ou leur siège hors de France et qui exercent une activité en France peuvent être invitées à désigner un représentant en France. Toutefois, cette obligation ne s'applique pas aux personnes physiques ou morales qui ont leur domicile fiscal ou leur siège dans un autre État de l'UE ou dans un État partie à l'EEE ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscal ainsi qu'une matière de recouvrement de l'impôt.

Le bénéficiaire n'ayant pas d'installation professionnelle permanente en France

Le bénéficiaire de la rémunération est un non-résident, qu'il soit une personne physique, une société ou un autre personne morale, qui ne dispose pas d'une installation professionnelle permanente en France. 

Celui-ci  relève de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, peu important qu'il y soit effectivement soumis. Cette retenue à la source sera imputable sur le montant de ces impôts le cas échéant.

D'une part, il y a installation professionnelle en France lorsque le contribuable y dispose d'un local aménagé en vue de l'exercice de sa profession, même si ce local n'est pas spécifiquement adapté. D'autre part, l'installation est considérée comme permanente lorsqu'elle est suffisamment connue de la clientèle et qu'elle sert à l'accomplissement périodique des actes professionnels, à des intervalles réguliers ou à des époques fixes.

Les revenus concernés

Les sommes versées entrent dans l'une des catégories suivantes :

  • sommes versées en rémunération d'une activité déployée en France dans le cadre de l'exercice d'une profession non commerce (notamment les professions libérales) ;
  • produits définis à l'article 92 du CGI et perçus par les inventeurs ou au titre de droits d'auteurs, ainsi que ceux perçus par les obtenteurs de nouvelles variétés végétales, ainsi que tous produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés ;
  • sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ;
  • les sommes, y compris les salaires, correspondant à des prestations sportives fournies ou utilisées en France, nonobstant les dispositions de l'article 182 A du CGI.

Calcul et recouvrement de la retenue à la source

L'assiette de la retenue à la source est constituée par le montant brut des sommes ou produits payées, y compris, le cas échéant, les frais d'encaissement, mais à l'exclusion des taxes sur le chiffre d'affaires (notamment la TVA). Toutefois les frais d'encaissement n'ont pas à être retranchés.

Par principe, aucun abattement pour frais professionnels ni aucune charge ne peut être déduit. Toutefois, un abattement représentatif de charges de 10% (qui n'est pas plafonné) est accordé à deux conditions cumulatives : 

  • le bénéficiaire est une personnes morale ou un organisme dont les résultats ne sont pas imposés à l'IR entre les mains d'un associé ;
  • le siège ou l'établissement stable du bénéficiaire doit être situé dans un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, tout en n'étant pas considéré comme non coopératif au sens de l'article 238-0 A du CGI.

Les personnes physiques sont exclues de cet abattement. 

La retenue à la source est prélevée au taux normal d'IS, soit 25%. Toutefois, ce taux est réduit à 15% en ce qui concerne les sportifs n'ayant pas d'installation professionnelle permanente.

La retenue à la source est portée à 75% pour certaines des sommes payées à des personnes domiciliées ou établies dans un Etat ou territoire non coopératif (ETNC). Dans ce cas, la retenue à la source est libératoire et n'est pas remboursable. Néanmoins, une clause de sauvegarde est prévue permettant d'écarter ce taux majoré. C'est notamment le cas lorsque le débiteur apporte la preuve que les sommes correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un ETNC.

La prise en charge de la retenue à la source par le débiteur (c.f. clauses de « gross-up ») constitue un supplément de rémunération devant être inclus dans l'assiette de la retenue à la source. Il en va de même lorsque le débiteur acquitte certains frais incombant en principe au bénéficiaire (par exemple les frais de déplacement) ou lorsque le débiteur omet de prélever la retenue à la source.

Le redevable de la retenue à la source est le débiteur de la rémunération. La retenue est opérée par ses soins, au moment du paiement de la rémunération, et versée au service des impôts de leur domicile fiscal ou du siège de leur établissement ou lorsque le débiteur n'a pas d'établissement en France auprès du service des impôts des entreprises étrangères, au plus tard le 15 du mois suivant le trimestre civil au cours duquel a eu lieu le paiement, accompagnée d'une déclaration n°2494. Le paiement peut se faire en numéraire, virement bancaire, paiement en nature ou encore en inscription en crédit d'un compte etc.

En cas de défaut de prélèvement ou d'insuffisance de retenue à la source, c'est au débiteur de la rémunération qu'est réclamée ladite retenue à la source, ainsi que les éventuelles pénalités (pénalités de droit commun, i.e. intérêt de retard et majorations).

Imputation de la retenue à la source

La retenue à la source n'est pas libératoire de l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Elle s'impute sur le montant d'impôt dû dans les conditions de droit commun :

  • elle s'impute sur l'impôt sur le revenu dû à raison de l'ensemble des revenus nets de source française perçus par le bénéficiaire relevant de l'impôt sur le revenu ;
  • elle s'impute sur l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire passible de cet impôt (i.e. société de capitaux).

Selon les dispositions de l'article 197 A du CGI, l'impôt sur le revenu ne peut être inférieur à un montant calculé, en appliquant un taux de 20% (ou 14% dans les DOM) à la fraction du revenu net imposable inférieure ou égale à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l'impôt sur le revenu et un taux de 30% (ou 20% pour les DOM) à la fraction supérieur à cette limite. Toutefois, si le contribuable justifie que le taux d'imposition calculé en fonction de l'ensemble des revenus (de source française ou étrangère) de son foyer fiscal aurait été inférieur à ces minima, alors ce taux d'imposition s'applique aux revenus de source française.

Ainsi, le bénéficiaire est personnellement redevable d'un complément par voie de rôle lorsque la retenue est inférieure au montant de l'IR.

En matière d'IR, lorsque le montant de la retenue à la source est supérieur au montant exigible, le contribuable peut demander le remboursement de l'excédent retenu.

En revanche, en matière d'IS, lorsque le montant de la retenue à la source est supérieure au montant exigible, l'excédent ne peut, en principe, être restitué. Toutefois, une restitution temporaire est possible lorsque la société bénéficiaire est en situation déficitaire, dans les conditions de l'article 235 quater du CGI ou une restitution définitive, pour la part excédant l'imposition déterminée à partir d'une base nette des charges d'acquisition et de conservation dans les conditions prévues par l'article 235 quinquies du CGI.