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Sauvons (toutes) les TPE !

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Catégorie : Actualité des métiers du chiffre
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Pour ne pas s'enfoncer dans la crise, il faut sauver toutes les entreprises possibles

La crise sanitaire que nous traversons est en train de se transformer en une crise économique d'une ampleur dont nous ne pouvons que craindre les conséquences sur notre société.

La disparition de milliers de petites entreprises conduirait à une situation désespérante. On estime que la crise de 2008 a engendré une surmortalité liée aux seuls suicides d'environ 600 personnes en France. Dans le monde, 500 000 morts sont à déplorer des conséquences de la crise de 2008. Enfin, la grave crise qu'a traversée la Grèce a considérablement fait chuter l'espérance de vie des habitants. Par rapport à 2006, les femmes grecques ont perdu 3,4 années d'espérance de vie en bonne santé et les hommes, 2,7 années. Sur la même période, la moyenne européenne progressait de 1,7 année pour les hommes et les femmes. Une crise économique engendre, même en France, de la précarité et une surmortalité.

Au-delà de la situation individuelle de ces centaines de milliers de chefs d'entreprises et de leurs salariés, les conséquences sur l'économie tout entière seront nombreuses : leur disparition entraînera une explosion des recours aux aides sociales tout en privant l'Etat des ressources budgétaires qu'elles auraient pu dégager. Pire encore, le redressement judiciaire d'ampleur de celles-ci fera peser un risque de défaillance en cascade sur de nombreuses autres entreprises tant le recours au crédit inter-entreprise est la règle en France, au détriment du recours au financement bancaire comme le pratique nos voisins. Le crédit inter-entreprise représente en effet plus de 600 milliards d'¤, 30% du PIB, contre 14% en Allemagne.

La réaction des pouvoirs publics a été massive et rapide : décalage des charges sociales et fiscales, report des échéances d'emprunt, des loyers, des factures d'eau, d'électricité et de gaz, recours à l'activité partielle avec un renforcement indispensable du dispositif. Mais la pierre angulaire du sauvetage de l'économie repose sur le Prêt Garantie par l'Etat (PGE) distribué par les banques aux entreprises.

En effet, faute de revenus pour une très grande partie des entreprises contraintes de fermer ou dans l'impossibilité matérielle de poursuivre une activité (fournisseurs et clients fermés, commandes annulés...), la mise en place d'un PGE est indispensable pour leur permettre de faire face au paiement de leurs fournisseurs, payer leurs salariés et maintenir une rémunération minimale pour leurs dirigeants exclus des dispositifs de chômage et d'activité partielle.

Du fait de nos fonctions en prise directe avec les entreprises et les experts-comptables, nous ne pouvons que constater que les entreprises en bonne santé, notées 5+ par la banque de France, et pour lesquelles l'impact économique de la crise devrait pourvoir être absorbé grâce à leur capacité historique à dégager des cash-flows positifs suffisants, ne rencontrent aucune difficulté pour obtenir ces prêts.

Malheureusement il n'en est pas de même pour les 15% d'entreprises, soit environ 400.000 TPE qui n'ont pas la culture du financement bancaire, car leur financement repose sur le crédit-fournisseur et leur niveau de résultat somme toute peu élevé ne laisse que peu de marge de man½uvre au remboursement d'un crédit.

Les banques ne sont pas responsables de cette situation et il ne faut pas les stigmatiser : un banquier ne prête que s'il a l'espérance d'être remboursé, crise ou pas. Entre le soutien abusif qui ne manquera pas d'être invoqué par certains désireux de ne pas rembourser à terme et la garantie de l'Etat accordé non pas à première demande mais en dernier recours, on peut comprendre l'attitude de prudence des banques.

Mais si nous voulons sauver les entreprises qui permettront de sauver les emplois de nos concitoyens il est essentiel que nous agissions de concert, nous experts-comptables et banquiers pour permettre au plus grand nombre d'entrepreneur d'accéder au PGE pour payer les salaires d'avril, les fournisseurs et assurer une rémunération digne aux dirigeants d'entreprise qui constituent le tissu économique de notre pays.

Nous devons encourager les entrepreneurs à souscrire au PGE et nous ne devons pas connaître une vague de refus d'octroi de ce financement.

Toutefois, si à l'aune de cette semaine cruciale d'avril, il apparaissait que le dispositif du PGE ne rencontrait pas son public, nous préconisons d'allouer automatiquement, à travers un guichet dédié, à chaque entreprise ayant essuyé un refus de sa banque, et sur la base d'une attestation d'un expert-comptable, un montant de PGE équivalent à trois mois de charges incluant la rémunération du chef d'entreprise, dans la limite d'un plafond de 20 000¤. Ce crédit serait remboursable dans les mêmes conditions que le PGE.

Même en imaginant un taux de défaillance de 30% de ces avances, l'impact pour les pouvoirs publics représenterait une perte nette de 2,4 milliards d'¤, sans communes mesures avec les conséquences qui résulteraient de la disparition de 400 000 TPE, de la mise au chômage de leurs salariés, du désarroi de leurs dirigeant, du risque de contagion sur d'autres entreprises et, surtout, des conséquences sanitaires qui en résulteraient.

Pour un redémarrage de l'économie rapide et pour ne pas s'enfoncer dans une crise trop violente, il faut sauver toutes les entreprises possibles.


Une tribune co-écrite par :

Laurent BenoudizLionel CanesiOdile DubreuilHubert Tondeur
Laurent Benoudiz
Président de l'Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France
Lionel Canesi
Président de l'Ordre des experts-comptables de PACA
Odile Dubreuil
Président de l'Ordre des experts-comptables Rhône-Alpes
Hubert Tondeur
Président de l'Ordre des experts-comptables des Hauts-de-France

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