Les scissions de sociétés : régime juridique

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Modifié le 04/06/2024
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Dans le cadre de la restructuration d'une entreprise ou d'un groupe, plusieurs opérations peuvent être envisagées. La scission d'entreprise fait partie de ces outils de restructuration. Par ailleurs, la scission permet notamment de séparer plusieurs branches d'activité afin de transmettre un patrimoine.

Qu'est ce que la scission d'une société ?

Selon l'article L 236-18 du Code de commerce, « Une société peut, par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles ». Ainsi, la scission consiste pour une société A à partager son patrimoine entre au minimum deux sociétés existantes ou créées à cet effet. La société scindée est alors dissoute sans liquidation et une augmentation de capital est réalisée dans les sociétés bénéficiaires au sein desquelles les activités sont poursuivies. Les associés ou actionnaires de la société scindée reçoivent en échange de la scission des titres des sociétés bénéficiaires.

Quelles sont les raisons d'une scission de société ?

D'une part, l'objectif des restructurations de groupe porte principalement sur la volonté d'étendre les activités d'une entreprise ou de les recentrer. Dans certains cas de figure, cela permet également de simplifier le fonctionnement du groupe. Plusieurs raisons peuvent pousser à procéder à une scission d'entreprise. L'une des principales étant d'augmenter la valeur sur le marché de la société bénéficiaire.

D'autre part, la scission est un mécanisme qui permet une transmission universelle du patrimoine, au profit de plusieurs entités.

Quelles sont les démarches d'une scission de société ?

Les modalités de mise en ½uvre d'une scission doivent respecter un certain nombre d'étapes :

  • audit préalable des sociétés concernées ;
  • rédaction d'un projet de scission ;
  • rédaction d'un rapport écrit de la direction de la société ; 
  • publication d'un avis au BODACC ;
  • désignation d'un commissaire à la scission ;
  • décision prise en assemblée générale extraordinaire ;
  • dissolution de la société scindée.

Audit préalable

Une évaluation des sociétés concernées par l'opération doit être réalisée afin de déterminer la parité d'échange. En effet, cette dernière conditionne la remise des titres en échange de l'apport effectué. Un commissaire à la scission doit alors être désigné. Il aura la charge d'évaluer les apports faits par la société scindée auprès des bénéficiaires et de déterminer l'équité de la parité d'échange.

L'article L 236-10 du Code de commerce relatif à la nomination d'un commissaire à la fusion s'applique également pour les scissions. De ce fait, en cas d'unanimité des associés des différentes sociétés, il peut ne pas être désigné de commissaire à la scission. Néanmoins, en présence d'apports en nature, il faudra avoir recours à un commissaire aux apports.

Projet de scission

Les dispositions de l'article R236-1 relatif aux fusions s'appliquent également pour les scissions. Ainsi, le projet de scission recense les informations essentielles de l'opération envisagée et doit comporter :

  • l'identité des sociétés participantes ;
  • l'objet de la scission réalisée ;
  • la nature des activités apportées et leur évaluation ;
  • la parité d'échange retenue et les modalités de remise des titres ;
  • date d'arrêté des comptes retenue pour déterminer les conditions financières de l'échange ;
  • la date de transfert des apports ;
  • montant prévu de la prime de scission.

Ce projet doit être signé par l'ensemble des représentants légaux des sociétés participantes à la scission.

Publication officielle

Dans un délai minimum de 30 jours précédant la date de tenue de l'assemblée générale extraordinaire, les associés ou actionnaires doivent procéder à la publication du projet de scission au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Chaque entreprise participant à l'opération doit réaliser cette publication. L'objectif étant de permettre un droit d'opposition des créanciers de la société qui sont ainsi informés de l'opération de restructuration prévue.

Le projet de scission sera déposé au greffe du tribunal de commerce du siège de chacune des sociétés concernées par la scission.

Tenue de l'assemblée générale extraordinaire (AGE)

Le projet de scission doit faire l'objet d'un vote en AGE en tenant compte des dispositions particulières des statuts quant à la majorité requise pour chacune des sociétés.

Dissolution

L'opération de restructuration se termine par la dissolution, sans liquidation, de la société scindée.

Quel régime fiscal pour une opération de scission ?

Il existe deux régimes fiscaux applicables aux scissions : le régime de droit commun et le régime de faveur applicable sous conditions dans le but d'encourager les restructurations d'entreprises.

Par principe, les fusions d'entreprises et opérations assimilées, dont la scission fait partie, sont soumises au régime de droit commun. Ce régime emporte une imposition immédiate des bénéfices et plus-values non encore taxées ainsi que des provisions non réintégrées. Il est également nécessaire de s'acquitter de droits d'enregistrement. En effet, la scission est assimilée à une cessation d'activité et donc toutes les conséquences s'y attachant interviennent.

Néanmoins, l'article 210 A du CGI prévoit un régime fiscal spécial pour les opérations de fusions et opérations assimilées. L'article 210 B permet d'étendre l'application de ce régime aux opérations de scission.

Le plus souvent, les sociétés ayant recours à des opérations de restructuration revendiquent l'application de ces régimes. Dans ce cas, la scission est considérée comme une opération intercalaire, l'ensemble des apports constitutifs de la scission bénéficient du régime, les plus-values ainsi que les provisions de la société scindée sont placées en report d'imposition.

Un certain nombre d'obligations sont prévues pour bénéficier du régime.

Le régime spécial des scissions (identiques à celui des fusions) est applicable si la société scindée exploite au moins deux branches complètes d'activité et que chaque société bénéficiaire reçoit une ou plusieurs branche complète d'activité.

Par ailleurs, les associés de la société scindée doivent s'engager à conserver les titres reçus pendant une durée minimale de 3 ans.

De plus, la société absorbante s'engage à reprendre dans son passif un certain nombre d'éléments. Elle s'engage notamment à réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l'apport de biens amortissables ou encore se substitue à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée etc.

Attention

Le règlement ANC n°2023-081 modifie le plan comptable général (PCG) afin de compléter le champ d'application des fusions et opérations assimilées pour intégrer deux nouvelles opérations : la fusion sans échange de titres et la scission partielle.

En mai 2024, le Conseil national de l'Ordre des experts-comptables (CNOEC) publie une note technique préparée par la commission comptable, afin de présenter les nouvelles dispositions comptables pour les fusions et opérations assimilées selon le PCG.

Cette note est accessible depuis le site privé de l'Ordre. Pour toute question portant sur cette note technique, il convient de s'adresser aux services du CNOEC.

Quelle différence entre la scission et l'apport partiel d'actifs ?

L'apport partiel d'actifs peut être assimilé à une scission partielle. En effet, l'apport partiel d'actifs consiste à apporter une branche d'activité à une entreprise existante ou nouvellement créée. Cette opération peut être soumise au régime des scissions, de manière conventionnelle.

Sauf dérogations contraires, l'apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions opère une transmission universelle de la branche d'activité (droits, biens, obligations).

En outre, la société apporteuse reste solidairement responsable avec la société bénéficiaire, au paiement des dettes transmises à cette dernière, sauf si le traité d'apport stipule expressément le contraire.

Cependant, l'entreprise apporteuse continue d'exister avec la conservation d'au moins une activité. Elle n'est donc pas amenée à disparaître puisqu'elle n'a transféré qu'une partie de son patrimoine.

En revanche, dans le cadre d'une scission, au moins 2 activités représentant l'entreprise actuelle sont transférées à au moins 2 entités existantes ou nouvelles et la société scindée est dissoute.