
Les SEL permettent aux membres de professions libérales réglementées d'exercer en commun une activité par le biais de sociétés de capitaux. Comment sont constituées les SEL, comment fonctionnent-t-elles et quel est le régime fiscal et social de ces sociétés ?
Présentation générale des SEL
Les SEL ont été instituées par la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990. Ce sont des sociétés de capitaux qui concernent les professions libérales réglementées.
L'ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementée a été instituée pour simplifier les règles juridiques relatives à l'exercice en société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. L'objet est de regrouper dans un seul et même texte les règles de ces professions libérales, qui sont reprises globalement des lois du 29 novembre 1966 et du 31 décembre 1990. L'entrée en vigueur est prévue au 1er septembre 2024. Des décrets d'application viendront préciser les modalités d'application. Les professions déjà en activité devront se conformer aux nouvelles réglementations d'ici le 31 août 2025.
Étant des sociétés de capitaux, elles peuvent prendre plusieurs formes, à savoir la SARL (SELARL : société d'exercice libéral à responsabilité limitée) y compris EURL (SELURL), la société en commandites par actions (SELCA), la société sous forme anonyme (SELAFA) ou encore la société par actions simplifiée (ou société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS)).
Il est aussi possible pour les sociétés d'avocats de prendre la forme d'une association d'avocats. En outre, les professions libérales peuvent s'exercer à travers une entreprise individuelle, une société civile professionnelle (SCP) ou encore une société civile de moyens (SCM).
La plupart des professions libérales sont réglementées, mais il existe aussi des professions libérales non réglementées comme les moniteurs de ski ou encore les maîtres d'œuvre. Ces professions peuvent être exercées par le biais d'une SCM ou d'une société en nom collectif (SNC).
Constitution et fonctionnement des SEL
Les SEL sont réservées aux professions libérales soumises à un statut législatif et règlementaire ou dont le titre est protégé.
Il existe 3 catégories de SEL :
- les professions de santé ;
- les professions juridiques et judiciaires ;
- les autres professions dites « professions techniques et du cadre de vie » (expert-comptable, commissaire aux comptes etc, géomètre etc.).
Il est aussi possible qu'au sein d'une même SEL soit exercée plusieurs professions libérales différentes, les sociétés pluri-professionnelles d'exercice (SPE).
En outre, une SEL peut être constituée par la transformation d'une société préexistante ou l'apport en société d'une activité libérale individuelle.
En pratique, le gouvernement a été habilité pour publier un décret d'application dans le cadre de la création des SEL de nombreuses professions, telles que les avocats, les commissaires aux comptes, les médecins, les professions paramédicales etc. Pour cette raison, il est possible qu'il existe des particularismes propres à chaque profession, que ce soit dans les conditions de constitution ou le fonctionnement.
De manière générale, ces sociétés sont soumises au droit commun même s'il existe des particularismes. Ainsi, le nombre d'associés minimum dépend de la forme de la société.
De même, elles sont soumises aux règles de droit commun concernant la constitution du capital social. Ainsi, il n'existe pas de minimum requis pour constituer une SEL sauf pour la SELAFA et la SELCA, le minimum étant de 37 000€.
Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue directement ou parfois indirectement par des professionnels en exercice au sein de la société. Le reste peut être détenu par d'anciens professionnels ou les ayant droits, ou encore par des personnes exerçant une profession de la même famille ou des sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL). Par ailleurs, toute personne établie dans l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ou en Suisse peut détenir des parts d'un SEL, à condition qu'il existe une profession réglementée correspondant à la société.
S'agissant des associés, trois hypothèses sont possibles :
- les associés exerçant au sein de la société ;
- les associés extérieurs à la société ;
- les associés tiers non professionnels ;
Les professionnels exerçant au sein de ce type de société doivent être des personnes physiques, ayant la qualité pour exercer la profession et exerçant effectivement la profession concernée. Le critère de la qualification est notamment rempli lorsque le professionnel est inscrit au tableau de l'ordre de sa profession ou sur la liste professionnelle prévue par la réglementation.
Par ailleurs, ils doivent être associés de la société, que ce soit directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une SPFPL et détenir plus de la moitié du capital social.
S'agissant des associés extérieurs à la société, il est possible que du capital soit détenu par un professionnel libéral ou une société de participation financière des professions libérales (SPFPL).
Les associés tiers non professionnels peuvent détenir au plus un quart du capital social en principe. Les décrets relatifs déterminent la détention possible pour ces associés. De plus, il existe une exception concernant les SEL juridique ou judiciaire où la participation des associés tiers non professionnels est déterminée par les statuts, dans la limite de 50%.
Les dirigeants de ces sociétés doivent être des associés exerçant au sein de ladite société.
Quant au régime des cessions de titres de SEL, elles bénéficient de règles renforcées. Ainsi, la cession de parts sociales d'une SELARL à des tiers doit faire l'objet d'un agrément de la part des associés exerçant leur activité libérale au sein de la société à hauteur, la majorité devant atteindre les 3/4. De même, la majorité des 2/3 des associés exerçant leur profession au sein de la SELAS est requise.
Le régime fiscal et social des SEL
En principe, elles sont soumises à l'IS dans la catégorie des BIC, dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire au taux réduit de 15% dans la limite de 42 150€ et de 25% pour l'excédent.
L'EURL à associé unique personne physique est soumise au régime des sociétés de personnes, donc imposable à l'IR, mais il est possible d'exercer l'option pour l'IS, qui entraîne notamment les conséquences d'une cessation d'activité, au niveau fiscal.
Les rémunérations des dirigeants sont soumises à l'IR dans la catégorie des traitements et salaires, sauf pour les gérants majoritaires de SELARL qui sont imposés sous le régime de l'article 62 du CGI (rémunérations de certains dirigeants).
Sur ce point, le régime fiscal des rémunérations fait l'objet de réformes. Il est prévu que ces rémunérations soient imposées dans la catégorie des BNC. Toutefois en raison des difficultés d'applications, les SEL qui ne sont pas en mesure de se conformer à ces règles au 1er janvier 2023 peuvent continuer à déclarer ces rémunérations dans la catégorie des traitements et salaires ou sous le régime de l'article 62 pour les associés gérants majoritaires, et ce jusqu'au 31 décembre 2023.
Dans le cas d'une SELURL, le dirigeant associé unique est imposé dans la catégorie des BNC, sauf option pour l'IS (traitement et salaire).
Concernant les distributions (dividendes, compte courant et les sommes du conjoint ou partenaire), elles sont soumises aux cotisations sociales lorsque les distributions dépassent 10% du capital social, des primes d'émissions et des sommes versées en compte courant.
D'après un arrêt de la Cour de cassation du 19 octobre 2023, l'article L. 131-6, III, du Code de la Sécurité sociale, modifié par les lois de 2012 et 2016, précise que les bénéfices d'une SEL, où travaille un indépendant, sont considérés comme le produit de son activité professionnelle.
Ces bénéfices doivent donc être intégrés dans l'assiette des cotisations de Sécurité sociale dues par ce travailleur, même s'ils sont reversés à la société de participations financières de profession libérale (SPFPL) détenant le capital de la SEL (Cour de cassation, 19 octobre 2023, n°21-20.366).
À la suite notamment d'une alerte de l'UNAPL et dans le cadre des travaux du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, le Gouvernement a déposé le 25 octobre 2023 un amendement (n°3313) afin de réformer les assiettes des cotisations et contributions de Sécurité sociale des travailleurs indépendants, afin de renforcer l'équité de leurs prélèvements sociaux avec les salariés et d'augmenter leurs droits retraite.
La réforme (nouvelle rédaction de l'article 136-3 du CSS) consiste à calculer l'ensemble des cotisations et contributions sociales sur une assiette unique et simplifiée. L'assiette serait ainsi constituée à partir d'un revenu correspondant au chiffre d'affaires après déduction des charges professionnelles hors cotisations et contributions sociales, abattu d'un taux fixe représentatif d'une partie des cotisations et contributions.
Cette réforme s'appliquerait aux cotisations et contributions versées à compter de 2026.
Le texte a été adopté en première lecture à l'assemblée nationale le 30 octobre 2023.
Enfin, dans le cadre de la constitution d'une SEL par le biais d'une transformation d'une société préexistante, cette opération peut entraîner un changement de régime fiscal impliquant les conséquences de la cessation d'entreprise, telle que la fin des plus-values latentes. Toutefois, les bénéfices en sursis et les plus-values latentes ne font pas l'objet d'une imposition immédiate lorsque les valeurs d'inscription des éléments d'actifs ne sont pas modifiées.
Lorsqu'une SEL est constituée par l'apport d'une activité individuelle libérale, cela entraîne une cessation d'activité et les conséquences fiscales afférentes, notamment l'imposition des bénéfices non encore taxées. Toutefois, l'apport d'une entreprise individuelle peut bénéficier de dispositions fiscales tels que l'exonération des plus-values professionnelles (article 151 septies et 238 quindecies du CGI), un report d'imposition (article 151 octies B du CGI).
Les cessions de parts de SEL suivent le régime des plus-values des particuliers (article 150-0 A du CGI) ou le régime des plus-values professionnelles lorsqu'il s'agit d'une SELURL (151 nonies du CGI). Cela implique en principe l'expiration des reports d'imposition, même s'il est possible dans certains dispositifs que le report ne soit pas déchu, par exemple lors de l'apport des titres d'une SEL à une SPFPL.
Quant à la TVA, les SEL sont soumises à la TVA quelque soit l'activité exercée (par exemple les médecins qui sont par principe des activités exonérées de TVA) dès lors qu'elles fournissent une prestation de service à titre onéreux. La franchise en base de TVA peut s'appliquer lorsque le chiffre d'affaires en matière de prestations de services ne dépassent pas un certain seuil.
Enfin, les SEL sont par principe soumises à la contribution économique territoriale (CET).
Quant au régime social, le statut d'assimilé salarié s'applique aux dirigeants de SELAFA, de SELAS et aux gérants minoritaires de SELARL.
Inversement, c'est le régime des travailleurs non salariés (TNS) qui s'appliquent pour les gérants majoritaires de SELARL, aux gérants des SELURL et aux SELCA.