
La Conférence sur la transposition de la directive CSRD organisée par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C)[1] a permis de dévoiler les modalités de transposition de la directive européenne qui figurent dans le texte transmis au Conseil d'État.
Sous réserve de la publication des textes de transposition, les intervenants sont notamment revenus sur le rôle des futurs acteurs de la certification des informations de durabilité et les règles qui leur seront applicables.
Rappel : qu'est-ce que la CSRD ?
La directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) oblige certaines entreprises à publier régulièrement des données sur leur impact sociétal et environnemental. Ce texte européen doit faire l'objet d'une transposition en droit français, avec une entrée en vigueur progressive :
- publication en 2025 (sur l'exercice 2024) : émetteurs, établissements de crédit et organismes d'assurance de plus de 500 salariés ;
- publication en 2026 (sur l'exercice 2025) : toutes les grandes entreprises et les entreprises mères d'un grand groupe ;
- publication en 2029 (sur l'exercice 2028) : PME cotées et groupes extra-UE.
Pour en savoir plus voir notre article, « Audit de durabilité : à quoi faut-il s'attendre avec l'entrée en vigueur de la CSRD ? ».
CAC, PSAI ou OTI... les acteurs de l'audit de durabilité
Qui prendra le marché de la certification des informations de durabilité ? L'enjeu économique est important, et les modalités de transposition de la directive étaient très attendues sur ce point.
Deux types d'acteurs pourront proposer cette mission :
- les commissaires aux comptes, sous conditions (voir plus bas) ;
- les prestataires de services d'assurance indépendante (PSAI), qui devraient être désignés par la dénomination bien connue d'« organismes tiers indépendants » (OTI) dans le droit français.
Concrètement, ces OTI pourront être des spécialistes de la certification, comme les membres de Filiance[2], mais aussi des avocats ou des experts comptables par exemple.
Si certains voient ici une nouvelle forme de concurrence pour les cabinets d'audit, d'autres jouent déjà la carte de la complémentarité, comme l'illustre le partenariat signé récemment entre la Fédération des cabinets intermédiaires (FCI) et Filiance (voir notre article : « Reporting de durabilité : un partenariat innovant associe CAC et professionnels de la certification »).
Les commissaires aux comptes qui réalisent des missions de durabilité devront-ils changer de nom ?
Si le terme « CAC vert » a parfois été employé, par simplification, lors de cette conférence, aucun changement officiel n'est prévu à l'occasion de la transposition de la directive. Les commissaires aux comptes conserveront donc ce titre lors de l'exercice de missions liées aux informations de durabilité.
Les commissaires aux comptes devront suivre une formation de 90 heures... à condition de se positionner avant 2026
Afin de garantir la qualité des travaux de certification, les commissaires aux comptes désireux de réaliser ce type de mission devront respecter certaines conditions :
- être inscrit sur une liste spécifique aux missions de durabilité, tenue par la Haute autorité de l'audit (H2A)[3] ;
- réussir une épreuve écrite spécifique ;
- accomplir un stage de 8 mois chez un professionnel habilité à exercer ce type de mission.
Toutefois, un régime transitoire (« clause du grand-père ») est prévu pour tous les commissaires aux comptes inscrits avant le 1er janvier 2026. Ces professionnels seront dispensés du stage obligatoire et de l'épreuve de durabilité, et se contenter de suivre une formation dans le domaine de la durabilité.
Cette formation, d'une durée de 90 heures, devra être homologuée par le H2A. L'homologation des formations pourra avoir un effet rétroactif. « Cette homologation est en cours pour être prête le plus tôt possible. [...] L'inscription sur la nouvelle liste sera possible via notre portail au plus tôt en 2024 », selon Eric Baudrier, directeur général du H3C.
Précision importante, ces 90 heures seront imputables sur les 120 heures de formation obligatoire du commissaire aux comptes selon Pierre Rohfritsch, chef du bureau du droit des sociétés et de l'audit à la DACS. Par ailleurs, des modalités d'imputation particulières devraient être prévues pour les professionnels qui conçoivent et animent des formations sur ce sujet.
Procédure d'accréditation obligatoire pour les OTI
Pour pouvoir exercer des missions de certification de durabilité, les OTI devront quant à eux être accrédités par le COFRAC. L'accréditation se fera au niveau de la personne morale, mais les personnes physiques qui réaliseront la mission devront respecter des conditions identiques à celles des commissaires aux comptes : 90 heures de formation en régime transitoire, ou stage obligatoire et épreuve écrite au-delà. Elles devront également être inscrites sur la liste tenue par le H2A.
Les OTI/PSAI seront donc à la fois contrôlés par le COFRAC pour l'accréditation et par la H2A pour leur activité. Cependant, « il n'y aurait pas de sens à ce que la H2A refasse ce qu'a déjà fait le COFRAC, ou inversement », selon Eric Baudrier, qui souligne l'importance de la coordination entre ces deux entités.
Les experts-comptables, des OTI comme les autres
Du côté des experts-comptables, la situation est claire, comme le rappelait la présidente du H3C :
« Le statut de PSAI est ouvert aux experts-comptables comme à toute personne remplissant les conditions de l'accréditation COFRAC. Cependant, pour réaliser des missions d'assurance en matière d'informations de durabilité, ils doivent obtenir une accréditation COFRAC. Ce n'est pas négligeable, car la norme d'accréditation ISO 17029 est exigeante. [...] Les experts-comptables qui feraient ce choix et obtiendraient l'accréditation COFRAC se trouveraient ensuite sous la supervision du régulateur que je représente », Florence Peybernès, présidente du H3C.
[1] Conférence « Transposition de la directive CSRD » qui s'est tenue le 20 septembre 2023 à la Maison de la Chimie, à Paris.
[2] Filiance représente les leaders mondiaux du secteur du Testing, Inspection, Certification (TIC) tels que Afnor Certification, Apave, Bureau Veritas, Dekra, Qualiconsult, SGS, Socotec.
[3] Le H3C devrait en effet être renommé Haute autorité de l'audit (H2A) pour tenir compte de l'extension de son périmètre aux missions de certification des informations de durabilité.