Communément appelé « travail au noir », le travail dissimulé constitue l'une des formes du travail illégal.
Lourdement sanctionné, ce délit représente un enjeu majeur pour les organismes et agents mandatés à cet effet.
Que recouvre le travail dissimulé ? Comment est-il sanctionné ?
Qu'est-ce que le travail dissimulé ?
Le Code du travail définit le travail dissimulé comme la « dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations » :
- n'a pas demandé son immatriculation (au registre du commerce et des sociétés, par exemple) lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après un refus d'immatriculation ou une radiation ;
- n'a pas procédé aux déclarations obligatoires auprès des organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale (dissimulation d'une partie du chiffre d'affaires, poursuite d'activité après radiation de l'organisme de protection sociale, etc.) ;
- exerce ses activités de manière pérenne en France et continue de se prévaloir des dispositions relatives aux salariés détachés.
Le Code du travail précise également que le travail dissimulé se définit par :
- l'absence intentionnelle de déclaration préalable à l'embauche auprès de l'URSSAF ;
- le fait de ne pas délivrer de bulletin de paie ou un document équivalent, ou d'y mentionner un nombre d'heures de travail inférieur à celui accompli ;
- l'absence de déclarations sociales ou relatives aux salaires.
Ce délit recouvre, ainsi, deux situations :
- une dissimulation totale ou partielle d'activité ;
- une dissimulation partielle ou totale d'emploi salarié.
Qu'est-ce qu'une situation de travail dissimulée ?
Le travail dissimulé désigne une situation de travail cachée. Un travail a été effectué mais sa nature n'est pas totalement révélée. Soit c'est l'activité professionnelle elle-même qui est (au moins en partie) camouflée (ex : avoir pour activité l'achat et la revente de produits sans se déclarer comme commerçant), soit c'est l'emploi d'un salarié qui est nié (déclaration d'embauche non faite) ou minimisé (heures de travail effectif non rémunérées).
Constituent également ce délit, les faux statuts tels que les faux travailleurs indépendants, les faux stagiaires, etc.
De manière plus large, ces situations peuvent également donner lieu à condamnation pour travail dissimulé :
- toutes les formes de publicité, en connaissance de cause, tendant à favoriser ce délit ;
- et le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé (cette situation se retrouve dans le cadre de relations entre une société et son sous traitant, par exemple).
Quelles sont les sanctions du travail dissimulé ?
Le délit de travail dissimulé figure aussi bien dans le Code du travail que le Code pénal.
Le Code du travail compte le travail dissimulé parmi les formes de travail illégal (tel que le prêt de main d'½uvre illicite ou le marchandage, par exemple).
Ce délit est passible de différentes sanctions : civiles, pénales et administratives.
Sur le plan civil, outre les possibilités de redressement de cotisations, la sanction principale, pour l'employeur, est le versement au salarié dont le contrat de travail a été rompu, d'une indemnité forfaitaire au moins égale à 6 mois de salaire.
Cette indemnité peut se cumuler avec la plupart des indemnités dues en cas de rupture du contrat de travail (indemnités de préavis, de congés payés, de licenciement irrégulier et abusif, etc.). Elle n'est pas soumise à cotisations.
Par ailleurs, l'action en justice afin d'obtenir le paiement de cette indemnité se prescrit par 2 ans à dater de la connaissance des faits. Toutefois, cette prescription peut être interrompue si la demande d'indemnité, considérée comme nouvelle, poursuit le même but qu'une demande initiale (par exemple, la demande de nullité d'une convention de forfait-jours pour manquement de l'employeur à ses obligations en matière de droit au repos). Dans ce cas, la prescription de la nouvelle demande est interrompue par la demande initiale (Cass. soc., 10 juillet 2024, n°22-20.049).
En matière pénale, le travail dissimulé est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45 000¤ d'amende.
L'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000¤ d'amende.
Lorsque les faits sont commis à l'égard de plusieurs personnes ou d'une personne dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, les peines sont de 5 ans. Si ce délit est commis en bande organisée, la peine est portée à 10 ans d'emprisonnement et 100 000¤ d'amende.
Pour les personnes morales, le travail dissimulé est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 225 000¤.
Des sanctions administratives (peines complémentaires) peuvent s'ajouter, entre autres :
- l'interdiction pendant 5 ans, de bénéficier de certaines aides publiques ainsi que l'obligation de rembourser les aides publiques qui ont été octroyées au cours de 12 mois précédant l'établissement du procès-verbal ;
- l'interdiction pendant 5 ans d'exercer l'activité directement ou par personne interposée ;
- la fermeture administrative pendant 3 mois de l'établissement ;
- la dissolution de l'entreprise, si la personne morale a été créée pour commettre les faits.
Peuvent être sanctionnés l'auteur du délit mais également ceux qui en ont profité en connaissance de cause ou ont contribué à sa réalisation.
Quant au salarié, il ne peut être poursuivi pour travail dissimulé. Toutefois, si le salarié a accepté, en connaissance de cause, de travailler de ces conditions, l'information est portée à la connaissance des organismes de protection sociale.
Ces derniers peuvent alors prendre, à l'encontre du salarié concerné, des sanctions spécifiquement prévues par leur propre réglementation.
Il s'expose également à la pénalité financière prévue par le Code de la Sécurité sociale.
Qui est responsable en cas de travail dissimulé ?
Peuvent être déclarés responsables de travail dissimulé : l'auteur (ou son complice) qui dissimule son activité professionnelle, l'employeur (personne physique ou morale avec, le cas échéant, une responsabilité solidaire du groupe ou des dirigeants) qui dissimule celle de ses salariés, ou encore le sous-traitant auteur de la dissimulation et, le cas échéant, le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage.
En revanche, aucune poursuite pour travail dissimulé ne peut être engagée à l'encontre du salarié.
Qui contrôle le travail dissimulé ?
Le travail dissimulé est recherché et constaté par les agents de contrôle suivants :
- les agents de contrôle de l'inspection du travail ;
- les officiers et agents de police judiciaire ;
- les agents des impôts et des douanes ;
- les agents des organismes de Sécurité sociale et des caisses de Mutualité sociale agricole ;
- les administrateurs des affaires maritimes et de manière plus large, les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle ;
- les fonctionnaires des corps techniques de l'aviation civile ;
- les fonctionnaires ou agents de l'État chargés du contrôle des transports terrestres ;
- les agents de l'institution chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés à cet effet ;
- les agents du Conseil national des activités privées de sécurité.
Ils interviennent dans les conditions précisées notamment par le Code du travail.
Dans le cadre de leur contrôle, ils peuvent obtenir communication de tout document comptable ou professionnel ainsi que tout autre élément d'information propre à faciliter l'accomplissement de leur mission, selon les modalités prévues par le code du travail. Ils peuvent également en prendre copie immédiate, par tout moyen et sur tout support.
L'URSSAF entend accentuer cet été sa lutte contre le travail au noir, avec une intensification des contrôles dans les entreprises, notamment dans les secteurs sensibles comme la restauration. Les inspecteurs multiplient les visites inopinées, vérifient les contrats, croisent les données sociales, fiscales et judiciaires, et s'appuient désormais sur des outils d'intelligence artificielle pour détecter les fraudes.
Ce recours accru au data mining permet d'identifier plus rapidement les schémas suspects, en particulier dans les cas de fraudes organisées.
Selon l'URSSAF, 25 000 vérifications supplémentaires ont pu être réalisées grâce à ces technologies. Le renforcement des contrôles s'inscrit dans une stratégie globale de lutte contre le travail dissimulé, dont les redressements ont été multipliés par quatre en 10 ans. L'objectif affiché est d'atteindre 5,5 milliards d'¤ de redressements d'ici 2027 (Capital.fr, 7 juillet 2025).