Bulletin de paie : quelle est sa valeur juridique ?

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Modifié le 18/06/2024
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Le bulletin de paie est un document obligatoire remis au salarié au moment du paiement du salaire. Son contenu est strictement encadré par le Code du travail.

La loi de simplification de la vie économique, qui devrait être promulguée prochainement, aura un impact sur le bulletin de paie.

En effet, l'objectif de cette loi est de simplifier les démarches et la vie des entreprises. Elle prévoit notamment la simplification des bulletins de paie pour permettre plus de lisibilité pour les salariés (avec un nombre cible de 15 lignes au lieu de 55 actuellement au plus).

À partir de 2027, l'employeur devra transmettre au salarié un bulletin de salaire allégé de certaines mentions (détail des prélèvements sociaux), qui seront mises à sa disposition de façon dématérialisée. Un décret déterminera les mentions obligatoires sur le bulletin de paie lui-même et les informations qui pourront figurer à part.

À titre informatif, le Sénat a achevé l'examen en séance publique du projet de loi le 5 juin 2024. À la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024, les travaux du Sénat ont été suspendus le 10 juin 2024. En conséquence, le vote solennel du projet a été ajourné.

Un arrêté du 25 juin 2024 met à jour l'arrêté du 25 février 2016 qui fixe les informations sur les bulletins de paie, pour préciser que le « Montant net social » correspond à une valeur définie dans le Code du travail.

De plus, la possibilité d'utiliser le modèle de bulletin de paie « adapté » prévue par l'arrêté du 31 janvier 2023 est prolongée d'un an, jusqu'au 1er janvier 2026.

Le bulletin de paie, à travers ses mentions obligatoires, constitue un moyen de preuve des conditions d'exécution du contrat de travail qui, cependant, n'est pas absolu.

Le salarié a en effet toujours la possibilité de contester son contenu et de réclamer des compléments de salaire ou un autre statut que celui résultant des informations du bulletin de paie. Sous certaines conditions, la contestation du bulletin de paie est aussi ouverte à l'employeur, par exemple en cas de trop-perçu.

La remise du bulletin de paie : une obligation légale

Le bulletin de paie est remis au salarié au moment du paiement de son salaire, en main propre ou par voie postale.

L'employeur peut aussi recourir au bulletin de paie dématérialisé (sauf si le salarié s'y oppose). Afin de conserver la valeur juridique du bulletin de paie numérique, il est alors recommandé de mettre en place un coffre-fort numérique pour assurer la sécurité des données personnelles.

L'absence de remise ou la remise tardive du bulletin de paie expose l'employeur à des sanctions civiles et pénales.

Comment la loi définit-elle le bulletin de paie ?

Le bulletin de salaire est une pièce justificative des conditions d'emploi du salarié qui contient des mentions obligatoires (intitulé du poste, classification, rémunération, heures travaillées, convention collective...).

Certaines mentions sont interdites (exercice du droit de grève, activité de représentation des salariés).

Quelle est la portée de la remise du bulletin de paie ?

Le bulletin de paie permet au salarié de faire valoir ses droits auprès de l'employeur (rémunération, convention collective applicable...) et des organismes sociaux (Sécurité sociale, caisses de retraite...).

Il doit donc être conservé par le salarié sans limitation de durée jusqu'à la date de liquidation de la retraite.

L'employeur garantit la disponibilité des bulletins de paie numériques pendant au moins 50 ans ou jusqu'à l'âge de départ en retraite de l'employé + 6 ans.

Le bulletin de paie vaut-il contrat de travail ?

Depuis le 1er novembre 2023, l'employeur doit remettre au salarié un document écrit contenant des informations transparentes sur les éléments essentiels de la relation de travail.

Attention

Les modèles de documents sont désormais annexés à un arrêté du 3 juin 2024. Il s'agit du :

  • document unique regroupant les 14 informations principales sur la relation de travail délivrées au salarié ;
  • document regroupant les 8 informations principales sur la relation de travail délivrées au salarié sous 7 jours ;
  • document regroupant les 6 informations principales sur la relation de travail délivrées au salarié sous 30 jours ;
  • document regroupant les informations principales sur la relation de travail délivrées au salarié appelé à travailler à l'étranger ;
  • document regroupant les informations principales sur la relation de travail délivrées au salarié détaché.

Les employeurs doivent personnaliser ces modèles selon les situations individuelles.

Le bulletin de paie ne peut donc plus à lui seul faire office de contrat de travail comme cela pouvait être le cas auparavant pour les salariés en CDI à temps plein qui n'avaient pas signé de contrat.

Le bulletin de paie est-il suffisant pour preuve du paiement du salaire ?

L'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le salarié ne vaut pas renonciation à ses droits. Le salarié peut toujours réclamer des sommes qui ne figurent pas sur le bulletin de salaire mais qui lui sont dues ou des sommes indiquées sur le bulletin de paie qui ne lui ont pas été réglées.

Le bulletin de paie est-il confidentiel ?

Le juge peut contraindre un employeur à communiquer les bulletins de paie de plusieurs salariés (exemple : démonstration d'une inégalité de traitement).

L'employeur devra alors occulter les données personnelles des salariés (exemples : numéro de Sécurité sociale, adresse).

Contestation du bulletin de paie



Quel est le délai pour contester une fiche de paie ?

Les actions en paiement du salaire s'exercent dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le salarié ou l'employeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer cette action (c'est-à-dire la remise du bulletin de salaire). Elles peuvent porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de cette même date ou, en cas de rupture du contrat de travail, au titre des 3 années précédant la rupture du contrat (C. trav., art. L. 3245-1).

La saisine du conseil de prud'hommes interrompt la prescription.

Quels recours pour l'employeur en cas d'erreur sur le bulletin de paie ?

L'employeur peut demander à un salarié de restituer un trop-perçu au titre d'une somme versée par erreur. Attention, la retenue sur salaire ne peut pas être supérieure à 10% du salaire net du mois concerné.

Quelle que soit l'erreur constatée (rémunération, ancienneté, convention collective, congés payés, qualification...), l'employeur doit agir le plus rapidement possible pour corriger l'erreur car les mentions du bulletin de paie peuvent être créatrices de droits pour le salarié au bout d'un certain temps (exemple : il a été jugé qu'un employeur ne pouvait supprimer une prime versée par erreur pendant plusieurs années, cette prime ayant été contractualisée).