Face à l'abandon par l'État d'un Portail Public de Facturation (PPF) gratuit, l'Ordre des experts-comptables, par la voix de sa présidente Cécile de Saint Michel et de Boris Sauvage, vice-président en charge des études numériques, annonce la mise en place d'une plateforme de facturation électronique gratuite destinée aux TPE-PME et micro-entreprises.
Dans cette interview, les représentants de l'Ordre détaillent le projet, ses objectifs et les motivations qui sous-tendent cette initiative.
Dans le communiqué de presse, vous mentionnez une « plateforme gratuite de facturation ». Peut-on parler d'une véritable alternative au PPF de la DGFiP ?
Cécile de Saint Michel : En effet, notre objectif est de proposer une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) gratuite, une alternative directe au PPF que l'État avait initialement envisagé mais finalement abandonné. Notre plateforme vise à offrir un service de base pour les TPE-PME et les micro-entreprises, afin qu'elles puissent répondre aux exigences de facturation électronique sans supporter des coûts supplémentaires.
Boris Sauvage : Initialement, le PPF devait remplir trois fonctions : annuaire, concentrateur et PDP gratuite. C'est cette dernière fonctionnalité, désormais abandonnée, que nous souhaitons compenser.
L'enjeu est de permettre aux petites structures et micro-entrepreneurs, souvent sans accompagnement comptable, d'accéder à une solution viable et gratuite. Ils doivent désormais trouver des alternatives, et beaucoup sont préoccupés par le coût des solutions privées.
Qu'en est-il de l'impact potentiel de cette plateforme gratuite sur les autres PDP du marché ?
Cécile de Saint Michel : La fonctionnalité de cette plateforme sera volontairement limitée, en ligne avec l'idée initiale du PPF. Il s'agit d'un service minimum qui n'aura pas vocation à concurrencer les PDP commerciales, mais simplement à garantir que chaque entreprise, même sans moyens conséquents, puisse se conformer à la réforme.
Boris Sauvage : Il y a un respect du marché en place, cette initiative est pensée comme un socle minimal, sans outils complémentaires ou fonctionnalités avancées. Les autres PDP continueront de proposer des services plus élaborés. Notre plateforme sera proche de la version initiale que l'État souhaitait pour le PPF.
Selon vous, comment les autres acteurs de la profession réagiront-ils face à cette initiative ?
Cécile de Saint Michel : Ceux qui se sont déjà investis dans des solutions PDP ne devraient pas se sentir en concurrence avec cette plateforme. Elle vise principalement les entreprises sans ressources pour investir dans une solution payante, et cela n'interfère pas avec les offres à forte valeur ajoutée que proposent les partenaires de notre profession.
Cette plateforme sera-t-elle prête pour septembre 2026 ?
Boris Sauvage : Absolument. Nous travaillons pour être prêts en 2026. Cette plateforme gratuite doit remplir le rôle initialement envisagé par le PPF, sans perturber le marché. Nous sommes alignés avec le calendrier fixé, pour permettre aux entreprises de s'adapter dans les délais requis.
Nous avons déjà les bases nécessaires grâce aux investissements réalisés dans la PDP proposée par ECMA (jefacture.com). Le développement de cette version simplifiée représente un coût marginal. Nous prévoyons donc un déploiement dans les temps, sans impact financier majeur pour l'Ordre.
Cette initiative s'adresse-t-elle uniquement aux petites structures ou également aux grandes entreprises ?
Cécile de Saint Michel : Nous ciblons les petites entreprises qui n'ont souvent pas les moyens ou les ressources humaines pour adopter une solution payante. Les grandes entreprises ont des besoins plus complexes et un accompagnement dédié, ce service n'est donc pas pour elles.
Pensez-vous que les prochaines élections au sein de l'Ordre pourraient influencer ce projet ?
Cécile de Saint Michel : Non, ce projet relève de notre mission citoyenne et de l'engagement de l'Ordre envers la société. Quelle que soit l'issue des élections, je pense que ce projet continuera car il répond à un besoin essentiel pour une partie vulnérable de notre tissu économique.
Boris Sauvage : Nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec la DGFiP, qui soutient pleinement cette initiative. Nous sommes convaincus que ce projet incarne le rôle citoyen de l'Ordre, de manière non concurrentielle mais utile pour toutes les entreprises concernées.
Un dernier mot pour nos lecteurs sur ce projet ?
Cécile de Saint Michel : Nous voulons insister sur le fait que cette plateforme n'a pas vocation à être une solution avancée, mais uniquement à éviter que des entreprises soient exclues de la réforme. L'objet de cet outil est de ne laisser personne sur le bord du chemin. Cela fait aussi partie de notre mission.
Boris Sauvage : Exactement, c'est un service qui permettra aux petites entreprises de se conformer aux exigences légales, sans gain financier ou commercial pour l'Ordre. Nous croyons en cette réforme, et ce projet s'inscrit dans notre engagement à en assurer le succès, en toute neutralité.
Lire le communiqué de presse : « Facture électronique : l'Ordre des experts-comptables annonce la création d'une plateforme gratuite et accessible à toutes les entreprises »
Maxime Navarrete
Responsable de l'actualité professionnelle de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Après 8 ans en tant qu'éditeur juridique puis rédacteur en chef de Lexis 360 experts-comptables chez LexisNexis, je rejoins l'équipe Compta Online en octobre 2021.
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