Ces dernières semaines, plusieurs rumeurs et une brève du journal Challenges ont relancé l'idée que la réforme de la facture électronique pourrait être purement et simplement abandonnée par le Gouvernement, créant un certain émoi dans la profession comptable.
A l'occasion d'un entretien avec les équipes de Qonto publié le 14 juin 2024, Cyrille Sautereau, président du Forum national de la facture électronique (FNFE-MPE), a donné un éclairage factuel mais rassurant sur les étapes en cours et à venir. Retour sur les principaux points de cette interview.
Pas d'annulation en vue, malgré une situation politique instable
Interrogé sur un possible report voire une annulation de la réforme, Cyrille Sautereau reconnaît que des retards pourraient survenir en fonction des élections législatives à venir. Cependant, il souligne que l'objectif de la réforme, qui est de réduire à la fraude à la TVA, restera sans doute une priorité quel que soit le gouvernement.
Selon lui, l'écosystème étant prêt et les travaux bien avancés, un éventuel décalage ne signifierait pas un abandon de la réforme. Cyrille Sautereau insiste en effet sur la poursuite active des travaux de préparation et de mise en ½uvre de la réforme, et notamment sur les efforts de co-construction des acteurs privés avec l'administration fiscale.
Spécifications externes, annuaire centralisé... le rythme des avancées techniques ne faiblit pas
Au-delà des échéances réglementaires, Cyrille Sautereau confirme que l'administration continue à avancer sur les aspects techniques de la réforme. Elle maintient en particulier l'objectif de publication des nouvelles spécifications externes « avant l'été », très probablement pour le 19 juin 2024.
Tout en restant prudent (« tout ce qui est confirmé peut être infirmé »), le président de la FNFE-MPE confirme par ailleurs que l'administration vise la publication de l'annuaire centralisé avant la fin de l'année 2024. Cet annuaire est en effet essentiel pour l'interopérabilité des systèmes de facturation et l'échange entre plateformes de dématérialisation partenaires (PDP). La phase pilote, qui devrait être lancée prochainement, devrait notamment permettre de vérifier que les systèmes sont prêts et fonctionnels avant la mise en ½uvre complète de la réforme.
Le calendrier de la facture électronique en résumé
- fin 2024 : les PDP et les opérateurs de dématérialisation (OD) devraient être opérationnels et prêts à échanger des factures de manière interopérée ;
- 2025 : démarrage des flux de facturation électronique et mise en place d'un pilote, sans doute au 4e trimestre 2025, avant tout pour valider les échanges avec le Portail public de facturation (PPF) ;
- 1er septembre 2026 : entrée en vigueur de la réforme avec l'obligation pour les grandes entreprises et les ETI d'émettre des factures électroniques et de réaliser leur e-reporting, et une obligation de réception pour toutes les entreprises dans le champ ;
- 1er septembre 2027 : entrée des TPE/PME dans la réforme en émission.
Quelles recommandations pour les experts-comptables ?
Les experts-comptables jouent un rôle crucial dans l'accompagnement des entreprises, en particulier des TPE/PME, dans cette transition. Cyrille Sautereau formule plusieurs recommandations pour les aider à préparer leurs clients à la réforme :
- anticiper dès 2025, avec l'arrivée massive sur le marché d'offres et de solutions de factures électroniques ;
- connecter les systèmes d'information de leurs clients, pour qu'ils soient compatibles avec la future architecture de la facture électronique ;
- repenser leur métier, pour tirer les avantages de l'automatisation à venir, en apportant de nouveaux services, liés à l'accompagnement et à l'analyse de données.
On notera par ailleurs qu'au cours de cet entretien avec Qonto, Cyrille Sautereau a insisté sur le défi posé par l'obligation de e-reporting. Selon le président de la FNFE-MPE, les entreprises doivent d'ores et déjà réfléchir à une méthode d'extraction des données nécessaires, qu'il s'agisse de factures internationales ou de transactions avec des particuliers. Les experts-comptables sont donc incités à vérifier les procédures permettant de centraliser et de déclarer ces données dans les délais.
Indépendamment du calendrier de la réforme, un écosystème qui se prépare
Que la réforme soit ou non reportée, l'écosystème se prépare. En effet, conscients de l'importance de la numérisation des flux et soucieux de rentabiliser leurs investissements, les acteurs privés de la facture électronique continuent à avancer de leur côté. C'est notamment le cas avec l'intérêt porté à Peppol, un réseau international d'échange de factures électroniques.
La création d'une autorité Peppol en France est donc jugée essentielle par Cyrille Sautereau. Cette autorité aurait pour rôle de réguler les échanges de factures électroniques et de garantir que les normes et pratiques soient alignées avec les besoins des entreprises. Dans le cas où l'administration ne se positionnerait pas pour prendre en main cette gouvernance, une autorité indépendante pourrait être mise en place pour assurer une gouvernance efficace. On rappelle d'ailleurs que sur ce sujet, le Conseil national de l'Ordre des experts-comptables est particulièrement actif (voir « Facture électronique : l'Ordre des experts-comptables adopte une nouvelle stratégie »).
Une obligation européenne pour 2030
Cyrille Sautereau rappelle enfin qu'indépendamment du calendrier national, la réglementation avance au niveau européen. Ainsi, la future Directive Européenne VIDA, qui devrait entrer en vigueur en 2030, impose la facture électronique pour tous les échanges intracommunautaires, sauf dérogation. Selon le président de la FNFE-MPE, cette directive est alignée avec les objectifs français et devrait faciliter l'intégration des systèmes de facturation électronique à l'échelle européenne.