
Candidats ECF à la présidence de la CNCC, Sylvain Aigloz (tête de liste non EIP) et Jean-François Mallen (tête de liste EIP) exposent leur projet pour la profession des commissaires aux comptes.
Quel est votre parcours professionnel ?
Sylvain Aigloz : Après mon diplôme d'école de commerce, j'ai passé l'examen d'expertise comptable. J'ai ensuite commencé ma carrière chez Deloitte. Puis assez rapidement je suis entré chez Orial, un cabinet de taille moyenne mais plutôt haut de gamme. Devenu associé en 99, je préside cette entreprise depuis 2006. Orial compte aujourd'hui environ 200 personnes avec un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros.
Jean-François Mallen : Après une école de commerce, j'ai intégré le bureau d'EY à Annecy. Je suis ensuite parti en entreprise, où j'ai successivement occupé les fonctions de chef comptable, contrôleur de gestion puis directeur financier. Je me suis alors rendu compte que l'audit était le domaine qui me plaisait le plus. Je suis donc revenu chez EY. J'ai obtenu mon diplôme en 2003. Puis j'ai quitté ce cabinet pour une autre structure, Européenne de Conseil, où je suis devenu associé en 2006. J'y ai développé l'activité commissariat aux comptes.
Quel regard portez-vous sur l'action de la CNCC des quatre dernières années ?
Sylvain Aigloz : Il faut regarder comment est structurée la Compagnie nationale. L'organisation même de cette institution montre qu'elle est très orientée vers les EIP. Et lorsque l'on est ainsi orienté vers un segment de marché, cela conduit à oublier le reste. Durant les quatre dernières années, aucun effort n'a été fait pour s'intéresser aux clients non EIP et adapter nos missions en conséquence. Nous souhaitons donc un rééquilibrage dans la gouvernance de la CNCC. Aujourd'hui, les poids électoraux, les modes de fonctionnement font qu'une partie des commissaires aux comptes se trouvent exclus. Nous voulons que cela change.
Jean-François Mallen : Sur les quatre dernières années, la Compagnie nationale a fait comme par le passé, à savoir constituer un masque permettant de faire croire qu'une démarche adaptée aux PME a été retenue. Mais en réalité, la CNCC ne propose que du downsizing sur cette question des petites structures et cela ne saurait fonctionner. Les professionnels à la tête de la Compagnie connaissent très bien l'audit des grandes entreprises mais très mal l'environnement des PME. Ce sujet n'est donc pas traité. Or 98% des mandats ne sont pas EIP.
Quelle est votre vision globale pour la profession des commissaires aux comptes ?
Sylvain Aigloz : Je constate en premier lieu que nous sommes encore sous l'effet de la loi Pacte. Les implications ont même augmenté puisque récemment, les seuils d'audit ont été à nouveau relevés. Ma vision aujourd'hui est que nous ne pouvons pas raisonner sur une profession globale. Il faut segmenter le marché. Il n'est pas possible d'appréhender des sociétés cotées ou des ETI comme des PME entrepreneuriales. Ce n'est pas pareil. Les seuils d'audit continueront d'augmenter si on ne propose rien au marché. Il faut accentuer l'apport des commissaires aux comptes aux petites structures, travailler cet aspect pour améliorer le lien avec l'économie et les entrepreneurs. Il importe également d'aller au-delà du pur contrôle pour proposer de l'écoute et une approche économique.
Jean-François Mallen : Nous sommes aujourd'hui dans une période assez exceptionnelle pour parvenir à faire quelque chose de positif et constructif. L'image du commissaire aux comptes est grandement améliorée. Lors de la dernière tentative de remontée des seuils d'audit, toutes les représentations patronales, tous les partenaires financiers, les banques, les fonds d'investissement, et d'autres institutions encore, comme les tribunaux de commerce, nous ont soutenus auprès du ministre Bruno Le Maire, en insistant sur le besoin de sécurité financière. Par ailleurs, il importe actuellement de sécuriser les bases fiscales car les PME sont dans une période de fragilité. Plusieurs facteurs nous donnent ainsi l'occasion de travailler intelligemment avec ces petites et moyennes structures. Il y a vraiment un instant parfait en ce sens. Mais encore faut-il disposer des normes adaptées pour en profiter.
Quels sont les principaux axes de votre campagne ?
Sylvain Aigloz : Un premier axe consiste à retravailler l'approche du secteur entrepreneuriat, concernant nos missions mais également l'environnement de ces clients. Autre aspect : les parties régalienne et normative appartiennent aujourd'hui au H2A. Ce n'est plus le domaine de la CNCC. La Compagnie doit donc jouer un rôle d'écoute et d'accompagnement des professionnels sur ce terrain. Or, par exemple, sur le visa de durabilité, passées les 90 heures de formation, les cons½urs et confrères ne se sentent pas du tout capables de réaliser une mission. Il faut donc plus d'accompagnement. Autre axe : la CNCC doit guider les commissaires aux comptes sur les sujets de la data et de l'intelligence artificielle qui montent en puissance et vont nécessairement impacter nos missions. La question de l'attractivité est également essentielle. Enfin, dernier axe : le changement de gouvernance de la Compagnie. Nous en avons déjà parlé. Nous souhaitons une gouvernance proportionnée, équilibrée entre les parties EIP et non EIP, avec davantage de moyens au service de la seconde.
Jean-François Mallen : Tout d'abord, il faut qu'il y ait un département entrepreneur comme il existe un département EIP avec les mêmes moyens des deux côtés. Ensuite, il importe que la profession se développe sur le plan technologique. Aujourd'hui, les Big investissent des milliards d'euros pour produire des outils d'intelligence artificielle permettant un audit plus complet. Il faut que les professionnels, qui n'ont pas les moyens individuels d'investir autant, investissent ensemble. Et bien entendu la CNCC constitue le meilleur moyen pour cela, qui doit travailler avec les éditeurs de logiciels pour coordonner une progression commune. Enfin, sur la durabilité, il faudrait créer un cursus permettant l'accès à la profession de commissaire aux comptes « durable » en cours de carrière, pour répondre à la difficulté des futurs diplômés du DEC de trouver en cours de stage un maître de stage « durable ».
Un dernier mot pour convaincre les commissaires aux comptes de vous faire confiance ?
Sylvain Aigloz : Mon ADN est de défendre et promouvoir l'exercice libéral de notre profession. C'est l'ADN d'ECF. C'est pour cela que j'ai choisi de représenter ce syndicat aux élections.
Jean-François Mallen : Je propose de faire le pari de Pascal. Peut-être que nous n'avons pas raison. Mais si jamais nous sommes dans le vrai, il serait profondément regrettable de passer à côté. Alors il faut nous donner une chance de réussir !
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Hugues Robert
Rédacteur en chef de Compta Online, média communautaire 100%digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Directeur de la rédaction adjoint du Monde du Chiffre et duMonde du Droit, journaliste Décideurs TV, puis rédacteur en chef de DafMagazine, je rejoins ensuite l'équipe Compta Online en septembre 2024.
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