Candidat EPA (Ensemble pour agir) à la présidence de la CNCC (tête de liste non EIP), Vincent Reynier expose son projet pour la profession des commissaires aux comptes.
Quel est votre parcours ?
C'est assez rare mais dès l'enfance, j'ai souhaité devenir expert-comptable, car mon père et mon oncle l'étaient eux-mêmes et j'avais une grande admiration pour ces deux hommes. Mon père avait un cabinet en province et était très engagé dans la profession. J'ai fait mes armes dans un grand cabinet international, Arthur Andersen, qui était alors une référence pour beaucoup. Puis naturellement, j'ai rejoint les structures familiales.
Mon parcours institutionnel a, quant à lui, débuté en 2008 avec Joseph Zorgniotti qui s'engageait alors pour le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables. Puis très vite je me suis tourné vers la CRCC de Paris aux côtés de Serge Anouchian. Et je préside actuellement cette institution.
Quel regard portez-vous sur l'action de la CNCC des quatre dernières années ?
Cela ne surprendra personne si je dis que j'ai un regard contrasté sur le bilan de la CNCC.
La directive CSRD a tout de même été une grande victoire, qui a redonné confiance aux commissaires aux comptes. Un très bon travail a été effectué collectivement sur ce point, avec la participation des Compagnies régionales. Des avancées ont également été effectuées sur l'attractivité de la profession. J'ai un jugement positif sur l'action de la CNCC à cet égard, notamment sur le travail de Kristell Dicharry, en charge de la communication de l'institution.
Mais le bilan est contrasté car tout d'abord, le nouveau système électoral a pratiquement exclu les libéraux de la Compagnie. Tous les points névralgiques – les commissions régaliennes comme la déontologie, les normes, les études juridiques, mais aussi les commissions techniques banque ou assurance par exemple – ont suivi la même évolution, excluant des personnes engagées depuis des années au profit des grands réseaux..
Certaines prises de position de la CNCC ont également été pour le moins choquantes. Le président de la Compagnie a notamment répondu à un questionnaire en indiquant que le co-commissariat aux comptes n'était pas obligatoirement la meilleure solution pour parvenir à un audit de qualité, alors que nous avons un engagement très français sur ce point. Là encore sous la pression des grands réseaux.
Par ailleurs, sur la fin du mandat, je suis véritablement vent debout contre la manière dont les négociations ont été menées, au mois de février, sur la question des seuils d'audit. Les pourparlers ont été conduits en catimini, sans en informer personne, entre le bureau, la présidence de la Compagnie et la Chancellerie. Avec davantage de communication, j'estime que les seuils n'auraient pas été relevés. La meilleure preuve pour illustrer mes propos est qu'à peine un mois après cette pseudo négociation menée en catimini, Bercy dans le cadre de la future loi de simplification souhaitait encore remonter ces seuils qui avant tout impactent la survie de milliers de libéraux.
Aucune information communiquée aux présidents de CRCC, aucune statistique et c'est pourtant bien grâce à la mobilisation des territoires que ce projet funeste a été écarté, du moins pour un certain temps...
Quelle est votre vision globale pour la profession des commissaires aux comptes ?
L'intelligence artificielle va révolutionner notre métier. On parle beaucoup de la CSRD mais je pense que l'IA va également apporter un profond bouleversement. Lors des Universités d'été de la profession comptable, nous avons aussi parlé financiarisation des cabinets et changement des business models. Les évolutions seront nombreuses.
Je suis très optimiste car il y a une réalité du marché. On a besoin de certification. On a besoin de tiers de confiance pour auditer les informations financières comme extra-financières. Je crois aussi que, dans la période économique compliquée qui est la nôtre, le rôle du commissaire aux comptes, en matière de prévention des difficultés des entreprises, doit être mis en avant. Enfin, alors que l'on parle du dérapage des finances des collectivités locales, je pense qu'il serait intéressant que notre profession prenne davantage de place sur le sujet, sans que les missions soient réservées à certains acteurs, pour jouer pleinement son rôle sociétal.
Je suis confiant sur le marché mais j'estime que nous devons obligatoirement évoluer. Notamment, il sera de plus en plus compliqué pour un commissaire aux comptes de travailler seul de manière indépendante. Cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à l'exercice libéral. Mais nous devrons au moins opérer en réseau avec des compétences et des professionnels venant d'horizons différents.
Quels sont les principaux axes de votre campagne ?
Tout d'abord, je suis vent debout contre le système de représentation des commissaires aux comptes. Je ne suis pas le seul à le contester. Le régulateur lui-même prend progressivement conscience aujourd'hui de l'existence de certains dysfonctionnements. Il faut absolument basculer dans un dispositif octroyant davantage de place aux professionnels libéraux dans la gouvernance de la CNCC. C'est un point capital car tout en découle ! La Compagnie anime des commissions qui sont importantes et pyramidales. Sur des points aussi essentiels que notre déontologie par exemple, il n'est pas normal et même dangereux que ce domaine demeure dans les mains des grands cabinets.
Je crois aussi que, sur le plan territorial, le découpage doit être repensé pour certaines CRCC qui n'ont pas les moyens d'agir correctement. La CNCC a un rôle que je ne nie pas. Je pense néanmoins qu'il faut donner plus de délégation aux Compagnies régionales.
Autre axe de campagne : il importe que nous sortions définitivement du dogme « un audit est un audit » et que nous proposions enfin un mode d'intervention adapté à la réalité de ce qu'est une PME. Les normes doivent être repensées en ce sens. Enfin, sur la question des seuils, il faudra à un moment parvenir à les sanctuariser. La profession ne peut pas vivre, année après année, dans l'incertitude de la volonté d'un ministre susceptible de relever ces seuils et disposant ainsi d'un droit de vie ou de mort sur un certain nombre d'entre nous.
Force est de constater qu'aujourd'hui malheureusement ce n'est pas notre Ministère de tutelle qui dispose de ce pouvoir mais en réalité le Ministère de l'Économie et des Finances.
Nous devons donc reprendre le dialogue avec les pouvoirs publics et le législateur pour sortir de cet état de fait aberrant.
Un dernier mot pour convaincre les commissaires aux comptes de vous faire confiance ?
Je suis accompagné par une liste qui est multiple, mais j'ai cette grande chance que les quatre premières personnes de cette liste soient des présidents de CRCC, qui connaissent donc très bien la typologie des PME et des petits cabinets, leurs préoccupations et leurs difficultés.
J'insiste en outre : il importe absolument que les Compagnies régionales acquièrent davantage de moyens pour agir. Il faut aussi plus de concertation et une présence obligatoire dans les instances nationales. Aujourd'hui, il n'est pas acceptable que le bureau de la CNCC soit composé d'une seule tendance et qu'une présence cosmétique fasse croire que les libéraux existent encore à la direction de la Compagnie nationale.
Voter pour nous, c'est voter pour une forte représentativité de tous les commissaires aux comptes exerçant dans des petites ou moyennes structures.
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Hugues Robert
Rédacteur en chef de Compta Online, média communautaire 100%digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Directeur de la rédaction adjoint du Monde du Chiffre et duMonde du Droit, journaliste Décideurs TV, puis rédacteur en chef de DafMagazine, je rejoins ensuite l'équipe Compta Online en septembre 2024.
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