La liquidation de la société et le partage entre les associés sont les deux conséquences de la dissolution de la société (qui doit donc disparaître à plus ou moins brève échéance).
Cette dissolution peut être de plein droit (arrivée de la société à son terme, réalisation ou extinction de l'objet, annulation du contrat de société, etc.) ou provoquée (par les associés ou un juge).
Elle suit une procédure en plusieurs étapes qui n'empêchent pas l'établissement de comptes annuels lorsque la procédure est complexe et dure dans le temps.
Une ordonnance du 15 septembre 2021 a introduit plusieurs modifications. Elle ajuste les conditions d'ouverture d'une procédure judiciaire simplifiée pour les entreprises individuelles et remplace les comités de créanciers dans les autres procédures. Ces changements sont en vigueur depuis le 1er octobre 2021.
La liquidation d'une société est l'ensemble des opérations qui suivent sa dissolution. Elle est l'ultime procédure collective, lorsque la situation d'une société est irrémédiablement compromise et que rien ne peut être fait pour son rétablissement. En fonction du degré des difficultés rencontrées par la société, celle-ci peut recourir au préalable à la procédure de conciliation, à la procédure de sauvegarde et au redressement judiciaire.
Dans le cadre d'une liquidation judiciaire, il s'agit de réaliser l'actif et de le transformer en liquidités pour régler le passif avant de procéder au partage entre les associés. La procédure permet aussi de connaître la fraction des dettes de la société qui revient à chaque associé.
L'ouverture de la procédure ou jugement d'ouverture par le tribunal de commerce ne suffit pas pour mettre fin aux fonctions des dirigeants sociaux. Ils peuvent rester en fonction même si un mandataire peut être désigné pour les besoins de la liquidation.
La désignation du mandataire se fait par requête auprès du président du tribunal de commerce. Elle peut être déposée par tout intéressé, le liquidateur ou le ministère public.
Un arrêté du 5 juillet 2024 (NOR : JUSB2418778A) désigne 12 tribunaux de commerce qui deviendront les tribunaux des activités économiques (TAE) dès le 1er janvier 2025.
Cette expérimentation de 4 ans s'inscrit dans la loi de programmation 2023-2027 du ministère de la Justice. Les conditions d'application sont précisées par le décret n°2024-674 du 3 juillet 2024.
Les TAE auront compétence pour gérer les procédures amiables, collectives, et les contestations relatives aux baux commerciaux liés aux procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les parties seront dispensées de l'obligation d'avoir un avocat pour les demandes inférieures à 10 000¤.
Les dispositions relatives aux compétences des TAE en matière de procédure amiable et collective ne concernent pas les débiteurs exerçant une profession du droit réglementée.
Focus DSCG
Les sujets de l'UE1 du DSCG peuvent contenir des questions sur la liquidation judiciaire. En 2019 par exemple, les questions portaient sur le sort des contrats de travail. En 2016, il s'agissait de donner les principales caractéristiques de la liquidation judiciaire simplifiée.
La liquidation judiciaire simplifiée
La liquidation judiciaire simplifiée s'applique à une société lorsque trois conditions sont réunies :
- l'absence de bien immobilier dans l'actif ;
- un maximum de cinq salariés dans les 6 mois précédant l'ouverture de la procédure ;
- un chiffre d'affaires hors taxes ne dépassant pas 750 000¤.
Pour initier la procédure, le dirigeant doit soumettre une demande au greffe du tribunal compétent (commerce ou judiciaire). La vérification des créances se limite aux créances salariales et celles pouvant être réglées avec l'actif disponible.
Ensuite, le liquidateur vend les biens mobiliers dans les 4 mois, soit de gré à gré, soit aux enchères.
Les propositions de répartition des créances sont établies et déposées au greffe, et si les sommes disponibles permettent de payer tous les créanciers, l'état des créances est publié.
La procédure de liquidation simplifiée doit être clôturée dans les 6 mois, ou dans un délai d'1 an si l'entreprise emploie plus d'un salarié et réalise un chiffre d'affaires supérieur à 300 000¤, avec une possible extension de 3 mois par le tribunal.
Qui est concerné par la liquidation judiciaire ?
La liquidation judiciaire est une procédure collective qui concerne les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante ou une activité commerciale ou artisanale et les personnes morales de droit privé.
Sauf en cas de liquidation amiable, elles doivent être en état de cessation des paiements et le fait de payer les créanciers doit être manifestement impossible.
Pour rappel, la liquidation judiciaire simplifiée s'applique obligatoirement dès lors que l'actif du débiteur ne comporte pas de bien immobilier, qu'elle n'emploie pas plus d'un salarié et que son chiffre d'affaires annuel hors taxes ne dépasse pas 300 000¤. Elle est aussi obligatoire lorsque le nombre de salariés est au plus égal à 5 et que le chiffre d'affaires annuel hors taxes est inférieur ou égal à 750 000¤.
Dans les entreprises individuelles, seule la condition d'absence de bien immobilier est désormais requise (ordonnance du 15 septembre 2021).
La liquidation judiciaire d'une société peut être étendue à son dirigeant en cas de confusion des patrimoines, sans qu'il soit nécessaire de démontrer une faute de sa part.
Dans une affaire récente, la Cour de cassation a censuré une décision de Cour d'appel qui avait rejeté une demande d'extension au motif que le dirigeant, bien qu'ayant renoncé à réclamer des loyers à la société, agissait dans l'intérêt de l'activité. La Haute juridiction rappelle que l'existence d'une gestion fautive n'est pas requise lorsque la confusion des patrimoines est établie.
Cette décision confirme la portée autonome de ce fondement juridique, distinct de l'action en comblement de passif (Cour de cassation, 26 mars 2025, n°24-10.254).
Les 4 étapes principales d'une liquidation judiciaire
La liquidation judiciaire se déroule en 4 étapes principales qui sont la demande d'ouverture de la procédure, le jugement qui prononce la liquidation judiciaire ou le jugement d'ouverture, le déroulement de la procédure et la clôture.
Dès l'ouverture de la procédure, l'activité de l'entreprise en difficulté qui est une activité commerciale, artisanale ou la société cesse.
Le boni de liquidation éventuel est ensuite partagé entre les associés, soit en cours de procédure en présence de fonds disponibles (rare) soit après la clôture de la procédure.
La société en liquidation : le maintien de la personnalité morale
La personnalité morale d'une société subsiste automatiquement jusqu'à la clôture de la liquidation en vertu de l'article L237-2 du Code de commerce.
Elle est toutefois réduite puisqu'il s'agit uniquement de faire face aux besoins de la liquidation.
La société conserve son siège social, sa dénomination suivie de la mention « société en liquidation » et son patrimoine reste le gage des créanciers sociaux.
Le liquidateur : nomination, rôle et contrôle
En plus du juge-commissaire, un ou plusieurs liquidateurs qui peuvent être les associés sont nommés soit :
- en fonction des dispositions des statuts ;
- par les associés ;
- par le président du tribunal de commerce en dernier recours.
Le liquidateur peut être un associé ou un tiers comme un mandataire judiciaire ou un administrateur judiciaire. Ses fonctions sont limitées à 3 ans.
Le liquidateur devient, dès sa nomination, le seul représentant légal de la société. Il exerce à la place des anciens dirigeants ou organes de direction qui perdent leurs pouvoirs de gestion ou de représentation.
Ses 4 missions sont les suivantes :
- procéder à l'inventaire de l'actif et du passif de la société (avec ou sans mesures conservatoires) ;
- recouvrer les créances ;
- réaliser l'actif (vendre les biens) ;
- payer les créanciers.
Les contrats de travail sont en principe rompus dans le délai de 15 jours qui suit l'ouverture de la procédure, 21 jours en présence d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Il s'agit en principe d'un licenciement pour motif économique qui permet la prise en charge des indemnités par l'AGS. Le tribunal peut toutefois autoriser la poursuite provisoire de l'activité.
Les créances nées de la rupture des contrats de travail sont couvertes par l'assurance de garantie des salaires ou AGS.
Spécifiquement pour les anciens salariés de la société en liquidation judiciaire, une réponse ministérielle rappelle que les salariés bénéficient de la portabilité de la couverture collective en frais de santé et en prévoyance. Ces dispositions s'appliquent tant que le contrat collectif n'est pas résilié. La Cour de cassation confirme l'application du dispositif dans un arrêt du 5 novembre 2020 (pourvoi n°19-17164).
Tous les créanciers ont un délai de 2 mois suivant la publication du jugement d'ouverture pour déclarer leurs créances au liquidateur.
Dans un arrêt du 11 septembre 2024, la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence en jugeant que l'ouverture ou le prononcé d'une liquidation judiciaire n'entraîne plus automatiquement la clôture du compte courant du débiteur. Le solde du compte n'est plus immédiatement exigible de la caution (contrairement à la jurisprudence antérieure).
Cette évolution repose sur l'article L. 641-11-1 du Code de commerce, qui dispose que la liquidation judiciaire en elle-même ne peut entraîner la résiliation des contrats en cours. Ce principe, initialement appliqué aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, est désormais étendu à la liquidation (Cour de cassation, 11 septembre 2024, n°23-12.695).
Enfin, les associés ont un rôle important à jouer dans la surveillance des opérations et le liquidateur les informe régulièrement de l'état d'avancement des opérations.
C'est le liquidateur qui établit les comptes annuels dans les 3 mois de la clôture de chaque exercice qui suit sa nomination.
La clôture de la liquidation judiciaire : disparition de la personnalité morale
Lorsque la procédure touche à sa fin, les associés sont convoqués pour statuer sur le compte définitif, donner quitus de sa gestion au liquidateur et mettre fin à son mandat. C'est une assemblée générale qui est convoquée dans ce but et qui constate la clôture de la liquidation.
L'assemblée de clôture peut refuser d'approuver les comptes du liquidateur. Dans ce cas, ils sont déposés au greffe du tribunal de commerce.
Le tribunal de commerce statue alors en lieu et place des associés sur les comptes ou pour prononcer la clôture de la procédure. Il le fait à la demande du liquidateur ou de tout intéressé.
Le prononcé de la clôture met fin aux fonctions du liquidateur et à la personnalité morale de la société.
Une exception est toutefois prévue lorsque la société reste partie à un litige : la personnalité morale subsiste jusqu'à la fin du litige et un mandataire ad hoc sera désigné.
Le Conseil d'État a rappelé qu'après la clôture de la liquidation et la radiation d'une société civile immobilière (SCI) du registre du commerce et des sociétés (RCS), l'administration fiscale ne peut notifier de proposition de rectification que si un mandataire ad hoc a été désigné par la justice.
Dans cette affaire, l'administration avait adressé une proposition de rectification des revenus fonciers directement au liquidateur, également associé de la SCI. Or, après la publication de la clôture de liquidation, le liquidateur perd sa qualité de représentant de la société, sauf prolongation expresse par les associés. Faute de mandataire ad hoc désigné, le Conseil d'État a jugé la notification irrégulière.
Il a également précisé que, si le contrôle fiscal peut se poursuivre avec une personne agissant comme mandataire de fait, cette qualité ne permet pas la notification de nouvelles pièces de procédure, comme une proposition de rectification (Conseil d'État, 19 juillet 2024, n°488164).
Dans une décision du 21 avril 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que les parts sociales d'une société en liquidation ont toujours une existence juridique tant que la publication de la clôture de cette procédure n'est pas intervenue (Cour de cassation, 21 avril 2022, n°20-10.809).
Le partage amiable ou judiciaire
Le partage des biens et sommes à partager ou du boni de liquidation éventuel entre les associés est la toute dernière étape, celle qui suit la clôture de la liquidation.
Il est réalisé en vertu des mêmes règles que celles qui s'appliquent en cas de succession et les associés pourraient rester provisoirement en indivision pour certains biens.
En présence de sommes à partager, chaque associé reçoit d'abord la valeur nominale de ses actions ou parts sociales. Le boni de liquidation est partagé en vertu des dispositions statutaires ou à défaut, en fonction des parts de chaque associé.
Enfin, si des sommes ont été partagées dans les sociétés à responsabilité limitée et qu'un créancier n'a pas été désintéressé, il ne peut plus se retourner contre la société. Il conserve toutefois la possibilité de s'adresser directement aux associés pour se faire payer sous conditions.