Le Code du travail définit la pénibilité au travail comme l'exposition d'une personne soumise à un risque dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle, susceptible de lui provoquer un problème de santé.
Cette exposition au risque du salarié oblige l'employeur à lui ouvrir un Compte Professionnel de Prévention (CPP ou C2P), anciennement Compte Personnel de Prévention Pénibilité, et à lui attribuer des points, dont le nombre varie selon les facteurs de pénibilité. Cette obligation a remplacé celle de rédiger une fiche pénibilité sauf exceptions.
Depuis le 1er septembre 2023, plusieurs améliorations sur le C2P sont à noter : abaissement des seuils de facteurs de risque, augmentation des points acquis et valorisation de ces points pour la formation.
Par ailleurs, un fonds pour la prévention de l'usure professionnelle est créé, doté d'1 milliard d'¤ sur 5 ans. Il vise à renforcer la sensibilisation, la formation et la reconversion face aux risques professionnels.
Qu'est-ce que la pénibilité au travail ?
La pénibilité au travail se définit comme l'exposition du travailleur à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels liés à des contraintes physiques, un environnement physique agressif ou dangereux, ou encore à certains rythmes de travail intenses qui sont susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur sa santé.
Quels sont les 6 critères de pénibilité au travail ?
Depuis le 1er octobre 2017, les 6 facteurs de risques professionnels sont les suivants :
- les activités exercées en milieu hyperbare (pression atmosphérique élevée) ;
- les nuisances sonores ;
- les températures extrêmes ;
- le travail de nuit ;
- le travail en équipes successives alternantes ;
- le travail répétitif.
Les 4 facteurs de risques suivants ne sont plus à déclarer depuis le 1er octobre 2017 dans le cadre du C2P :
- postures pénibles ;
- manutentions manuelles de charges ;
- vibrations mécaniques ;
- agents chimiques dangereux.
Toutefois, la pénibilité au travail est toujours définie à l'aide de ces 10 facteurs.
L'employeur doit établir une fiche de pénibilité individuelle pour les salariés qui ne peuvent acquérir de droits au titre du C2P (fonctionnaires, salariés affiliés à un régime spécial de retraite et embauchés avant le 1er septembre 2023 ainsi que certains salariés détachés).
Les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés sont répertoriés dans le document unique d'évaluation (DUERP). Leur traçabilité collective est ainsi assurée.
Comment fonctionne le compte de prévention de la pénibilité ?
Désormais appelé le compte professionnel de prévention (C2P), il permet de déterminer et de référencer les facteurs de risques professionnels d'exposition d'un travailleur au-delà de certains seuils réglementaires.
Pour ce faire, l'employeur établit une déclaration dématérialisée (via la déclaration sociale nominative ou DSN). En fonction de l'exposition à ces risques, le salarié cumule un certain nombre de points sur son C2P.
Attention
Pour les employés encore en poste au 31 décembre, la déclaration des facteurs de risques doit être intégrée dans la DSN de décembre, soumise au plus tard le 5 ou 15 janvier suivant, selon la taille de l'entreprise.
Ainsi, les risques de l'année 2025 devront être déclarés dans la DSN de janvier 2026.
En cas d'erreur, les employeurs peuvent corriger la déclaration par une DSN rectificative, à soumettre au plus tard en mars 2026 (pour une correction défavorable au salarié) ou avant le 31 décembre 2028 (si la correction est favorable au salarié).
Les travailleurs concernés
Pour bénéficier d'un C2P, certaines conditions doivent être remplies par le salarié :
- travailler dans le secteur privé ;
- être affilié au régime général de la Sécurité sociale ou à la Mutualité sociale agricole (MSA) ;
- avoir un contrat de travail d'au moins 1 mois ;
- être exposé à au moins 1 facteur de risque au-delà d'un certain seuil.
Les apprentis ou salariés sous contrat de professionnalisation sont aussi concernés.
Le C2P fait partie du compte personnel d'activité (CPA) avec le compte personnel de formation (CPF) et le compte d'engagement citoyen.
Les facteurs de pénibilité
Depuis le 1er septembre 2023, le dispositif du compte professionnel de prévention (C2P) a évolué afin de faciliter son recours pour le salarié (loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 ; décret n°2023-759 du 10 août 2023).
Facteurs de risques professionnels | Intensité minimale | Durée minimale depuis le 01/09/2023 |
Travail de nuit | 1 heure de travail entre minuit et 5 heures | 120 nuits/an |
Travail en équipes successives alternantes (3x8 par exemple) | 1 heure de travail entre minuit et 5 heures | 50 nuits/an |
Travail répétitif (répétition d'un même geste à une fréquence élevée et sous cadence contrainte) | 15 actions techniques ou plus pour un temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes ou 30 actions techniques ou plus par minute pour un temps de cycle supérieur à 30 secondes variable ou absent | 900 heures par an |
Activités en milieu hyperbare | 1 200 hectopascals | 60 interventions ou travaux/an |
Bruit | Exposition quotidienne à un bruit d'au moins 81 décibels pour une période de référence de 8 heures Exposition à des bruits impulsionnels d'au moins 135 décibels | 600 heures/an 120 fois/an |
Températures extrêmes | Température inférieure ou égale à 5° ou supérieure ou égale à 30° | 900 heures/an |
L'acquisition des points
1 point est attribué par période de 3 mois d'exposition à un facteur de risques, soit 4 par an.
Le nombre de points dépend des facteurs de risques auxquels le salarié est exposé mais également de son âge.
Attention
Depuis le 1er septembre 2023 :
- le nombre de points acquis par un salarié sur le C2P est désormais égal à 4 multiplié par le nombre de facteurs de risques professionnels auxquels il est exposé (nombre auparavant plafonné à 8 lorsque le salarié était exposé à plusieurs facteurs de risques) ;
- 1 point de C2P permet désormais au salarié d'alimenter son compte personnel de formation de 500¤ (contre 375¤, avant le 1er septembre 2023) ;
- 1 point permet de financer un projet de reconversion professionnelle ;
- 10 points de C2P permettent de bénéficier d'un passage à mi-temps avec maintien de salaire sur 4 mois (au lieu de 3 mois auparavant) ;
- 10 points de C2P permettent d'anticiper d'un trimestre l'âge légal de départ à la retraite et majorent la durée d'assurance vieillesse ;
- fin du plafonnement du nombre total de points inscrits sur le C2P (il ne pouvait jusqu'à présent excéder 100 points au cours de la carrière professionnelle du salarié).
La comptabilisation se fait chaque année. On distingue deux situations de travail.
L'exposition à un seul facteur de risque :
- 4 points sont accordés ;
- 8 points pour les salariés nés avant juin 1956.
L'exposition à plusieurs facteurs de risque :
- le nombre de points acquis est égal à 4 multiplié par le nombre de facteurs de risques.
Pour les salariés qui débutent ou achèvent leur contrat en cours d'année, les points sont comptés par trimestre.
Il revient à l'employeur de relever les points sur le compte personnel de prévention pénibilité de ses salariés. Les points acquis sur l'année sont inscrits sur le compte une fois par an.
Les points accumulés sur le compte restent acquis au salarié jusqu'à leur utilisation en totalité ou lors de son départ en retraite.
Ces points ouvrent droit à des avantages sociaux, tel que :
- un départ anticipé à la retraite ;
- une réduction du temps de travail ;
- l'accès à des formations professionnelles en vue d'obtenir un emploi moins exposé aux risques ;
- un projet de reconversion professionnelle.
Chaque année, l'organisme gestionnaire enregistre les points sur le compte professionnel de prévention du salarié en fonction des déclarations de l'employeur de l'année précédente.
L'organisme local informe le salarié par voie électronique, au plus tard le 30 juin, que ces informations sont disponibles en ligne. Si ce n'est pas possible, l'information est communiquée par lettre simple (article D4163-31 du Code du travail).
Pour l'année 2024, l'organisme local a eu jusqu'au 30 septembre pour informer le salarié (décret n°2024-588 du 25 juin 2024).
Le salarié peut aussi consulter son compte en ligne pour connaître son nombre de points et demander à les utiliser.
Création du fonds pour la prévention de l'usure professionnelle
Un nouveau fonds pour la prévention de l'usure professionnelle est en place depuis le 1er septembre 2023 et opérationnel depuis mars 2024. Il vise à renforcer la protection contre les risques liés aux vibrations techniques, aux postures pénibles et au port de charges lourdes sur le lieu de travail. Son objectif principal est de préserver la santé des salariés tout en prévenant les risques professionnels.
Doté d'un budget d'1 milliard d'¤ sur une période de 5 ans, ce fonds joue un rôle crucial en finançant des initiatives multiples :
- sensibilisation et prévention : il soutient des actions de sensibilisation visant à informer les travailleurs sur les risques potentiels et les bonnes pratiques à adopter ;
- formation : il contribue au financement de formations, en particulier celles éligibles au compte personnel de formation, pour développer les compétences des employés et leur permettre d'évoluer dans un environnement de travail plus sûr ;
- reconversion et prévention de la désinsertion professionnelle : les salariés exposés de manière significative aux risques professionnels peuvent bénéficier de mesures de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle.
Le fonds est en mesure de subventionner des entreprises qualifiées pour les programmes de prévention de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie, dans le but de réduire leur exposition aux risques professionnels.
Un arrêté du 11 mars 2024 détaille les justificatifs nécessaires pour accéder au financement par le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle.
Cet arrêté concerne les subventions accordées aux entreprises adhérant à un programme d'actions de prévention, validé par la caisse nationale de l'assurance maladie, afin de minimiser les risques liés à leur secteur.
Il couvre également les contributions aux actions de sensibilisation, aux aménagements des postes de travail pour prévenir la désinsertion professionnelle et aux frais de personnel associés à la mise en ½uvre de ces projets.
Les aides directes aux entreprises sont privilégiées notamment aux entreprises de moins de 50 salariés. Ces aides permettent de financer des équipements (liste élargie en 2025), des formations, des actions de sensibilisation ou des aménagements de poste.
Des accords de branche peuvent définir les métiers et activités exposés. Lorsque ces accords collectifs étendus sont validés par la Commission des accidents du travail et maladies professionnelles (CAT-MP), l'entreprise relevant de cet accord bénéficie d'une subvention valorisée (taux de prise en charge majoré et plafonds augmentés).