Suppression ou réduction d'une prime, d'une indemnité ou d'une gratification

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Modifié le 21/01/2025
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Il est parfois envisageable de supprimer ou réduire une prime, une indemnité ou une gratification. Selon le texte qui la prévoit, la procédure diffère. Faisons un tour d'horizon.

Suppression d'une prime ou gratification issue du contrat de travail

En cas de modification ou de suppression d'une prime ou gratification, cela est considéré comme une modification du contrat de travail dont la procédure adéquate doit être respectée.

Si la modification ou la suppression de prime concerne un élément substantiel du contrat (par exemple, une baisse du revenu), l'entreprise devra la proposer au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le salarié dispose d'un délai de réflexion d'un mois. En cas de refus (par écrit) du salarié, il ne pourra être sanctionné mais une procédure de licenciement pourra être introduite contre lui.

Si la décision de suppression résulte d'une révision de la politique salariale de l'entreprise et n'est pas liée à la personne des salariés, un licenciement économique pourrait résulter.

En cas d'absence de réponse à l'issue du délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification.

Suppression d'une gratification ou prime issue d'un accord collectif 

Il faut savoir qu'on ne peut supprimer une prime résultant d'un accord d'entreprise tant que celui-ci reste applicable.

Il convient, en premier lieu, de dénoncer l'accord d'entreprise en respectant un délai de préavis de 3 mois (à défaut de délai conventionnel précisé) et de reprendre la négociation avec les délégués syndicaux.

A l'issue de ce délai de préavis, l'accord reste applicable durant 12 mois, si aucun autre accord n'a pu être conclu entre-temps. Ce n'est qu'à défaut de nouvel accord à l'issue de cette période que la prime disparaît en tant qu'avantage collectif.

Elle devient alors un simple avantage intégré au contrat de travail des salariés à la date de dénonciation. L'employeur ne peut ainsi la supprimer sans leur accord.

Un accord collectif ne peut être révisé que par les syndicats signataires du texte initial. En revanche, il peut être dénoncé et remplacé par un nouvel accord conclu avec d'autres signataires (parmi les syndicats représentatifs). Ainsi, si l'employeur ne parvient pas à réviser un accord collectif, la dénonciation reste sa seconde option.

Suppression de prime issue d'un usage ou d'un engagement unilatéral 

La prime devient obligatoire lorsqu'elle est versée par l'employeur de manière générale, constante et fixe.

La suppression de la prime est soumise au respect des règles de dénonciation de l'usage :

Le délai de prévenance varie selon la périodicité de la prime. La jurisprudence retient souvent un minimum de 3 mois mais il existe parfois des délais obligatoires plus longs, notamment en cas de prime annuelle.

En matière de forme, la dénonciation se fait par le biais d'une information des représentants du personnel dans le procès-verbal de la réunion. Quant aux salariés, ils doivent être informés par lettre individuelle contenant la décision prise et la date à laquelle elle prendra effet.

Le respect du formalisme est essentiel pour que la dénonciation soit valide. Si les règles ne sont pas respectées, l'usage continue à exister et les salariés peuvent ainsi en demander le respect.

Bien que l'employeur n'aie pas à motiver ou justifier sa décision s'il dénonce un usage, le motif doit être licite. A défaut, la dénonciation est nulle.

Une fois la dénonciation validée, les avantages créés par l'usage disparaissent à l'expiration du délai de préavis fixé.

Les avantages résultant de l'usage dénoncé ne sont pas intégrés aux contrats de travail des salariés. La suppression de l'usage n'est, de ce fait, pas une modification du contrat de travail.

Prime issue d'un usage ou prime contractuelle ?

Une prime versée régulièrement de manière constante pendant plusieurs années peut devenir contractuelle d'après la jurisprudence récente de la Cour de cassation (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 mai 2024, 23-10.076). Dans ce cas, l'employeur ne peut pas la modifier ou la supprimer sans l'accord du salarié.

Dans le même sens, l'employeur ne peut pas invoquer une erreur du système de paramétrage du logiciel de paie dans le paiement d'une prime, même indue, s'il l'a versée pendant plusieurs années. Cette prime est devenue contractuelle. Il ne peut pas la supprimer de manière unilatérale (Cour de cassation, Chambre sociale, 13 décembre 2023, 21-25.501).

Peut-on supprimer une prime d'ancienneté ?

Il est possible de supprimer une prime d'ancienneté. Sa manière de la supprimer dépend du texte qui la rend obligatoire.

Ainsi, si la prime est prévue dans le contrat de travail, sa suppression nécessitera l'accord du salarié ou la signature d'un accord de performance collective.

Si la prime est établie par un accord collectif, il faudra entamer une procédure de révision ou de dénonciation de l'accord.

Enfin, si elle résulte d'un usage ou d'une décision unilatérale de l'employeur, la procédure en matière de dénonciation devra être respectée.

Un accord d'entreprise peut modifier ou supprimer une prime d'ancienneté même si celle-ci est prévue par la convention de branche. En effet, une prime ne fait pas partie du salaire minima et n'est donc pas concernée par la primauté de l'accord de branche sur l'accord d'entreprise.

Peut-on supprimer une prime de fin d'année ?

Le Code du travail n'impose pas le versement d'une prime de fin d'année ou de 13e mois. Comme toute prime, celle-ci doit être prévue par une convention ou un accord collectif, un contrat de travail ou un usage.

La procédure de suppression d'une prime de fin d'année se fera donc en fonction du texte qui l'institue, au même titre que la prime d'ancienneté.

Une prime de fin d'année peut être supprimée ou réduite à un salarié individuellement. En effet, si son versement est soumis à des conditions particulières et que le salarié ne respecte pas ces conditions, il perd son droit d'en bénéficier.

Attention : l'employeur doit respecter l'égalité de traitement entre les salariés dans l'attribution ou la suppression de primes.

Peut-on réduire ou supprimer une prime en cas d'absence du salarié ?

Une prime ou gratification peut être supprimée en cas d'absence (maternité, accident du travail, maladie, etc.) si elle est liée à une condition de présence effective du salarié (cas d'une prime d'assiduité notamment).

La convention collective précise les conditions d'attribution : présence effective du salarié, paiement prorata temporis...

La suppression d'une prime en raison d'une faute grave commise par le salarié constitue une sanction pécuniaire, prohibée.