Dans un arrêt du 6 novembre 2024 (n°23-80.152), la Cour de cassation s'est penchée sur la proportionnalité des sanctions pénales et fiscales infligées à un expert-comptable condamné pour fraude fiscale. En cause : le cumul d'une peine d'emprisonnement, d'une interdiction d'exercer et d'une solidarité fiscale pour le paiement des impôts fraudés.
Contexte
Un expert-comptable, en qualité de gérant de son cabinet, a été condamné pour fraude fiscale en récidive. Il lui était reproché la soustraction frauduleuse de son cabinet au paiement de la TVA, l'abus de biens sociaux et l'escroquerie.
Outre une peine de 2 ans d'emprisonnement, le professionnel du chiffre a écopé d'une interdiction définitive d'exercer et de gérer, ainsi que de sanctions financières incluant la confiscation de sommes saisies et une solidarité fiscale pour le paiement des impôts fraudés.
L'administration fiscale s'était constituée partie civile, demandant la condamnation solidaire du gérant avec le cabinet pour les impôts dus et les pénalités. Cette solidarité, bien que prévue par le code général des impôts (CGI), a été contestée par le professionnel, qui invoquait le principe de proportionnalité des sanctions.
Problématique
L'arrêt interroge sur la portée de la responsabilité professionnelle de l'expert-comptable dans les cas de fraude fiscale, et en particulier sur les limites du cumul des sanctions pénales et fiscales. La question déterminante ici est de savoir si la solidarité fiscale imposée au gérant, en plus des autres peines, respecte les principes fondamentaux de proportionnalité et d'équité.
Cet arrêt souligne également la nécessité pour l'expert-comptable de respecter scrupuleusement ses obligations professionnelles afin de prévenir tout manquement à la loi.
Solution
La Cour de cassation a rappelé que la solidarité fiscale entre un dirigeant et sa société ne constitue pas une sanction pénale, mais une garantie de recouvrement au profit du Trésor public. Elle a estimé que cette solidarité ne relevait pas du champ d'application des principes de proportionnalité des sanctions pénales.
La Cour a également jugé que l'interdiction définitive d'exercer et les peines prononcées à l'encontre du professionnel étaient conformes à la gravité des faits reprochés.
Décision
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l'expert-comptable, confirmant la décision de la cour d'appel de le condamner à des peines cumulatives.
Elle a précisé que la solidarité fiscale imposée au gérant pour le paiement des impôts fraudés et des pénalités n'était pas assimilable à une peine répressive et qu'elle n'avait donc pas à être soumise au principe de proportionnalité.
Cette décision rappelle que l'expert-comptable, en tant que professionnel assermenté, porte une responsabilité particulière dans la régularité fiscale et comptable des entreprises qu'il gère ou accompagne. Toute implication dans des pratiques frauduleuses, même indirectes, peut conduire à des sanctions irrévocables, mettant fin à sa carrière professionnelle.
Au sommaire du dossier
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Maxime Navarrete
Responsable de l'actualité professionnelle de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Après 8 ans en tant qu'éditeur juridique puis rédacteur en chef de Lexis 360 experts-comptables chez LexisNexis, je rejoins l'équipe Compta Online en octobre 2021.
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