L'étendue du devoir d'information de l'expert-comptable en qualité de rédacteur d'un acte de cession de parts sociales

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Dans une décision du 29 mai 2024 (pourvoi n°22-21.296), la Cour de cassation revient sur la responsabilité civile professionnelle des experts-comptables en leur qualité de rédacteur d'actes.

Contexte

En l'espèce, dans le cadre d'une cession de l'intégralité du capital d'une société, cette dernière a conféré à un expert-comptable, dans une lettre de mission, la charge de rédiger les actes de cession de parts.

Lui reprochant un manquement à son devoir de conseil en sa qualité de rédacteur des actes de cession, le cessionnaire des parts sociales, non-signataire de la lettre de mission, a assigné l'expert-comptable en responsabilité.

Problématique

Se posait ainsi tout d'abord la question du cadre de la responsabilité, contractuelle ou délictuelle, de l'expert-comptable à qui le cessionnaire reprochait d'avoir commis une faute.

Ensuite, et surtout, se posait celle de l'étendue de sa responsabilité, notamment vis-à-vis du cessionnaire des parts sociales, tiers à la relation contractuelle entre l'expert-comptable et son client (la société vendue), lorsque l'expert-comptable intervient dans le cadre d'une activité juridique accessoire, à savoir la rédaction de l'acte de cession de parts.

Solution

Sur le premier point, l'expert-comptable n'avait été missionné, pour rédiger l'acte de cession de parts, que par la société cédée. Celle-ci était donc son seul contractant. Dans ces conditions, le cessionnaire, tiers au contrat, ne pouvait se placer que sur le plan délictuel (et non sur le plan contractuel) pour mettre en cause la responsabilité de l'expert-comptable. Ce dernier ne pouvait donc voir sa responsabilité contractuelle recherchée par le cessionnaire.

Sur le second point, la Cour d'appel a estimé que « l'étendue de la mission [...] et l'obligation de conseil et d'information qui en découlent [devaient] être appréhendées au regard de l'absence d'informations communiquées par les parties à [l'expert-comptable], de l'absence de toute coopération et du montant des honoraires ». Or, pour la Cour de cassation, ces motifs sont « impropres à écarter la responsabilité [du professionnel] en tant que rédacteur des actes de cession des parts sociales ».

En effet, pour la Haute Juridiction, lorsque l'expert-comptable accepte d'établir un acte de cession de parts sociales pour le compte de son client, celui-ci doit, en sa qualité de rédacteur, informer et éclairer de manière complète toutes les parties, donc y compris le cessionnaire tiers à la lettre de mission, sur les conséquences de l'opération juridique.

Décision

Dès lors, si la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le cessionnaire concernant le cadre de la responsabilité civile de l'expert-comptable, elle casse et annule l'arrêt de Cour d'appel qui avait refusé de mettre en ½uvre la responsabilité civile de l'expert dans cette opération de cession de parts.

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