Quel est le traitement fiscal des dividendes versés à l'étranger au bénéfice d'une personne morale (articles 119 bis, 2 et 187 du CGI) ?
Faisant partie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus distribués par une société française à des sociétés étrangères font en principe l'objet d'une retenue à la source. Son taux est généralement de 25%, même s'il existe des taux particuliers de 15% et 75%. Par ailleurs, les conventions fiscales internationales peuvent le réduire, ou le supprimer totalement.
Plusieurs cas d'exonération existent également, notamment dans le cas de versements effectués au profit de sociétés situées dans l'Espace économique européen (EEE).
La retenue à la source est aménagée par l'article 96 de la loi de finances pour 2025 qui institue un dispositif anti-arbitrage des dividendes afin de lutter contre les montages frauduleux dit «CumCum». Par un rescrit, l'Administration a précisé les modalités d'application du dispositif.
Quelles sont les sociétés concernées ?
Pour être soumise à la retenue à la source, la distribution doit en principe être réalisée par une société située en France, au bénéfice d'une société située à l'étranger.
La société à l'origine de la distribution doit ainsi :
- avoir son siège réel en métropole ou dans les DOM (hors collectivités d'outre-mer donc) ;
- relever du régime fiscal des sociétés de capitaux.
La société qui perçoit le versement ne doit pas avoir son siège en France.
Quels sont les revenus de source française soumis à la retenue à la source ?
Les produits concernés par la retenue à la source sont les revenus définis aux articles 109 à 117 du CGI, notamment les produits d'actions ou de parts sociales, c'est-à-dire les distributions régulières de bénéfices votées en assemblée, mais aussi les revenus « fiscalement assimilés ».
Ces « revenus fiscalement assimilés » à des distributions incluent notamment :
- la fraction des rémunérations ou dépenses réputée comme un revenu distribué, faute d'être admise en déduction pour l'assiette de l'IS ;
- les salaires excessifs ou ne correspondant pas à un travail effectif ;
- les dépenses réintégrées dans les bénéfices ;
- les intérêts excédentaires ;
- les dépenses de caractère somptuaire ;
- les jetons de présence allouées aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des SA.
A contrario, n'entrent pas dans le champ de la retenue à la source :
- les avances, prêts ou acomptes versés aux associés ;
- les rémunérations et distributions occultes à raison desquelles la société distributrice est passible de la pénalité prévue à l'article 1759 du CGI ;
- les dividendes perçus par une société étrangère, lorsque ces produits ont été compris dans les résultats imposables de l'établissement stable qu'elle possède en France, sous conditions.
Quels sont les cas d'exonération ?
Certaines distributions n'entrent pas dans le champ de la retenue à la source. Il s'agit :
- des distributions bénéficiant à des organisations internationales, à des États souverains étrangers et aux banques centrales ou aux institutions financières publiques de ces États ;
- des produits distribués à une personne morale étrangère en liquidation judiciaire ;
- des dividendes distribués à une société mère établie dans un État de l'Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein, ou distribués à un de ses établissements stables situés dans l'un de ces États (voir section suivante) ;
- certaines distributions effectuées par les sociétés de capital-risque ;
- certains revenus distribués à des organismes de placement collectif.
Pour une liste des sommes qui ne doivent pas supporter de retenue à la source, voir sur le site bofip.impots.gouv.fr, BOI-RPPM-RCM-30-30-20 et suivants.
Le cas particulier des dividendes versés à une société de l'Espace économique européen
Les dividendes distribués par une société française à une société mère située dans l'EEE sont en principe exonérés de retenue à la source dans la mesure où les conditions suivantes sont remplies :
- l'établissement payeur est soumis à l'impôt sur les sociétés (IS) au taux normal de 25%. Sont donc exclus les sociétés qui bénéficient d'une exemption totale d'IS. Pour celles partiellement soumises à l'IS au taux normal, l'exonération s'applique aux dividendes prélevés sur les résultats imposés au taux normal ;
- la société bénéficiaire :
- détient directement, de façon ininterrompue depuis 2 ans ou plus, 10% au moins du capital de la société distributrice ou prend l'engagement de conserver une telle participation pendant 2 ans. Ce taux peut être ramené à 5% sous conditions (notamment le régime mère-fille prévu à l'article 145 du CGI) ;
- a son siège de direction effective dans un État membre de l'Union européenne, ou en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein ;
- revêt l'une des formes énumérées sur la liste établie à l'annexe I, partie A de la directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011 ou une forme équivalente lorsque la société a son siège en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein ;
- est passible de l'IS dans l'État où elle a son siège de direction effective, les sociétés soumises à l'IS sur option et les sociétés exonérées sont exclues.
Cette exonération s'applique aussi aux dividendes distribués aux établissements stables des sociétés bénéficiaires situés dans un autre État membre de l'Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein.
Il ne s'agit ici que d'une synthèse des conditions d'exonération applicable aux distributions réalisées au bénéfice d'une société de l'EEE. Par ailleurs, des dispositifs anti-abus permettent à l'administration fiscale de remettre en cause des montages qui auraient uniquement pour objectif d'éluder l'impôt. Voir sur le site bofip.impots.gouv.fr, l'extrait BOI-RPPM-RCM-30-30-20-10.
Dispositif CumCum : mise en place d'un dispositif anti-arbitrage pour lutter contre la fraude
Le dispositif CumCum est un dispositif permettant à des investisseurs non résidents d'éluder la retenue à la source, en transférant temporairement leur titre à une tierce personne qui n'y est pas soumise, soit car il s'agit d'un résident fiscal français, soit car il s'agit d'un non résident par l'effet d'une convention fiscale ou de son statut (le plus souvent des établissements financiers). Le transfert de titre peut prendre la forme de prêt, de vente etc. L'économie d'impôt est partagée avec l'établissement financier qui rend après le prélèvement de sa commission, les titres à l'actionnaire non-résident. Cette fraude engendre entre 1,5 et 3 milliard d'¤ de perte de recettes fiscales par an.
L'article 96 de la loi de finances pour 2025 modifie la rédaction de l'article 119 bis du CGI et dispose que la retenue à la source s'applique également aux bénéficiaires effectifs. Cette mesure est en vigueur depuis le 16 février 2025.
De plus, la loi institue une retenue à la source conservatoire sur les dividendes et produits assimilées versés aux résidents d'un État bénéficiant en principe d'une exemption par l'effet d'une convention fiscale. Le contribuable pourra obtenir le remboursement s'il démontre qu'il est le bénéficiaire effectif des revenus et que lesdits revenus ont été versés dans le cadre d'opération ayant principalement un objet autre que fiscal.
Le redevable de la retenue à la source doit transmettre certaines informations à l'Administration, à savoir le montant et la date des opérations, l'identité de l'émetteur des actions ou des parts et l'identité du bénéficiaire effectif. Si le redevable de la retenue à la source n'est pas en mesure de fournir ces informations, il devra transmettre les informations nécessaires à l'identification de sa résidence fiscale.
Ces dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2026.
Dans un rescrit (BOI-RES-RPPM-000203, 17 avril 2025), l'administration précise les modalités d'application du dispositif anti-arbitrage instauré par la loi de finances pour 2025.
Quel est le taux de la retenue à la source ?
Le taux varie selon la qualité du bénéficiaire :
- 15% pour les organismes sans but lucratif ayant leur siège dans un État de l'Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein, sous conditions ;
- 75% pour les revenus payés hors de France dans un État ou territoire non coopératif (ETNC) au sens de l'article 238-0 A du CGI, sauf si le débiteur apporte la preuve que les distributions de ces produits n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre, dans un but de fraude fiscale, leur localisation dans un tel État ou territoire.
La liste des ETNC a fait l'objet d'une mise à jour au 18 avril 2025. Le Belize, les Seychelles et les Bahamas sont retirées des ETNC. Aucun territoire ou État n'a été ajouté. Pour plus de précisions, lire l'article : La notion de substance économique dans les opérations internationales ; - 25% pour les autres revenus distribués.
Cette retenue à la source s'applique sur le montant brut décaissé par la société.
Il faut toutefois vérifier au préalable qu'une convention fiscale internationale, visant à supprimer toute double imposition, n'a pas été signée entre la France et l'État de la société bénéficiaire.
Taux de la retenue à la source (hors convention internationale applicable) | |||
Qualité du bénéficiaire | Droit commun | Organismes sans but lucratif | États et territoires non coopératifs |
Taux applicable | 25% | 15% | 75% |
Comment déclarer et verser la retenue à la source ?
En principe, c'est l'établissement payeur en France qui doit effectuer la retenue à la source. A cette occasion, il doit demander au bénéficiaire une justification de son identité ainsi que de son siège pour savoir si la retenue est ou non exigible et doit être prélevée par leur soin.
Le versement est alors effectué auprès de l'administration fiscale :
- via le service des impôts des entreprises dont il dépend ;
- au plus tard le 15 du mois suivant celui de la retenue ;
- à l'aide d'une déclaration n° 2777, obligatoirement télétransmise ou n°2779 lorsque le paiement est effectué par une personne morale établie dans un État membre de l'UE, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein.
La retenue à la source due au titre du mois de décembre fait l'objet d'un acompte, égal à 90% du montant de la retenue due au titre du mois de décembre de l'année précédente. Il doit être versé au plus tard le 15 octobre.
D'une part, le non-respect de ces obligations entraîne une majoration de 0,2%. D'autre part, la souscription hors délai, accompagnée d'un paiement tardif entraîne les sanctions des déclarations tardives, à savoir des indemnités de retard et des majorations de l'article 1728 (de 10% à 80%).
Des demandes de restitutions totales existent pour les personnes morales étrangères déficitaires ou partielles afin de tenir compte de certaines charges, sous conditions.
Cet article ne présente qu'une synthèse de ce dispositif. Pour en savoir plus, il convient de se référer à la documentation fiscale, et notamment aux extraits BOFiP concernés (BOI-RPPM-RCM-30-30-10 et suivants).
Au sommaire du dossier
- Principaux cas d'imposition en France des sociétés étrangères
- Territorialité de l'impôt sur les sociétés : imposition des entreprises en France et à l'étranger ?
- L'établissement stable en fiscalité internationale
- La taxe annuelle de 3% sur les immeubles (TVVI)
- Participation d'une société étrangère dans une société de personnes française
- Retenue à la source sur les dividendes versés à des sociétés étrangères
- Plus-values de cession de titres dans des sociétés françaises réalisées par des sociétés étrangères
- Retenue à la source au titre de certaines rémunérations encaissées par les entreprises étrangères